Ériger en tabou, en thriller ou en casus belli, la question de la date de fin d’un mandat dans une République, c’est distiller un érosif sur la substance même du contrôle social
La question du troisième mandat a diffusé un malaise social dans l’espace public sénégalais. Ériger en tabou, en thriller ou en casus belli, la question de la date de fin d’un mandat dans une République, c’est distiller un érosif sur la substance même du contrôle social.
Pire, remettre entre les mains d’un exégète imbus du « droit divin », de la science infuse et d’un juridisme de destruction massive, la tâche, à la fois burlesque et périlleuse, de transformer un tronc d’arbre en crocodile, c’est boire à la grande tasse dans le fleuve de l’oubli.
Du reste, depuis les débats sur le vote de la loi sur le parrainage, il est observable que la terre (Sénégal) tourne autour du Montesquieu du pouvoir. Par un tour de passe-passe à la vitesse de la foudre, ce dernier avait ressuscité Montesquieu dans son mouchoir de poche.
En effet, seul un tour de magie (tuur lëndëm), peut autoriser à faire référence à Montesquieu tout en défendant le contraire de ce qu’il a écrit. Car, aussi lointain que l’on cherchera un ancrage historique du parrainage dans le droit sénégalais, son affiliation généalogique au parrainage français restera ineffaçable. Le talent interrogeable du prestidigitateur en chef ne suffit pas.
En tout état de cause, le problème de fond est ailleurs dès lors que cette loi a des appartenances sociale, politique, institutionnelle et contextuelle spécifiques. Car pour (le vrai) Montesquieu, la loi est non seulement la raison humaine, mais elle doit être propre au peuple pour lequel elle est faite (Montesquieu, 1758).
(le vrai) Montesquieu énumère seize (16) déterminants d’une loi, toutes, sans exception, absentes de la loi sur le parrainage (Montesquieu, id,).
De plus, toujours selon (le vrai) Montesquieu, la loi n’est pas la voie royale pour changer les choses : « Lorsque l’on veut changer les mœurs et les manières, il ne faut pas les changer par les lois ; cela paraitrait trop tyrannique : il vaut mieux les changer par d’autres mœurs et d’autres manières »[1].
On aurait pu se passer de Montesquieu (le vrai) ici, si son avatar de la république (le Montesquieu du pouvoir) ne l’avait pas fait se retourner dans sa tombe. En effet, Cheikh Anta Diop a esquissé à main levée la direction à prendre. Il faut résolument « bâtir un corps des sciences humaines »[2] africaines.
Contribuer à la dissolution des apories du droit sénégalais et mettre en perspective la question des modalités et conditions du remplacement des « mauvaises lois » par de « bonnes lois » à travers l’identification de mécanismes nouveaux de cohésion et de défense sociale pertinents, devraient être la doxa du Montesquieu du pouvoir.
Le détournement délibéré des lois qui traduit le primat du politique sur le Droit et la volonté du peuple, vaporise la crédibilité de la justice tout en revitalisant sa critique.
L’inadéquation des lois a pour conséquence entre autres, la mise en place d’un faisceau de crypto-lois. Des lois parallèles, informelles qui font le lit de la corruption et des disruptions. Ces crypto-lois sont considérées par les protagonistes de l’espace socio-politique, comme étant plus opérantes pour se défaire de l’injustice.
Autrement dit, sous les déterminismes des « mauvaises lois » les acteurs socio-politiques utilisent des manœuvres de contournement des règles pour structurer leurs actions et interactions (Marion Vacheret, Guy Lemire, 2007.), (Phillipe Combessie, 2009.).
Les différentes pratiques parallèles de l’acteur social, remplacent dans un secret de Polichinelle, le cadre normatif officiel dans le but de contester « l’art de vaincre sans avoir raison » (Cheikh Hamidou Kane, 1961) que lui impose le système.
Cet écart entre les lois et les réalités du milieu socio-politique fait aussi partie des apories à désagréger au regard de la configuration actuelle du champ politique et de sa grammaire d’émancipation (Cyril Lemieux, 2018).
Il apparaît ainsi que faire des lois, de bonnes lois, revient à œuvrer pour la dissolution des illégalismes sociaux.
C’est une question de délai. Les envolées lyriques du Montesquieu du pouvoir, contredites de façon récurrente par les événements finiront par exacerber les tensions sociopolitiques. Les vents des quatre coins du Sénégal souffleront sur son écran de fumée pour dévoyer les vérités d’une logique politique peuplée de suppléments qui plissent la volonté du peuple.
L’instrumentalisation pour ne pas dire la domestication de la justice par le politique a pris des formes singulières notamment la disqualification des listes électorales qui renforce la perception du concubinage incestueux. L’élection présidentielle de 2024 en ligne de mire entre dans une phase critique d’anomie ou la ruse et les calculs politiciens seront des puissants leviers d’une mobilisation politique sans précédent dans l’histoire post-coloniale du Sénégal.
seneplus
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