Arrivé cette semaine au chevet du Stade rennais à la place de Jorge Sampaoli, Habib Beye a démarré sa carrière de coach de Ligue 1 par un succès (1-0) contre Strasbourg. Après trois années passées au Red Star, en National, a-t-il le niveau pour assurer le maintien du club breton ?
Il attendait ce moment avec impatience, depuis plus de sept mois. Après trois saisons sur le banc du Red Star ponctué d’un titre de champion de National (et d’une montée en L 2), Habib Beye (47 ans) voulait voir plus grand et entraîner un club de Ligue 1. Pas question pour l’ancien capitaine de l’OM de coacher en Ligue 2 et d’affronter son ancien club. Il s’est retrouvé durant l’intersaison dans la short list de quelques clubs en L 1 (Lens, Reims) avant d’être tout près de rallier Nantes en décembre der
nier avant la mini-trêve (il se serait révélé incapable de constituer un staff technique pour l’épauler).
Tout s’est accéléré après la mise à l’écart de Jorge Sampaoli, à Rennes, le 30 janvier. Après avoir déjà démis de ses fonctions Julien Stéphan à la mi-novembre, les dirigeants rennais ont misé sur le consultant vedette de Canal +, qui a signé un contrat de six mois, plus une année automatique en cas de maintien. Beye a débarqué en Bretagne accompagné de Sébastien Bichard, avec qui il a déjà travaillé au Red Star, et Olivier Saragaglia, qui faisait partie de sa promotion quand il a passé son diplôme d’entraîneur.
« Je me suis construit pour aller chercher le très haut niveau »
Pour sa première sur un banc de touche en L 1, le choc psychologique a opéré ce dimanche au Roazhon Park contre Strasbourg. Bousculés pendant une grosse partie de la rencontre par des Alsaciens en grande forme (huit matchs sans défaite), les Bretons ont su faire le dos rond avant de marquer le but de la délivrance à la dernière minute de jeu par Ludovic Blas.
Un succès 1-0 qui va ramener un peu de sérénité, puisque Rennes quitte sa place de barragiste pour remonter au 15e rang avant un affrontement capital à Saint-Étienne (16e) samedi prochain.
Passer directement du National à la Ligue 1 sans passer par la case L 2, pour un entraîneur, est un cas inédit dans le Championnat de France.
Ce manque d’expérience avait pesé lourd dans les clubs qui s’intéressaient à lui. « L’expérience ne fonctionne pas à chaque fois, à mon sens. Vous allez la chercher dans la compétence, dans votre parcours. Et pour devenir un entraîneur expérimenté, il faut pratiquer, avait déclaré Beye lors de sa conférence de presse ce vendredi.
Je me suis construit pour aller chercher le très haut niveau.
J’ai pris le temps de travailler dans un club qui était en difficulté. C’est une construction d’homme après ma carrière de footballeur. J’ai échangé avec énormément d’entraîneurs et j’ai pris beaucoup de confiance. Je n’ai pas brûlé les étapes, je me suis construit avec le temps. »
« Il s’est appuyé sur la puissance médiatique de Canal + »
Pour plusieurs de ses confrères, Habib Beye est attendu au tournant. « C’est un parcours très rare mais il s’est appuyé sur la puissance médiatique de Canal + », déclare un entraîneur d’un club professionnel. Pour d’autres, son inexpérience de la L 1 ne sera pas un problème.
« Lors de mon stage à la Juventus aux débuts des années 2000, j’avais demandé à Marcello Lippi s’il était nécessaire d’avoir joué en Serie A pour entraîner en Serie A, raconte Albert Cartier, l’ancien coach de Metz qu’il avait fait passer du National à la L 1 en deux ans (2012-2014). Lippi m’avait répondu que c’était plus facile, quand tu as joué la Ligue des champions, de parler de la Ligue des champions.
Si tu n’as pas joué en L 1, c’est compliqué de parler de la L 1.
Habib ne va pas être perdu dans ce club de Rennes, bien au contraire. Il a connu le très haut niveau et là il va être dans son élément. C’est une très bonne nouvelle pour Rennes et le foot car c’est mettre en avant un coach talentueux qui possède encore une grande marge de progression pour lui. »
Son passé d’ancien joueur international, ayant évolué notamment à l’OM et à Newcastle, est un atout pour Jean-Luc Vasseur, qui avait eu sa première expérience d’entraîneur à Créteil (National puis L 2 entre 2011 et 2014) avant de signer en L 1, à Reims en 2015 : « Des choses vont le ramener à ses expériences en tant que joueur. Habib a le désavantage de ne pas avoir pu enchaîner avec le Red Star sur la même dynamique et de continuer à jauger ses préceptes, en faisant en sorte que son identité d’entraîneur d’équipe existe, mais il a eu aussi l’avantage de rester dans le milieu médiatique qui lui a permis de continuer de suivre les équipes en s’interrogeant sur leurs contraintes, styles et exigences. Il va s’en servir. »
La situation sportive du Stade Rennais, un club d’un certain standing qui s’enfonce tout doucement vers la zone rouge, ne plaidait pas pour le choix d’un coach inexpérimenté à ce niveau.
Et forcément, arriver dans un tel contexte n’est pas le cadre idéal pour débuter. Le technicien, adepte d’un jeu de possession, aime bien faire jouer cette équipe. Va-t-il être obligé de rogner sur sa philosophie de jeu pour obtenir des résultats et arracher un maintien en L 1 ?
« Sa mission est celle d’être le pompier de service »
« Il a la maturité aujourd’hui pour appréhender une situation qui n’est pas facile, même s’il arrive dans un groupe qui ne paraît pas vraiment très homogène, estime Albert Cartier. Pour accepter ce poste, il a validé le fait qu’il était capable de maîtriser cette difficulté supplémentaire. »
leparisien