Las de voir les priorités du pays reléguées au second plan au profit des empoignades politiques, les chefs d’entreprise, tous secteurs confondus, interpellent les acteurs politiques et leur demandent de prendre en compte les urgences de l’heure.
Au moment où le gouvernement se met à l’arrêt dans l’attente d’un remaniement, -où les politiciens se passionnent pour deux choses, dans l’ordre, un, le nom du (de la) prochain.e président.e de l’Assemblée nationale et, de deux, l’éventualité pour Macky Sall de se présenter à la magistrature suprême pour une troisième fois-, les produits de consommation prennent l’ascenseur sans que les salaires ne puissent suivre, et les entreprises, aussi bien dans le secteur formel que dans le secteur informel, mettent l’une après l’autre la clé sous le paillasson. Le dernier exemple en date est la décision de deux des trois cimenteries du Sénégal, de mettre leur personnel en chômage technique, parce que les coûts des intrants ont atteint des taux prohibitifs, tandis que leurs marges sont bloquées depuis longtemps. Il y a également des entreprises comme les minoteries, sur lesquelles pèsent de lourdes charges et qui, en dépit des efforts de l’Etat pour les soutenir, ne voient toujours pas le bout du tunnel. Et il y en a plein d’autres encore.
Le contexte géopolitique et sanitaire international n’aide pas, il faut le dire. Les pays africains ont été durement frappés par la crise engendrée par le Covid-19 et surtout par ses conséquences, en termes de restrictions en matière de circulation des marchandises, et par conséquent, de hausse des prix et des difficultés des échanges. Ces difficultés commençaient à peine à s’atténuer que le conflit entre la Russie et l’Ukraine, suivi par des sanctions occidentales contre l’économie russe, est venu balayer les efforts de redressement des Africains, car tout le monde s’est rendu compte de l’importance de l’Ukraine et de la Russie dans la fourniture des céréales et des intrants agricoles.
Alors la grande majorité des organisations patronales du Sénégal ont décidé de s’adresser aux dirigeants politiques, et de prendre l’opinion à témoin. Hier, aux côtés des dirigeants des structures comme la Chambre de commerce de Dakar, les deux branches de l’Unacois, le Ges, ainsi que d’autres branches du secteur privé, M. Baïdy Agne, le président du Conseil national du patronat, a demandé : «A la 14ème législature, nous disons : «Auditionnez votre Secteur privé national avant de voter toute loi à caractère économique et social.» Et pour faire bonne mesure du prochain gouvernement qui sera bientôt installé, les patrons d’entreprise disent attendre ceci : «Soutenez davantage votre Secteur privé national afin de permettre à l’entreprise nationale de prospérer et de répondre à cette forte demande d’emplois de notre jeunesse que nous savons innovante et productive.»
L’idée est de ne plus laisser mourir des entreprises nationales. Les chefs d’entreprise ne veulent pas être traités en citoyens de seconde zone, parce qu’ils sont créateurs de richesses.
Par la voix de Baïdy Agne, ils ont donc plaidé «pour l’élargissement du cadre réglementaire et juridique du contenu local à d’autres secteurs d’activités que celui du pétrole et du gaz, mais aussi pour plus d’engagement à nos côtés de l’Administration publique, plus de patriotisme économique, moins de haine de soi, moins de stigmatisation et de suspicion des privés nationaux qui gagnent des marchés et, enfin, de nouvelles règles de complémentarité avec l’investissement direct étranger».
En contrepartie, les entrepreneurs locaux s’engagent «à accroître les investissements privés nationaux, à créer plus d’emplois décents pour notre jeunesse, à contribuer davantage au développement socio-économique de nos villes et hinterlands».
Il faudrait, pour ces résultats, que d’ici les prochaines élections, le pays bruisse moins des questions politiques pour se pencher sur l’agenda économique, les préoccupations des entreprises et les priorités sociales, qui sont des questions du quotidien de tous les citoyens.
Si Baïdy Agne et ses collègues ont pu réussir à rassembler, autour d’une même plateforme unique, les producteurs industriels et les négociants dont souvent les intérêts sont divergents, on peut souhaiter que leur appel à un dialogue public/privé autour des intérêts économiques du pays soit entendu par les plus hautes autorités de ce pays.
lequotidien