Du 25 novembre au 3 décembre 2023, Dakar va vibrer au rythme de la mode. Pour la célébration de ses 40 ans de carrière, Collé Ardo Sow, la reine du pagne tissé, accueille, à Dakar, la crème des créateurs africains. Une célébration sous le signe de la transmission.
Quarante ans de présence sur la scène de la mode sénégalaise, c’est le prestigieux palmarès de la styliste Collé Ardo Sow. Les festivités célébrant cette carrière hors norme démarrent à Dakar ce 25 novembre, avec le concours des jeunes créateurs. Du 1er au 3 décembre, la célébration se poursuivra avec successivement le défilé des stylistes internationaux et la soirée sénégalaise doublée d’une exposition vente.
Pendant ces quelques journées, Collé Ardo Sow va célébrer un parcours singulier qui l’a menée de Diourbel, sa ville natale, à cet Espace Waly Sakhir qu’elle a édifié.
Face à la presse ce mardi, la styliste a fortement regretté le manque de soutien dans ce secteur. «On ne manque pas de créativité. Mais on n’a pas une industrie», estime la styliste, qui a longtemps élevé la voix pour plaider dans ce sens. «La qualité est là, la création est là», estime Collé Ardo, mais l’absence d’une industrie inhibe les efforts des acteurs. «La mode au Sénégal et en Afrique est vierge.
Chacun de nous essaie de travailler dans son atelier et on ne vend pas assez.
Je suis allée aux Etats-Unis, on m’a demandé 1000 modèles par jour, j’ai dit non parce que je ne peux pas faire 1000 modèles par jour», regrette la styliste. Une situation qui résulte de certains facteurs comme la mort de l’industrie textile sénégalaise.
Les usines comme Sotiba et Icotaf ont disparu et, indique Mme Sow, «notre coton est vendu à l’extérieur».
S’y ajoute l’absence visible d’une politique de soutien de l’Etat. D’ailleurs, Mme Sow n’a toujours pas digéré la modique somme de 25 millions «offerte» aux designers pendant la crise du Covid, là ou d’autres secteurs ont reçu plus d’un milliard de francs Cfa.
Devant un aréopage de jeunes créateurs de talent dont Lahad Guèye, la reine du pagne tissé a plaidé pour l’érection d’une unité de confection commune aux stylistes, non seulement du Sénégal, mais aussi de ceux de la sous-région. Elle indique que le Sénégal est à une distance plus raisonnable de certains centres et a, de ce fait, une carte à jouer. Ses nombreuses tentatives pour mettre sur pied ce genre d’infrastructures n’ont jusque-là pas abouti, mais Collé Ardo Sow n’a pas encore dit son dernier mot.
Ainsi, une matinée sera consacrée à un panel autour des questions et enjeux qui se posent au secteur, en présence des stylistes internationaux dont de grands noms comme Pathé O, Gilles Touré, Alphady, Maimoure ou Moïse Cissé. Parmi les autres évènements prévus, des sessions de formation destinées aux enfants des écoles coraniques.
Avec 40 métiers identifiés dans la chaîne de fabrication, les opportunités de création d’emplois sont réelles.
Mais encore faudrait-il mettre l’accent sur la formation, souligne Collé Ardo, qui inscrit la célébration de ses 40 ans de métier sous le signe de la transmission.
C’est en 1983 que Collé Ardo Sow lance sa première collection de 12 modèles, qu’elle présentera elle-même puisqu’étant mannequin. Le succès d’une pièce en pagne tissé va attirer l’attention.
C’était parti pour quatre décennies pendant lesquelles Collé Ardo Sow aura dessiné les contours de la mode africaine, en y introduisant notamment le costume africain. Sira Vision, ce moment qui a vu éclore nombre de jeunes talents, s’est arrêté à un moment. Mais la créativité, la bienveillance et la générosité de sa créatrice sont restées intactes.
Et comme le souligne Lahad Guèye, lauréat en 2012, «Collé Ardo a toujours stimulé la jeunesse». Reste à espérer que l’Etat du Sénégal réfléchisse sérieusement à une politique pour soutenir ce secteur.
Politique de l’Etat
Selon un rapport de l’Unesco rendu public il y a quelques semaines, le secteur de la mode en Afrique bouillonne d’opportunités puisque porté par l’essor des classes moyennes, une population jeune et croissante, une urbanisation rapide et le développement des technologies numériques.
Le rapport donne ainsi l’exemple de l’Ethiopie. Le pays s’était fixé pour objectif de générer 30 milliards de dollars Us d’exportations dans le secteur du textile et de l’habillement d’ici à 2030 et de créer jusqu’à 350 000 emplois.
lequotidien