Face aux chocs et aux incertitudes, l’industrie aéronautique doit être innovante, performante et résiliente. C’est la conviction de Abdoulaye Dièye, Directeur général de la société anonyme, Aéroport international Blaise Diagne de Diass (Aibd Sa). Dans cette interview exclusive au « Journal de l’économie sénégalaise » (Lejecos), M. Dièye fait le bilan de ses réalisations, un peu plus d’un an après sa nomination en septembre 2022.
Il affirme avoir posé des actes concrets, dès sa prise de fonction, notamment par la stabilisation et l’amélioration continue de l’organisation et le recrutement de personnel technique.
M. Dièye revient dans cet entretien, sur le trafic aérien à l’Aibd, l’exécution du Programme de reconstruction des aéroports du Sénégal (Pras), la résilience des aéroports sénégalais. Il informe par ailleurs, que l’aéroport de Ziguinchor dont les travaux sont très avancés sera bientôt réceptionné.
Monsieur le Directeur général, il y a plus d’un an, vous avez été porté à la tête de la société anonyme Aéroport international Blaise Diagne (Aibd SA). Quel bilan en faites-vous ?
Son Excellence Monsieur Macky Sall, Président de la République, m’a honoré de sa confiance, en me portant à la tête de cette stratégique institution qu’est l’Aibd SA, le 28 septembre 2022. Et depuis ce jour, je m’attèle, avec tous mes collaborateurs, à la mise en œuvre de la stratégie du hub aérien 2021-2025 définie par le Chef de l’Etat.
Au lendemain de ma prise de fonction, je me suis employé à poser des actes concrets, notamment par la stabilisation et l’amélioration continue de l’organisation et le recrutement de personnel technique. Cette approche nous a permis d’obtenir la validation des procédures de vols Gnss Rnav (Pbn) de l’aéroport international de Cap Skirring.
Il en est de même de l’obtention de la licence de contrôle de la navigation aérienne au profit des contrôleurs aériens de Cap Skirring conformément à la réglementation. Je signale que pour la première fois dans l’histoire de l’aviation civile du Sénégal, des contrôleurs aériens assurent leurs vacations dans les aéroports régionaux avec la licence de contrôle.
La formation constitue pour nous un levier de performance dans le secteur aéronautique.
C’est dans cette perspective que l’Académie internationale des métiers de l’aviation civile (Aimac) a été conçue, en collaboration avec l’Ecole de l’Armée de l’air, en vue de renforcer le capital humain du secteur aéronautique et de faire de notre pays une référence dans le domaine de la formation aux métiers de l’aviation civile. Nous avons, pour la première phase, finalisé les travaux de réhabilitation de la piste, du taxiway et du parking avion.
Des équipements ont été acquis, notamment 17 aéronefs de dernière génération.
Les travaux de construction du campus pédagogique et social d’une capacité de 600 élèves sont en cours. La formation d’une première cohorte de 24 élèves pilotes et 30 techniciens de maintenance pour le compte de la compagnie nationale Air Sénégal a débuté en mai 2022.
De même, le Centre de maintenance aéronautique (Mro), destiné à accompagner le développement du pavillon national Air Sénégal, du point de vue de la maintenance technique complète de sa flotte et de celle des autres compagnies aériennes sous régionales.
Ce MRO disais-je, est en cours de réalisation, car le site qui lui est réservé est isolé de la zone de sûreté aéroportuaire et les travaux de terrassement ainsi que la fondation ont démarré. J’ajoute que la charpente pour le bâtiment administratif et les ateliers sont livrés sur site, et la charpente métallique, qui doit porter le hangar pour la maintenance des avions, va ainsi bientôt sortir de terre.
Le Mro, qui génèrera 300 emplois directs à terme, a pour ambition d’être un centre de référence reconnu mondialement en 2035.
Le projet est conçu pour pouvoir offrir différents types de maintenance, allant de Check A à Check D avec une toiture de hauteur constante permettant d’accueillir les avions Code E dans les deux sens : en nose-in pour la maintenance légère et en tail-in pour les grosses visites à immobilisation longue durée.
Aibd SA peut également se féliciter de la réhabilitation des aéroports de Tambacounda, de Sédhiou et de Kédougou.
En plus de la réalisation de l’Amhs, la piste d’atterrissage de l’aéroport de Kédougou a été rallongée de 1800 à 2000 mètres. De même, elle a été élargie de 15 à 30 m, et son parking avion porté à 5000 mètres carrés, sans compter la voie de circulation et l’aérogare qui ont été rénovés.
La première mise en exploitation commerciale effective de l’aéroport de Kédougou le 11 mai 2023, s’inscrit également dans cette volonté de rendre dynamiques les plateformes régionales. Par ailleurs, nous saluons la signature, par le ministre des Transports aériens et du Développement des infrastructures aéroportuaires, de l’arrêté autorisant et mettant en place la redevance de la prolongation des heures d’ouverture des aéroports.
Le 7 décembre 2023, l’aéroport international Ousmane Masseck Ndiaye a été mis en exploitation.
Son homologation est une première dans l’histoire de l’aviation au Sénégal. En effet, il est devenu, depuis le 7 décembre 2023, le premier aéroport régional conforme aux normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale (Oaci)
L’Aéroport international Blaise Diagne (Aibd) de Diass a enregistré 2,6 millions de passagers en 2022 et devrait atteindre près de 3 millions d’ici la fin de cette année. Dans les prévisions, l’atteinte des 5 millions de passagers pour 2025 est envisagée. Qu’est ce qui pourrait expliquer cette tendance haussière des trafics ?
