Malgré la pandémie du Covid-19, la contribution du numérique au PIB atteint désormais 10 %, satisfaisant ainsi l’un des objectifs fixés pour 2025. Si les défis restent nombreux, Dakar dispose de nombreux atouts pour faire partie des pays d’Afrique les mieux connectés.
Élaborée en 2016 par le gouvernement dans le cadre du Plan Sénégal émergent (PSE), la stratégie Sénégal numérique 2025 (SN2025), soutenue par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), entend améliorer les performances du pays dans ce domaine. L’objectif initial – créer 140 000 emplois directs et indirects à l’horizon 2025, ainsi que voir le numérique contribuer à 10% du PIB – est déjà atteint. Pour ce faire, une batterie de 28 réformes et de 69 projets a été lancée durant la période 2016-2025, la stratégie ayant été actualisée en 2020.
Améliorer l’accès à internet
La crise du Covid-19 a démontré l’importance de l’outil numérique lorsqu’il s’agit de toucher les populations les plus vulnérables. Les pouvoirs publics ont ainsi transféré 80 000 francs CFA (121 euros) par mobile money vers 543 000 ménages démunis – une mesure exceptionnelle annoncée le 11 mai 2022 par le président Macky Sall pour faire face à la pandémie et aux conséquences de la guerre en Ukraine.
La gestion de la pandémie a imposé le confinement et le recours au télétravail. À cette occasion, l’inégalité d’accès à l’outil digital est apparue au grand jour. Selon l’Enquête harmonisée sur les conditions de vie des ménages au Sénégal, menée en 2021 par l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), seuls 31,7 % des ménages avaient accès à internet en 2018-2019 (l’accès individuel étant de 43 % d’après l’Union internationale des télécommunications, en 2020), à comparer avec les taux de 26 % en Guinée, 27 % au Mali, 36 % en Côte d’Ivoire et 58 % au Ghana.
« Une fracture numérique existe entre les populations selon leur milieu de résidence, le niveau de pauvreté et la région, explique l’ANSD. En effet, 15,9 % des populations rurales ont accès à internet contre plus d’une personne sur deux (56,9 %) dans la zone urbaine de Dakar et un peu plus du tiers dans les autres milieux urbains. »
Depuis deux décennies, l’impact de l’économie digitale est tangible, notamment dans le tourisme, le commerce et les industries créatives, même si un immense potentiel reste à libérer. L’Université virtuelle du Sénégal (UVS) a été lancée, en 2013, dans toutes les régions du pays, une première en Afrique francophone.
Dans leur rapport « Sénégal numérique et croissance inclusive, une transformation technologique pour plus d’emplois de qualité » (2021), les experts de la Banque mondiale n’en ont pas moins dressé un diagnostic sans complaisance : « La plupart des entreprises utilisent encore des procédures manuelles et des technologies pré-numériques pour exécuter des fonctions générales ou spécifiques à un secteur. Alors que 30% des grandes entreprises utilisent des smartphones, seulement 18% des micro-entreprises informelles le font. Seulement 6% utilisent des logiciels de gestion ».
Écosystème de start-up
Du côté des atouts, la bonne connectivité du Sénégal le classe au 9e rang en Afrique, devant l’Algérie et le Rwanda, indique le rapport Network Readiness Index 2021. Il a été le premier pays à conduire l’enquête de la Banque mondiale sur l’adoption des TIC par les entreprises. L’enjeu est de taille : selon l’institution financière internationale, « dans les zones où l’internet mobile est disponible, le niveau de consommation des ménages augmente de 14% et l’extrême pauvreté diminue de 10 % ».
La révolution digitale entraîne des changements de comportements – une simple tablette pour faire sa comptabilité pouvant par exemple être d’une grande aide pour les opérateurs du secteur informel. Du côté des pouvoirs publics, une politique incitative a été mise en œuvre en faveur de l’écosystème des start-up. Dynamique, celui-ci compte une dizaine d’incubateurs ainsi que des fonds qui leur sont consacrés. Entre 2019 et 2021, la puissance publique a alloué 27 millions de dollars au hub d’innovation de la Délégation générale à l’entrepreneuriat rapide des femmes et des jeunes (DER/FJ), ce qui a bénéficié à plus de 120 start-up et à 100 entrepreneurs innovants.
Autre avancée notable : Wave, une entreprise de fintech, figure parmi les cinq « licornes » africaines à avoir émergé en 2021, malgré la pandémie, avec 200 millions de dollars de fonds levés et 6 millions d’utilisateurs actifs pour ses services de mobile money. Comme le dit si bien Youssou N’Dour, le roi du mbalax, « le téléphone portable a tout changé. Il permet de penser le développement ».
Vers une identité nationale numérique
L’administration, où la dématérialisation des procédures d’état-civil est en cours, n’est pas en reste. Des enjeux de développement clés sont liés à l’identité nationale numérique (INN), notamment pour la délivrance des services adéquats en matière de santé, de couverture sociale, d’éducation, d’information et d’inclusion financière. L’identité numérique représente une étape fondamentale pour d’autres chantiers d’avenir, tels que le vote électronique. Sur cette question, le Pnud Sénégal a pris en charge une étude de faisabilité. Le projet d’INN, officiellement lancé le 24 juin dernier, avec une enveloppe de près de 5 millions d’euros, prendra en compte tous les citoyens afin de faire avancer les Objectifs de développement durable (ODD).
La digitalisation représente en effet un instrument essentiel pour rendre universel l’accès aux services sociaux de base – eau, électricité, assainissement, santé et éducation – en incluant ceux qui sont traditionnellement exclus des processus de développement. La promesse des ODD est en effet de « ne laisser personne pour compte ».
C’est pourquoi le Pnud, aux côtés du gouvernement du Sénégal, s’emploie à explorer des pistes de partenariat pour mobiliser des ressources complémentaires nécessaires à la mise en œuvre du Projet d’appui à la gouvernance numérique (Pagnum). Afin de renforcer la cohésion et la synergie des interventions dans le numérique au niveau national, le Pnud a d’ailleurs entamé, en 2022, une recension des usages et services du numérique, tant publics que privés, pour appuyer le cadre de gouvernance et la prise de décision. Une enquête cruciale, qui déterminera les choix des politiques publiques à venir dans un secteur qui mérite toute l’attention des partenaires au développement.
jeuneafrique
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