LA RUSTICITE POLITIQUE FAUSSE L’ESPRIT DE LA DEMOCRATIE
L’inconstance théorique d’un scientifique a pour effet qu’il n’est plus pris au sérieux même lorsqu’il dit la vérité. A cela s’ajoute que tout système politique, toute loi se vident de leur substance et se dénaturent dès lors que la pratique politique des gouvernants manque de noblesse.
La rusticité tue la politique, car elle lui enlève son humanité.
La république ne porte son nom sans raison, il y a de l’essentialisme dans ce concept : le souci de donner aux choix politiques et citoyens dans une communauté politique toute leur noblesse par l’élégance des actes posés justifie le terme république. La république ne saurait s’accommoder de calculs mesquins et de pratiques dont la précarité et la rusticité répugnent au bon sens et à l’éthique.
Quand un Professeur d’université a l’habitude de tout justifier selon ses intérêts politiques, il perd une grande partie de sa crédibilité scientifique. Or ceux qui suivent Ismaïla Madior Fall depuis 2012 sont déroutés par sa manie à justifier aujourd’hui ce qu’il critiquait auparavant.
C’est tellement manifeste que les Sénégalais sont persuadés que si ce ministre était contemporain de Faidherbe, il trouverait un moyen de justifier ses massacres.
Il est des actes légaux qu’un homme politique sage devrait éviter de poser au regard du contexte et de leur impact dans le ressenti du peuple.
Que le mandat des membres de la CENA ait expiré depuis longtemps ne saurait justifier ce décret qui est perçu comme une réaction de bête blessée. De toute façon personne ne peut se maintenir à un poste par son propre arbitraire, s’ils sont restés à leur poste bien après expiration de leur mandat est expiré, ce n’est donc pas de leur faute.
Et si le vœu secret de ce décret est de décrédibiliser les membres sortants, cela voudra dire que la signature du président de la république aussi manque de crédibilité et de seigneurie. La responsabilité est la contrepartie de la légitimité politique : quand les citoyens d’un pays choisissent un homme parmi des millions pour présider à leurs destinées, le devoir qui incombe à cet élu est de faire de la responsabilité l’âme de toutes ses actions.
La responsabilité première d’un homme d’Etat, c’est de veiller à ne pas dissoudre le contrat de confiance qui le lie au peuple, car de cette dissolution découlent le désespoir et la subversion.
L’homme d’Etat a la responsabilité d’épanouir son peuple, de travailler à l’accomplissement de sa communauté, et c’est pourquoi, en plus de l’avoir investi de cette confiance quasi religieuse, ils lui ont donné les moyens de les rendre raisonnables.
Les lois, les institutions et les moyens de répression sont justement destinés à travailler à l’accomplissement moral et politique de la communauté par la qualité de ses membres. Il va sans dire donc que si ces outils politiques sont utilisés pour son accomplissement personnel, le contrat est rompu.
Tout le combat qu’on mène pour affranchir le Président des charges de chef de parti politique trouve ici sa justification : sans cette transcendance des contingences partisanes et claniques, l’homme d’Etat règne désormais dans la vilénie et l’instrumentalisation des institutions à des fins personnelles.
Macky a une chance qu’il doit transformer en aubaine pour le peuple sénégalais : quitter le pouvoir et devenir une référence africaine, en matière de démocratie et de bonne gouvernance.
En renonçant, après l’avoir écrit et proclamé plusieurs fois, à une troisième candidature, il a posé un acte fort : il faut donc qu’il soit conséquent jusqu’au bout, car l’éthique ne saurait contredire l’éthique, et qui peut le plus peut le moins. La responsabilité de l’homme d’Etat, c’est aussi d’utiliser le consensus et la diplomatie quand il sait que le droit et la force ne sont pas nécessaires pour résoudre un problème qui agite la communauté.
Rousseau a dit : « La première des lois est de respecter les lois … ».
Or si le Président a oublié de renouveler les membres de la CENA ou s’est abstenu de le faire pour des calculs politiques, il a violé la loi. S’il revient en ces temps troubles pour faire respecter la loi que d’autres (sous sa tutelle) étaient en train de violer, c’est la preuve qu’il a une piètre idée de la république. Un président qui ne se réveille de son sommeil régalien que lorsque la ligne de son camp politique est menacée, montre finalement qu’il est désormais un chef de faction comme l’ont été les politiques grecs avant la guerre de Péloponnèse.
Ces derniers, si l’on en croit Thucydide, rivalisaient d’ardeur en matière de cruauté lorsqu’il s’agissait de punir leurs adversaires, mais débordaient de générosité et d’indulgence lorsqu’il était question de récompenser les leurs.
Il faut que dans son propre camp, pas seulement dans l’opposition et ce qui reste de la société civile, qu’on rappelle à Macky Sall cette belle maxime de Rousseau
« (…) nulle exemption de la loi ne sera jamais accordée à quelque titre que ce puisse être dans un gouvernement bien policé. Les citoyens mêmes qui ont bien mérité de la patrie doivent être récompensés par des honneurs et jamais par des privilèges : car la république est à la veille de sa ruine, sitôt que quelqu’un peut penser qu’il est beau de ne pas obéir aux lois ».
La question que se posent bon nombre de sénégalais est dès lors : le maintien des membres de la CENA à leur poste après expiration de leur mandat était-il le gâteau pour leur fermer les yeux et la bouche ?
xibaaru