L’élection du président de la République Bassirou Diomaye Faye a suscité beaucoup d’espoir chez les Sénégalais, surtout du fait de la rupture qu’il entend incarner. Dans ce cadre, il a très vite pris des mesures et s’est lancé dans des concepts et des slogans (Rupture systémique, Juub, Juubal. Jubanti, Projet…) pour dérouler son programme et acté le changement annoncé.
Sauf que c’est un air de déjà-vu. On se souvient de son prédécesseur Macky Sall avec la « gouvernance sobre et vertueuse », « la patrie avant le parti », entre autres, des slogans qui n’ont pas donné les résultats escomptés. Pour cause, les engagements pris ne sont jamais respectés.
Reste à savoir si le nouveau régime saura éviter les écueils et donner corps à ses nouveaux concepts.
Dans l’euphorie de la victoire du 25 mars 2012, le président de la République d’alors Macky Sall avait proclamé qu’il mènerait une véritable rupture et mettrait le pays sur les rails de l’émergence.
Sur ce, il avait théorisé plusieurs concepts et slogans pour faire face aux requêtes sociales urgentes de la population.
Et c’est dans ce sens qu’il a parrainé une « gouvernance sobre et vertueuse » en mettant en place l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), réactivant la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), avant de renforcer la Cour des comptes et d’instituer la déclaration de patrimoine.
Du coup, il consacrait le principe de la reddition des comptes chez certaines personnalités de l’ancien régime qui, à l’image de Karim Wade, sont traqués.
Autre slogan qui a enrobé l’espace politique dès la prise de pouvoir de Macky Sall, c’est « la patrie avant le parti ». Le président sortant entendait par là faire passer l’efficacité avant toute autre considération. Macky Sall avait également promis la rationalisation des dépenses en fusionnant ou en supprimant plusieurs agences de l’Etat.
L’objectif était de rendre l’administration « beaucoup plus efficace » et d’inscrire la transparence et le « mieux d’Etat » pour parler comme l’autre au sein de la gestion des affaires publiques.
L’instauration de la réciprocité des visas faisait aussi partie des mesures phares de l’ancien président de la République au lendemain de son accession à la magistrature suprême.
On connaît la suite.
L’Ivoirien Adama Bictogo est reparti avec un chèque de 12 milliards suite à l’arrêt des visas d’entrée contre principalement des pays occidentaux suite à la bronca des acteurs du secteur touristique.
Comme cette impasse, plusieurs concepts et mesures du président Macky Sall n’ont pas donné les résultats escomptés.
Les années passent et le constat est sans appel. Candidat en 2012, Macky Sall avait promis un Gouvernement de 25 ministres. La « gouvernance sobre et vertueuse » passera à plus de 40 ministres et autres secrétaires d’Etat. Sans occulter les ministres conseillers.
Pis, Macky Sall promeut l’impunité et récompense quotidiennement des « bandits à col blanc » épinglés par des rapports des corps de contrôle qui se suivent et qui se ressemblent à cause du coude du Chef. La dynastie remplace « la patrie et le parti ».
Il faut également rappeler que Macky Sall avait été élu sur la base de son programme politique appelé «Yoonu Yokkuté» en 2012.
Il a été mis en œuvre durant les premières années de sa présidence avant d’être intégré dans le Plan Sénégal Emergent en 2014. Non sans parler de la formule «fast-track» qu’il a initiée après sa réélection en 2019 et qui devrait permettre d’aller très vite dans l’accomplissement des missions.
D’ailleurs, c’est dans ce cadre qu’il avait supprimé le Poste de Premier ministre pour, dit-il, fluidifier le fonctionnement de l’État, avant de le rétablir.
Rupture systémique, « Juub, Juubal. Jubanti », Projet…
Pareillement, l’arrivée du président Bassirou Diomaye Faye à la tête du Sénégal le 24 février 2024 a suscité beaucoup d’espoir chez les Sénégalais. Quelques semaines plus tard, il prend ses marques et s’engage à donner corps à son projet de rupture.
Dans sa déclaration lors de sa prestation de serment le 2 avril, il promet un « changement systémique ». Allant plus loin, lors du tout premier Conseil des ministres le 9 avril, le Président Diomaye Faye annonce le changement de référentiel de politique économique et sociale consacrant le Projet.
Ce qui va remplacer le Plan Sénégal émergent (Pse) du Président Macky Sall qui avait fixé le cap jusqu’en 2035.
Toutefois, au terme de leur visite au Sénégal, l’équipe du Fonds monétaire international (FMI) dirigée par Edward Gemayel, a annoncé que « les nouvelles autorités ont réaffirmé leur engagement à poursuivre le programme actuel soutenu par le FMI ».
« Elles reconnaissent que les principaux piliers du programme s’alignent sur leurs propres objectifs stratégiques, à savoir : améliorer la résilience budgétaire et réduire les vulnérabilités de la dette, renforcer la gouvernance, promouvoir la transformation structurelle de l’économie et renforcer la résilience au changement climatique », lit-on dans un communiqué.
Tout comme son prédécesseur, Diomaye Faye débarque avec son slogan « Juub, Juubal. Jubanti » qui consiste à instaurer une gouvernance vertueuse.
Sitôt après, il annonce les couleurs de la «reddition des comptes» et ordonne la publication des rapports de la Cour des Comptes, de l’Inspection générale d’Etat (IGE) et de l’OFNAC des cinq (5) dernières années (2019, 2020, 2021, 2022 et 2023.
Le président Bassirou Diomaye Faye entreprend également une visite inattendue à Mbour 4, dans le département de Thiès, suite à sa décision d’arrêter tous les travaux de construction dans certaines zones, notamment littorales, « dans le but de régler les litiges persistants et d’assurer l’équité dans l’accès au foncier ».
Mais le « rétropédalage », pourrait-on dire, dans l’arrêt des travaux sur le littoral de Dakar ne s’est pas fait attendre puisque, selon la presse, le président a ordonné la reprise des travaux sur le littoral quelques jours après leur mise à l’arrêt.
C’est pour dire que dans l’euphorie de la victoire, les présidents s’engagent très vite dans des mesures et habituent les Sénégalais aux slogans et concepts.
Mais, au fil du temps, leur application semble poser problème. Reste à savoir si le nouveau régime saura éviter les écueils et ne pas faire du «Macky», tant les attentes des Sénégalais se sont décuplées face à la vie chère, la précarité, le manque d’emploi et autres impondérables.
Maderpost