Le journaliste et chroniqueur Charles Faye a indiqué jeudi 25 avril 2024 à Maderpost que les Sénégalais devaient se réapproprier leur bien en commençant par les Industries chimiques du Sénégal (ICS) dont la convention avec le groupe indonésien Indorama échoit en septembre 2024.
« Le nouveau pouvoir gagnerait à se pencher sur les ICS dont la convention pousse à fin en septembre 2024. C’est une occasion pour remettre les ICS entre les mains des Sénégalais qui importent de l’engrais alors qu’ils produisent du phosphate.
Il est incompréhensible que le gouvernement subventionne des engrais organiques pour contrebalancer la hausse des prix des fertilisants minéraux alors qu’il a possibilité de favoriser la transformation sur place, même s’il parlait en 2023 de la compétitivité et de la promotion de l’agroécologie », dit le journaliste qui se demande « comment Indorama a-t-il pu acheter sous le Président Macky Sall, en 2014, les ICS à 100 000 millions de dollars US soit 44 milliards FCFA alors qu’elles coûtaient plus de 200 milliards FCFA3 ».
Pour le journaliste qui estime que le premier mal a été fait en 2007 sous le Président Abdoulaye Wade avec la cession des ICS à Indian Farmers Fertilizers Cooperative (IFFCO) alors partenaire traditionnel et client des industries chimiques achetant l’acide phosphorique à Darou, le Président Diomaye Faye doit acter la rupture tel que promis aux Sénégalais qui sont les grands perdants avec les ICS.
« Le moment est venu de renégocier les contrats sur les ressources naturelles et cela tombe à pic pour ce qui concerne les ICS.
Le nouveau pouvoir doit faire en sorte que notre pays reprenne les commandes avec une majorité absolue des actions et garantisse l’approvisionnement local d’engrais minéraux et d’acide pour l’assurance de l’autosuffisance alimentaire avant d’exporter.
Il y a plus de 300 milliards FCFA à aller chercher, c’est le moment ce d’autant qu’il se dit que les ICS ne paient ni impôts sur le revenu, ni TVA, ni redevances minières, ni droits de douane », dit-il.
Faisant remarquer que les ICS sont sous le contrôle du groupe indonésien Indorama qui possède une filiale en Inde pour les engrais (Indorama India Private Limited), Charles Faye estime que c’est une « aubaine qui se présente au nouveau pouvoir ».
« La structure actuelle du capital des ICS ne peut plus prospérer.
Les Indiens ne peuvent continuer à posséder 78%, le gouvernement 15% et les autres IFFCO et le gouvernement indien respectivement 6,78% et 0,22%. L’autosuffisance alimentaire ou la souveraineté alimentaire devrait-on plutôt dire ne se discute pas.
L’administration Faye ne peut pas renouveler une convention qui verra encore le conseil d’administration de 12 membres des ICS ne compter que 2 représentants sans pouvoir de décision pour le Sénégal. »
« Les informations parvenues me font savoir que les sphères directoriales sont occupées par les Indiens.
Sur les 70 cadres, soixante sont Indiens. Les employés sénégalais partant pour la retraite sont remplacés par des Indiens. C’est inimaginable en Inde. On parle de plus de 200 Indiens à la mine de phosphate.
Je ne fais pas dans la xénophobie, mais cela en devient surréaliste. Les employés sénégalais sont passés de 2500 à 1500 et c’est idem pour la sous-traitance, les sociétés sénégalaises sont réduites à néant.
La priorité est aux biens et services d’origine indienne, me dit-on. On ne peut pas le faire en Inde. C’est impossible. »
Pour Charles Faye, les ICS doivent, tout comme toutes les ressources naturelles, doivent être érigées en cause nationale. « Les ICS ÑO KO MOM (ndlr : les ICS nous appartiennent). Chaque Sénégalais doit s’engager ce d’autant qu’on nous dit que sur le plan financier, les ICS n’apportent rien au Sénégal même pas les redevances minières auxquelles sont entièrement soumises toutes les autres sociétés minières de la place. Sur ce seul volet, il se dit que les ICS doivent plus de 200 milliards FCFA ».
« De plus, on nous dit que sur le plan agricole, les ICS ne servent paradoxalement à rien.
L’usine d’engrais de Mbao d’une production de 250 000 tonnes par an ne satisfait pas la demande nationale qui a besoin de 150 000 tonnes annuellement.
Les pays cotonniers n’importent plus chez nous parce que l’acide phosphorique nécessaire pour la production est totalement exportée alors qu’il est la matière première de base pour les engrais. Indorama, actionnaire principal et maître du jeu, destine l’acide phosphorique des ICS à la fabrication des engrais en Inde. »
« Ce n’est pas tout, la convention signée en 2007 entre le gouvernement du Sénégal et IFFCO le nouvel acquéreur laissait à l’Usine de Mbao 20% de la production d’acide pour faire les engrais.
Cette proportion d’acide, 300 000 tonnes d’engrais pourraient être produites, soit plus qu’il n’en faut pour la demande nationale de l’agriculture, me disent des spécialistes.
Et bien, en 2013, sous Macky Sall, un arrêté ministériel a cédé la totalité de ces 20%, soit de l’acide phosphorique destiné à l’usine de Mbao à IFFCO, privant ainsi le Sénégal de ses 20% et de la possibilité de produire des engrais. »
Charles Faye estime que la bataille pour le retour des ICS dans le giron sénégalais doit être celle de tous. « L’idée d’un collectif ICS Ño kom mom est à prévoir s’il le faut », dit-il.
Maderpost