Ce 26 septembre, le Peuple sénégalais va replonger dans les terribles souvenirs du naufrage du Joola, qui a fait 1863 morts, selon les chiffres officiels. En prélude à la commémoration du 20ème anniversaire de la plus grande tragédie maritime mondiale, Le Quotidien vous raconte, à travers une série de papiers, les drames qui ont frappé ce pays ces 30 dernières années.

Podor 23 ans après les inondations dévastatrices de 99

Jusqu’aux premiers jours du mois d’octobre 1999, Ngoodi et Sinthiou étaient les quartiers du village de Donaye. Situé dans l’île à Morphil, dans la commune de Guédé village à 11 km de Podor, Donaye a été dévasté après la montée du fleuve Sénégal en 99. Furieux, le fleuve a tout détruit sur son passage. 23 ans après les inondations, qui ont dévasté la localité provoquant la délocalisation du village à Tarédji, niché à 30 km sur la Rn2, seuls quelques bâtiments résistent à l’usure du temps. Retour sur ce sinistre qui rayé de la carte un village populaire dans la nuit du dimanche 3 au lundi 4 octobre 1999.

La nuit fut longue. Entre le 3 et le 4 octobre 99, les populations de Donaye sont chassées de chez elles par les eaux. Ce fut une terrible vision, une violente renonciation à son histoire. 23 ans après cette terrible tragédie, rien n’a changé. En ce mois de septembre, la montée des eaux du fleuve Sénégal, avec le risque de fortes crues, rend difficile tout voyage à Donaye. Avec une île à Morphil ceinturée par les eaux, il a fallu emprunter la bretelle Tarédji-Podor et prendre la piste latéritique à hauteur de Guia, pour se rendre à Donaye, posé sur le fleuve Sénégal.

Après 6 km de piste en passant par Diattar…, enfin Donaye se dévoile. Il y a une digue de protection pour contenir la colère du fleuve, s’il décide de sortir de son lit. Les animaux divaguent sous des arbres fleuris, de petites dunes herbacées. Sur place, il reste quelques pans de bâtiments en banco complètement dévastés, des maisons en ruine. Une histoire séculaire à terre.

Malgré l’inhospitalité de l’endroit, il y a des hommes qui ont décidé de revenir sur leurs terres ancestrales pour reprendre leur vie. Vêtu de blanc, couché sous un grand arbre, yeux rivés sur un livre d’arabe, âgé de 54 ans, Thierno Mamoudou Ly, adjoint de l’imam de la mosquée de Donaye, est plongé dans une profonde lecture.

Sinthiou était le quartier le plus peuplé et habité du village. Il n’en reste que des souvenirs que le temps n’a pas balayé. Comme son nom l’indique en Pulaar, Sinthiou est un quartier d’extension du village avec l’augmentation de la population. Situé au sud de Donaye, il a été rayé de la carte du village par les eaux du fleuve dans la nuit du dimanche 3 octobre 1999, suite à une pluie accompagnée de vent, alors que les populations et leurs voisins avaient réussi à remplir des sacs de sable afin d’ériger une digue de fortune. Malheureusement celle-ci a cédé. Les anciens du village racontent que cette partie du village a toujours été inondée par les crues du fleuve. Après la longue période de sécheresse dans les années de 1970, les gens ont cru que cette zone ne serait plus inondée. En 1985, Sinthiou accueille son premier habitant, un ressortissant du village qui vivait à Dakar, qui venait de rentrer. Au fil des ans, un nouveau quartier est installé sur un site inondable. Quelle erreur !

Déchaîné, le fleuve sortit de son lit dans cette nuit du 3 au 4 octobre 1999. Alors que toutes les populations de Donaye avaient cru que la digue faite de sacs remplis de sable pouvait barrer les eaux de crues du fleuve, tout bascula entre 21 heures et 22 heures. Chargé de nuages, le ciel ouvrit ses vannes.

