Il ya aujourd’hui un consensus sur le potentiel agricole du Sénégal. Mais notre pays doit faire des ajustements pour produire suffisamment afin de nourrir sa population, selon Cheikh Sadibou Fall du Bureau d’analyses macroéconomiques (BAME) de l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA).
Au moment où s’ouvre la campagne de commercialisation de l’arachide, la principale culture commerciale du pays dont le prix plancher au producteur est fixé à 280 FCFA kilogramme, est, le Sénégal cherche encore la bonne formule pour assurer sa souveraineté alimentaire.
Le gouvernement multiplie les initiatives dans ce secteur qui représente 17 % du PIB et qui emploie environ 60 % de la population active.
Au Sénégal, l’agriculture est pratiquée principalement par de petits producteurs qui cultivent des parcelles de terre de taille réduite pour semer de l’arachide, du coton, du riz, du maïs, du mil et du sorgho. Ces mêmes producteurs pratiquent également les cultures industrielles, que sont l’arachide, le coton, la tomate industrielle.
A côté, la Compagnie sucrière sénégalaise cultive la canne à sucre, dont elle a l’exclusivité de la production.
Si l’agriculture industrielle offre de nombreuses opportunités aux entrepreneurs sénégalais et étrangers, elle peut en revanche, entrer en concurrence avec l’agriculture vivrière.
Ceci constitue un problème aujourd’hui, au moment où l’’agriculture sénégalaise est confrontée à de nombreux défis comme la dépendance à quelques cultures de rente (arachide et coton), et la faible productivité des exploitations.
Selon Cheikh Sadibou Fall du Bureau d’analyses macroéconomiques (BAME) de l’Institut sénégalais de recherches agricoles, les deux types d’agriculture peuvent coexister et même être complémentaires et donc, « Il faut éviter la compétition entre les types d’agriculture.
Chaque type a sa place dans l’écosystème et il faut se focaliser sur les synergies tant que c’est possible ».
Il ajoute que la Compagnie sucrière sénégalaise qui a l’exclusivité de la production de sucre est en train de réfléchir sur la possibilité de contractualiser avec les petits producteurs. Pour étayer son propos sur la complémentarité nécessaire entre ces deux types d’agriculture, M. Fall donne l’exemple de la pomme terre produite à la fois par un industriel et des maraichers en bonne intelligence.
« L’industriel dans ce cas, n’inonde pas le marché quand les petits producteurs mettent leurs productions sur le marché. Ces mécanismes de régulation existent dans certaines filières et pourraient être utilisés dans d’autres filières, dit-il.
« Dans la recherche de synergies, le gouvernement doit accompagner les petits producteurs à être plus performants.
Selon M. Fall, une telle politique ne peut être que bénéfique pour l’agriculture », mais il invite aussi le gouvernement, dans sa régulation, à ne pas privilégier l’agrobusiness qui a plus de moyens.
Selon lui, la performance des deux systèmes fera que le Sénégal aura des excédents qui permettent d’avoir des stocks de sécurité et de s’ouvrir des possibilités d’exportation.
Pour avoir une agriculture plus performante, Cheikh Sadibou Fall préconise l’approche système alimentaire, en lieu et place de l’approche filière, puis sur celle des chaines de valeur, qui jusque-là est de mise, avec des résultats mitigés. Le chercheur fonde sa proposition sur le fait que le système alimentaire est plus englobant.
En effet, « Le système alimentaire inclut d’une part, les facteurs biophysiques et environnementaux, l’innovation et la technologie, et d’autre part, des aspects politiques et économiques, socioculturels, démographiques qui interagissent avec les chaines d’approvisionnement alimentaires plus connus sous le nom de chaines de valeur, mais aussi avec des systèmes de production (stockage, entreposage, distribution, transformation) », avance-t-il.
Au demeurant, il fait noter que « Les systèmes alimentaires prennent en compte l’accès physique, économique, la disponibilité, la publicité, l’information, la qualité et la sécurité sanitaire, le comportement des consommateurs, le régime alimentaire, la santé et la nutrition dans un cadre fédérateur.
Tous ces aspects concourent à la sécurité alimentaire (disponibilité, accès et utilisation) », ajoute-t-il, en se félicitant de l’option choisie par le gouvernement de suivre cette logique.
M. Fall insiste également sur la nécessité d’un bon système de suivi-évaluation pour mieux suivre les performances de l’agriculture et une subvention mieux ciblée et plus efficace. « Il n’est pas envisageable que le Sénégal arrête les subventions mais il faut un meilleur ciblage des bénéficiaires et du matériel (végétal, agricole).
Il faut revoir également le système de financement », insiste -t-il.
Une meilleure maîtrise de l’eau et des coûts de l’énergie plus faibles, auxquels il faut ajouter un système d’encadrement des producteurs comme ce qui se faisait au début de l’indépendance, sont aussi des défis à relever selon Cheikh Sadibou Fall.
Le chercheur de l’ISRA/ BAME, suggère en outre, à la suite de ces pré-requis que « Pour chaque levier, les gens devraient avoir des évidences scientifiques pour prendre les meilleures décisions dans un cadre fédérateur pour avoir des décisions consensuelles (gouvernance) ».
Si ces ajustements sont faits, Cheikh Sadibou Fall se dit convaincu que le Sénégal a les moyens de réaliser sa souveraineté alimentaire puisqu’il réunit les trois (3) conditions essentielles pour faire de l’agriculture, à savoir : les terres, l’eau et le soleil.
Il y a suffisamment d’eaux souterraines, et de surface.
Il y a également un bon potentiel foncier avec des millions d’hectares de terres arables, même s’il y a des rigidités, qui font que même si les terres sont disponibles, elles ne sont pas exploitables ou exploitées », confie-t-il.
Cependant, ce potentiel ne doit pas cacher une réalité, qui est la dégradation tendancielle de l’environnement de production, due entre autres, au changement climatique et aux actions de l’homme.
Mais ces handicaps ne sont pas insurmontables selon M. Fall, pour qui « La recherche a réglé beaucoup de problèmes en développant des paquets technologiques adaptés pour faire face à certaines contraintes. Cela mérite d’être mise à l’échelle avec le concours d’un système d’encadrement renforcé », rassure le chercheur.
L’agrobusiness, un secteur en croissance au Sénégal
L’agrobusiness comprend l’ensemble des activités liées à la production, à la transformation et à la commercialisation des produits agricoles, est en phase de croissance au Sénégal. Il contribue à la création d’emplois, et à la diversification de l’économie.
Le gouvernement sénégalais a mis en place des politiques visant à soutenir le développement de l’agrobusiness par l’amélioration de la productivité des exploitations agricoles, la diversification des cultures destinées à l’exportation.
L’agrobusiness offre de nombreuses opportunités aux entrepreneurs sénégalais, qui peuvent profiter de la croissance de la demande des produits alimentaires au Sénégal et dans les pays voisins.
Lejecos Magazine
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kreigh delmonte