Les effets du réchauffement climatique affectent déjà des secteurs clé de l’économie sénégalaise comme l’agriculture et la pêche avec à la clé la désertification, la montée du niveau des océans, l’érosion des côtes, la salinisation des champs, la raréfaction des poissons, les pollutions.
Des enjeux présents pour partie dans le programme de Bassirou Diomaye Faye, le nouveau président investi le 2 avril 2024, mais peu mis en avant lors de sa campagne. Ils vont pourtant s’amplifier avec l’accélération du changement climatique.
« Nous vivons une hausse globale des températures avec des extrêmes, une réduction des pluies à certains moments et, à l’inverse, des précipitations trop importantes à d’autres moments », a expliqué, à Lucile Gimberg de la RFI, Absa Modj de l’ONG environnementale ENDA PRONAT.
Ces manifestations du changement climatique en cours contribuent à la dégradation des sols qui deviennent de moins en moins fertiles.
D’autres phénomènes aggravés par le réchauffement, comme la salinisation des champs et l’érosion, compliquent aussi la vie des nombreux agriculteurs.
Actuellement, le Sénégal est importateur net de produits alimentaires. Pour Bassirou Diomaye Faye, qui a grandi en zone rurale, le pays doit donc développer son agriculture pour « nourrir le pays » et « générer des devises ».
Mais qu’a prévu le nouveau président pour adapter l’agriculture aux conditions climatiques actuelles et à venir ?
La diversification des cultures, un Observatoire du monde rural pour anticiper et alerter les agriculteurs en cas d’inondations ou de sécheresse, le développement du « consommer local », la prise en compte de la santé des écosystèmes et pas seulement de celle des humains…
Certaines promesses du nouveau chef de l’État vont dans le bon sens, estime Absa Modj, spécialiste de la transition agroécologique au sein de l’ONG ENDA PRONAT. Mais il faudra « concrétiser ».
Et les incitations à l’usage des engrais chimiques et à la mécanisation, qu’on peut aussi voir dans le programme du nouveau président, n’indiquent pas vraiment le virage, jugé nécessaires par les scientifiques, vers des modes de production agro-écologiques ou durables.
Ecosystèmes marins en souffrance
Le Sénégal fait également face à de nombreux défis environnementaux en mer : la dégradation des écosystèmes marins, la pollution côtière et la perte de biodiversité avec notamment la baisse drastique des populations de poissons en raison de la surexploitation, explique Alioune Faye, chercheur à l’Institut des sciences de l’environnement de l’université Cheikh Anta Diop.
Si rien n’est fait, la raréfaction des poissons va empirer, prévient ce spécialiste de la pêche et des écosystèmes marins : « La surpêche est alimentée par une demande croissante des produits de la mer. Cela va menacer la stabilité des populations de poissons et compromettre la sécurité alimentaire des populations côtières qui dépendent de cette activité ».
Les écosystèmes marins sont, d’autre part, confrontés à des pressions constantes liées au changement climatique : l’acidification des océans, l’élévation du niveau des océans, mais aussi les événements météorologiques extrêmes qui « perturbent les habitats et menacent la résilience des communautés marines », souligne le scientifique.
Freiner la surpêche
Pour reconstituer les ressources marines épuisées, Bassirou Diomaye Faye veut réserver les douze premiers milles marins aux pêcheurs artisanaux pour éloigner les bateaux de pêche industriels.
Il a promis de récréer des récifs artificiels et de rediscuter les accords de pêche signés avec l’Union européenne (UE). Ces accords permettent à des bateaux sous licence européenne de venir pêcher dans la zone économique exclusive du Sénégal.
« Cela revient à monnayer l’excédent de ressources halieutiques qui est disponible car il ne peut pas être pris par les pêcheurs nationaux, par insuffisance de moyens techniques ou financiers », explique Alioune Faye.
Pour le chercheur, la réévaluation de ces accords par le nouveau gouvernement peut être bénéfique « si elle met dans la balance le montant de la compensation financière payée par l’UE et les pertes écologiques ».
Concrètement, cela signifie prendre en considération les conséquences négatives potentielles des navires détenteurs de ces licences de pêche.
« Des conséquences en termes de destruction des habitats de fonds par les chalutiers de fond, de prise d’espèces non-ciblées, mais également de surpêche », détaille-t-il.
La création de récifs artificiels, annoncée par le nouveau président sénégalais, pourrait aussi contribuer à reconstituer les stocks de poissons et à conserver la biodiversité marine, estime Alioune Faye. Ils constitueraient « de nouveaux habitats qui seront utilisés par diverses espèces de poissons pour se reproduire, pour grandir ».
Industrie pétrolière naissante
Enfin en ce qui concerne l’énergie, défi environnemental et en terme d’accès au développement, le nouveau chef de l’État prône là-aussi la souveraineté sénégalaise avant tout. Bassirou Diomaye Faye compte renégocier les contrats pétroliers et gaziers.
Malgré les émissions de gaz à effet de serre – responsables du réchauffement climatique – que cela induira, il n’est pas question pour lui de freiner l’industrie pétrolière naissante. Même s’il promet, dans le même temps, de développer les énergies renouvelables.
VivAfrik
Avec RFI