La salinité des eaux et des sols, consécutive à l’avancée de la mer et à la baisse de la pluviométrie, met en péril la riziculture pluviale, principale activité agricole de subsistance des communautés de Diembéring, dans le sud du Sénégal, qui l’ont héritée de leurs ancêtres.
Des phénomènes naturels ont entraîné de profonds bouleversements socioéconomiques et environnementaux, dans cette commune de l’arrondissement de Kabrousse, dans le département d’Oussouye.
Située sur le littoral sud, une zone particulièrement vulnérable et très affectée par l’érosion côtière accentuée par l’avancée de la mer, la commune Diembéring a progressivement vu sa plage et son couvert végétal disparaître sous les eaux. La voie devient ainsi de plus en plus libre pour l’eau de la mer qui, petit à petit, progresse vers les rizières.
Un processus qui débouche sur la salinisation des parcelles rizicoles de cette commune de la Basse Casamance, au point de remettre en cause la riziculture, principale activité agricole de subsistance des communautés locales.
A Diembéring, comme partout ailleurs en Casamance, la riziculture pluviale demeure l’activité agricole dominante avec environ 60 % des superficies cultivées. Cependant, la dégradation des conditions climatiques de la zone depuis la fin des années 1960, met à rude épreuve cette activité dont les productions actuelles arrivent à peine à couvrir les besoins alimentaires d’une population de plus en plus en difficulté.
‘’Nos rizières sont sous les eaux. On ne peut plus cultiver correctement.
La mer a pris nos terres cultivables. Nous sommes vraiment dans des difficultés. Il faut que l’Etat réagisse pour freiner l’avancée de la mer’’, implore Bineta Sylla. Trouvée au bord de la plage de Diembéring, Bineta s’adonne au fumage du poisson.
Elle dit avoir renoncé à la riziculture pour se lancer dans cette activité. Elle déclare ne plus disposer ni de rizière encore moins d’une autre parcelle pour s’adonner au maraîchage.
D’une superficie de 237 kilomètres carrés, la commune de Diembéring compte 20.924 habitants. Une population répartie entre une quinzaine de villages et d’îles : Ourong, Carabane, Cachouane, Gnikine, Sifoka, Wendaye, et Ehidj. Des localités qui, pour l’essentiel, sont situées entre la mer et l’embouchure du fleuve Casamance.
‘’A Diembéring, la situation est inquiétante.
Nos rizières sont en train d’être englouties par la mer. Nous risquons de mourir de faim car, aujourd’hui, notre plus grande menace de survie vient de la mer’’, s’inquiète Daniel Diatta, un notable de ce chef-lieu de commune.
Assis au bord de la plage, le vieil homme est préoccupé par ‘’la montée du niveau de la mer et la perte des parcelles rizicoles’’.
A Kabrousse, plus de 4.000 ha de riz engloutis par la mer
A Kabrousse, un des villages côtiers de la commune de Diembéring, au sud de la station balnéaire de Cap Skirring, l’avancée de la mer a fini d’engloutir des milliers d’hectares de rizières, généralement situées dans des bas-fonds ou des vallées.
Ici, les conséquences de la montée du niveau de la mer sont visibles à quelques encablures de la plage et menacent directement l’existence des activités rizicoles de milliers de paysans.
‘’Les rizières du village de Kabrousse s’étendent sur 5.000 hectares, dont 4600 ha occupés par la mer’’, renseigne Ababacar Bernard Diatta, chef de cabinet du maire de Diembéring. Originaire de ce village où il vit avec famille, il indique que près de 400 hectares de rizières échappent encore à la montée des eaux.
Toutefois, ‘’si nous croisons les bras, la riziculture sera bientôt une vieille histoire à Kabrousse, où jadis 2.130 riziculteurs s’adonnaient durant l’hivernage aux activités rizicoles’’, prédit-il.
‘’A Kabrousse, une bonne partie des rizières est engloutie par la mer. Donc, il est évident que, d’ici quelques années, on risque de ne plus avoir de périmètre apte à la riziculture’’, alerte-t-il encore. Il signale que plusieurs paysans autochtones n’ont déjà plus de rizières. ‘’La mer a englouti nos rizières, au moins sur un kilomètre’’, révèle-t-il.
Aujourd’hui, ‘’l’économie du village est au ralenti et en danger’’, s’alarme-t-il. Ababacar Bernard Diatta estime qu’en cas de disparition des activités rizicoles ancestrales menées ici depuis des siècles, ‘’c’est l’âme du village de Kabrousse même qui disparait aussi’’. ‘’Ici, tout est lié à la culture du riz’’, rappelle le chef de cabinet du maire de la commune de Diembéring.
A Kabrousse, village de la figure historique Aline Sitoé Diatta (1920-1944), héroïne de la lutte anticoloniale, l’avancée de la mer a aussi fini de submerger la quasi-totalité des périmètres dédiés aux activités rizicoles.
Des hectares de parcelles rizicoles sous les eaux à Ourong
Zone insulaire par excellence, Ourong est un village paisible et calme, peuplé de près de 950 habitants. Accessible par pirogue, l’île offre un décor de maisons en dur et en argile.
Après une traversée d’au moins une heure à travers de bolongs (mot désignant chenal en Casamance) recouverts de mangrove, une équipe de journalistes de l’APS débarque enfin sur l’île. Partout le silence. Seul résonne le gazouillement des oiseaux.
Ourong, comme les autres îles visitées dans la commune de Diembéring, notamment Diogué, Cachouane, Gnikine et Carabane, souffre aussi de l’avancée fulgurante de la mer.
‘’A Ourong, comme dans les autres îles de la commune de Diembéring, des hectares de parcelles rizicoles sont sous les eaux’’, indique Babacar Dji Coly, chargé de communication du Projet de renforcement de la résilience économique et environnementale des zones côtières de la base Casamance (REEZO).
Il informe que des activités de reboisement de la mangrove, ont été menées dans le cadre de ce projet avec les insulaires, pour réduire la salinité des terres cultivables.
Saisissant cette occasion, les populations locales ont demandé l’aide à l’Etat central, pour que leurs ‘’habitations’’ et leurs ‘’zones rizicoles’’ ne soient pas rayées de la carte du Sénégal, du fait de ‘’la grande vulnérabilité’’ du littoral sud, face à l’avancée fulgurante de la mer.
aps