Si vous cauchemardez plus de deux fois par semaine et que vos mauvaises nuits ont un impact négatif sur votre quotidien, peut-être souffrez-vous de la « maladie des cauchemars ». Un trouble qui touche 4 à 6 % de la population, et qui nécessite une prise en charge particulière.
Et pour cause : qu’il soit idiopathique (sans cause connue) ou associé à d’autres troubles psychiatriques, il peut révéler des envies suicidaires, une dépression et dégrader l’état de santé général.
Que se passe-t-il dans le cerveau pendant un cauchemar ?
Tout d’abord, il faut distinguer le cauchemar du mauvais rêve. Tous deux sont « dysphoriques », c’est-à-dire qu’ils comportent leur lot d’émotions négatives. Néanmoins, tout désagréable soit-il, le mauvais rêve ne réveille pas le dormeur et peut se produire pendant toutes les phases de sommeil.
« Les deux tiers de nos rêves sont négatifs, détaille Isabelle Arnulf, professeure de neurologie et cheffe du service des pathologies du sommeil de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière pour Echosciences. Les beaux rêves ne sont pas les plus fréquents. Ils ont un rôle de régulation émotionnelle du sommeil.
C’est-à-dire qu’on digère les émotions négatives lorsqu’on dort. Par exemple, si vous recevez un mail désagréable un soir et que vous y répondez immédiatement, vous répondez avec vos émotions. Mais si vous dormez et que vous répondez le lendemain, vous le ferez avec votre raison.
On pense donc que les rêves simulent des menaces pour mieux y faire face dans la journée ou, en tout cas, mieux les digérer. »
LE TRAITEMENT DE LA « MALADIE DES CAUCHEMARS » PAR THÉRAPIES MÉDICAMENTEUSES EST MOINS EFFICACE QUE PAR THÉRAPIES COGNITIVO-COMPORTEMENTALES.
Pourtant, il arrive parfois que ce système de régulation émotionnelle échoue : c’est là que le mauvais rêve se transforme en cauchemar. Il conduit à des réveils en sursaut, associés à d’autres symptômes : sueurs, désorientation, etc. Le cauchemar est généralement bien mémorisé, puisqu’il survient pendant le sommeil paradoxal ou le sommeil léger, période où le cerveau est en ébullition.
Il est assez peu fréquent, mais inoffensif s’il reste occasionnel : 35 % des adultes admettent cauchemarder environ une fois par mois. En revanche, plusieurs cauchemars par semaine peuvent devenir extrêmement handicapants.
Outre les dégâts sur la santé mentale, les conséquences sont également physiques puisque les patients peuvent avoir recours à des stratégies d’évitement afin d’échapper aux cauchemars… ce qui n’est pas sans conséquences pour le sommeil.
Quelles sont les pistes de traitement ?
Actuellement, le traitement des cauchemars à répétition passe par la Répétition d’imagerie mentale (IRT). Le principe est simple : il s’agit de se remémorer son cauchemar jusqu’au moment le plus effrayant, puis d’inventer une suite alternative à l’issue positive !
Il faut ensuite se la remémorer une à plusieurs fois par jour afin de créer un nouveau souvenir, à l’image d’un chemin que le cerveau pourra emprunter pendant le sommeil, au moment du cauchemar.
Cette pratique, encadrée par des professionnels, fonctionne bien mais certains patients y sont réfractaires. Des chercheurs du Centre de médecine du sommeil du Département de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) ont donc mis au point une thérapie couplée, associant l’IRT à la méthode de réactivation de mémoire ciblée (TMR).
La TMR consiste à renforcer la mémoire sensorielle en associant une sensation à un souvenir : un son, une odeur, un goût… un peu comme la madeleine de Proust !
LES FEMMES SONT DAVANTAGE TOUCHÉES PAR LA MALADIE QUE LES HOMMES, ET LES PERSONNES ATTEINTES DE TROUBLES PSYCHIATRIQUES SONT PLUS SUSCEPTIBLES DE CAUCHEMARDER SOUVENT.
Les scientifiques ont mené une expérience sur un groupe de patients en leur faisant élaborer une fin alternative à leur rêve, ensuite associée à un accord de piano.
Cet accord était ensuite répété aux patients pendant leur sommeil par conduction osseuse, via des électrodes. Les résultats, publiés dans la revue Current Biology en octobre 2022, sont très encourageants : si les patients du groupe « thérapie couplée » et ceux du groupe « thérapie par IRT » voyaient tous leurs cauchemars diminuer, la diminution était plus importante dans le premier groupe.
« Pour l’instant, nous sommes encore au stade de la recherche et cette méthode n’a pas été validée sur le plan clinique, précise néanmoins Sophie Schwartz, membre de l’équipe de recherche dans les colonnes du Monde.
Nous la testons actuellement chez les personnes qui font des cauchemars associés à un stress post-traumatique. S’il est démontré qu’elles vont mieux dans la journée et que leurs cauchemars diminuent, alors ce sera un argument très fort pour généraliser la TMR ».
Une avancée qui devrait permettre de mettre en lumière une maladie encore méconnue et encourager les personnes touchées à consulter pour espérer dormir sur leurs deux oreilles !
futura