Accompagnée de vents violents, une forte pluie s’abattit dans toute la zone.
Les rafales de vent donnèrent une force à l’eau, qui pénétra dans les habitations. Les populations étaient obligées d’abandonner les lieux et décidèrent d’aller se réfugier dans l’autre quartier du village. Thierno Mouhamadou Dème, l’imam de Donaye-Tarédji, raconte l’horreur : «C’était une nuit inoubliable. En 15mn, les bâtiments (99% en banco) commençaient à tomber et le bruit était audible jusqu’à Diattar, qui est à 5 km. Heureusement il n’y a pas eu de perte en vies humaines, mais les gens s’entêtaient à vouloir sauver ce qui pouvait l’être (matériel, bétail…), alors que les bâtiments s’écroulaient.» C’est une vision apocalyptique. Enseignant et habitant Donaye, cet homme, âgé de 23 ans à l’époque, n’a rien oublié : «Durant cette longue nuit, tout le village était mobilisé pour évacuer les habitants de Sinthiou en vue de les acheminer vers le quartier nord, mais la situation est devenue compliquée quand les eaux sont arrivées au niveau du poste de santé et ses alentours.»

Saïdou Anne et M. Sylla, nés respectivement en 1996 et 1997, n’ont pas gardé des souvenirs de cette nuit-là. Boutiquier à Donaye Tarédji, le premier indique : «J’avais 3 ans au moment de la catastrophe et tout m’a été raconté. En tout cas, à chaque fois lors des échanges avec nos aînés, pour me taquiner, ces derniers ne se lassent pas de me dire que j’ai été évacué ce jour-là sur le dos de l’un de leurs camarades.» M. Sylla, trouvé en train de désaltérer son cheval au fleuve à Donaye, enchaîne : «Je ne peux pas me rappeler cette époque, mais mon père m’a raconté que les populations étaient plus inquiètes pour les enfants de mon âge, alors que nous jouions sans souci.»

Longue nuit de secours et d’évacuation à Tarédji
Chassées par les eaux, les populations de Donaye se retrouvent cette nuit du 3 octobre 1999 sur l’esplanade de la grande mosquée et des cimetières, les endroits les plus culminants du village. Et l’endroit devenait petit pour contenir tout le village. Dédé Ly rappelle : «Les gens étouffaient car la chaleur était insoutenable. Durant cette nuit où personne n’a fermé l’œil, même les petits enfants, les concertations pour un relogement commencèrent.» Il poursuit : «Donaye a eu la chance d’avoir un chef de village intellectuel, c’est ce qui a permis de concilier les différentes propositions et de retenir Tarédji, un site composé essentiellement de nos terres. Chaque famille a un champ qu’il cultive en période d’hivernage et il y a quelques familles de Donaye qui y habitent depuis très longtemps.»

Divisé entre deux quartiers distants de 30 km
Si longue que soit la nuit, le jour parait. Dès le lendemain de la catastrophe (lundi 4 octobre), les services de l’Etat sont présents à Donaye. Les évacuations ont commencé par pirogue jusqu’à Podor. Et de Podor à Tarédji, situé sur la Route nationale, par voiture. Amadou Salif Sétté se souvient : «En tant que bras valides à l’époque, nous avons participé aux opérations d’évacuation. Les premières concernaient les personnes âgées, les malades, les enfants et les femmes et c’est après avoir sécurisé les bâtiments qui étaient encore debout que mes collègues et moi sommes partis.» Arrivés à Podor, certains habitants ont bénéficié de l’hospitalité de leurs parents. D’autres sont partis à Diattar, Podor, Guia, entre autres. «Notre famille est restée un mois à Podor avant de rejoindre définitivement Tarédji», assure Mama Sall. Arrivées à Tarédji dans la journée du lundi 4 octobre 1999, les populations de Donaye ouvrirent une nouvelle page de leur histoire. Mais, elles n’ont rien oublié de cette nuit d’horreur.

lequotidien

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