Durant la période du 1er janvier au 05 décembre 2023, l’Aéroport international Blaise Diagne (Aibd) de Diass a enregistré un peu plus de 2.714.000 passagers dont 1.238.000 entrants, 1.315.000 sortants et 161.369 en transit. Il ressort de ces données que l’objectif des 3 millions de passagers fixé pour l’année 2023 sera atteint. L’optimisme est aussi de rigueur en ce qui concerne la cible des 5 millions de passagers à l’horizon 2025.
Cette croissance constante, nettement au-dessus du taux d’accroissement du trafic mondial, est le résultat d’une amélioration continue de la qualité des services rendus et de la mise en œuvre par Aibd SA d’une politique ambitieuse et cohérente.
La résilience des aéroports face aux chocs exogènes est devenue un impératif de gestion aéroportuaire à la lumière des conséquences de la dernière pandémie de Covid-19 ? Quelles sont les solutions préconisées pour renforcer la capacité de résilience de l’Aibd?
Face aux chocs et aux incertitudes, l’industrie aéronautique se doit aujourd’hui d’être innovante, performante et résiliente. Nous avons adopté une approche pragmatique et prospective en augmentant la capacité de nos aéroports à « s’adapter aux mutations endogènes et exogènes. En 2020, la pandémie de Covid-19 a fait chuter le trafic aérien mondial avec des pertes estimées à plus de 370 milliards de dollars de revenus pour les compagnies aériennes.
Malgré une bonne reprise du trafic, il nous faut promouvoir des solutions pérennes dans l’industrie aéronautique, avec l’amélioration continue de la qualité des services, l’encouragement du concept d’Airport collaborative et de la gestion prédictive. Il est tout aussi important de travailler à la mise en place de protocoles techniques et sanitaires pour assurer les voyages sans contact et de systèmes automatisés de contrôle des passeports.
On s’y emploie, de même qu’on travaille au développement plus accentué du fret et des redevances extra-aéronautiques, avec la construction d’une Aéroville qui contribuerait aussi à renforcer les certitudes.
Où en est-on avec le Programme de reconstruction des aéroports régionaux ?
Le Programme de reconstruction des aéroports du Sénégal (Pras) est exécuté en deux phases. Le Pras 1 concerne la reconstruction des cinq aéroports suivants : Saint-Louis, Ourossogui-Matam, Ziguinchor, Tambacounda et Kédougou. Huit autres aéroports seront rénovés dans le cadre du Pras 2.
Il s’agit des aéroports de Kolda, Sédhiou, Cap Skirring, Linguère, Podor, Kaolack, Bakel, Simenti. En attendant leur réhabilitation complète par le Pras, les aéroports de Tambacounda, Kédougou et Sédhiou ont été réfectionnés. L’Aéroport de Saint-Louis, homologué par l’Anacim, a été mis en exploitation le 7 décembre 2023.
L’aéroport de Ziguinchor dont les travaux sont très avancés sera bientôt réceptionné.
Celui de Ourossogui-Matam est en bonne voie de finalisation. La piste, le taxiway et les parkings avions sont déjà réalisés. Concernant le volet bâtiment, les travaux de l’aérogare, des hangars et de la tour de contrôle sont très avancés. Les équipements sont totalement livrés sur site. L’aéroport pourra être prochainement opérationnel.
Le PRAS contribue à faire du Sénégal un hub aérien conformément aux orientations stratégiques du Président de la République.
Le Pras permet de développer un réseau d’aéroports régionaux autour de l’Aibd, de favoriser le désenclavement aérien des différentes régions, où ils sont érigés et d’accompagner leur développement territorial.
A terme, l’objectif est de créer un réseau aérien domestique pour en faire des hubs dynamiques de connectivité, stimulant ainsi l’attractivité de leurs espaces d’implantation. Consciente que les aéroports sont des leviers de développement économique, Aibd SA investit massivement dans des solutions de pointe. Le Sénégal de ce point de vue, est en train de redessiner sa carte aéroportuaire.
Quels sont vos principaux chantiers en cours ?
Sur le plan de l’exploitation technique, le processus de certification de l’aéroport international de Cap Skirring suit son cours. On en est à la quatrième phase. Pour ce qui est de l’homologation de l’aéroport de Tambacounda, une demande formelle est déjà adressée à l’autorité de l’aviation civile et le manuel d’exploitation de l’aéroport soumis pour approbation.
Après son homologation, nous travaillons à la certification de l’aéroport international Ousmane Masseck Ndiaye de Saint-Louis.
L’aéroport de Ziguinchor dont les travaux sont en cours de finalisation sera réceptionné très prochainement.
AIBD SA développe également le projet d’Aéroville. Un important projet d’aménagement urbain visant à accueillir sur le périmètre aéroportuaire des unités économiques pour la génération de revenus extra-aéronautiques. Sous ce rapport, un cap a été franchi à AIBD SA dans la mise en œuvre de ce projet, avec la signature lors du forum Invest In Sénégal d’importants accords, avec des partenaires pour un volume global d’investissement de plus de 60 milliards de FCFA.
La première phase de l’Aéroville sera érigée sur près de 400 hectares pour faire de la plateforme aéroportuaire un pôle économique de référence. Le Plan d’aménagement urbain de l’Aéroville de Diass a été finalisé et nous recevons aujourd’hui un bon nombre de manifestations d’intérêt.
AIBD SA pour sa part, s’est ainsi résolument inscrite dans une nouvelle ère de développement à travers la mise en œuvre de projets structurants pour faire du Sénégal le premier hub aérien sous-régional. Cette dynamique se poursuivra en 2024 avec une concrétisation de cette louable ambition.
Lejecos Magazine