C’est une certitude : la canicule tue. La vague de chaleur de 2003 a causé la mort de 70.000 personnes en Europe, et plus de 2.000 morts ont été enregistrées en Inde lors de la canicule de 2010 où les températures ont dépassé les 47 °C. Mais quels sont exactement les mécanismes physiologiques à l’œuvre ? Il existerait en fait pas une, mais 27 façons de mourir de chaud !
Notre organisme est en principe capable de s’adapter temporairement aux variations de température grâce à un « thermostat » qui déclenche des mécanismes physiologiques de défense quand la température interne s’écarte trop de la normale.
Chez l’Homme, c’est l’hypothalamus, une zone située à la base du cerveau, qui joue ce rôle de thermostat.
Mais si les mécanismes enclenchés par cette glande ont dans un premier temps un effet bénéfique, ils provoquent au bout d’un moment des effets délétères sur bon nombre d’organes.
« Lorsque la température corporelle dépasse les 40 °C, l’organisme atteint ses limites d’autorégulation et le risque de perte de contrôle de la régulation de la température est réel », met en garde Pieter Vancamp, chercheur au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN).
27 façons de mourir de chaud
Une étude de l’Université de Hawaï a ainsi recensé 27 façons de mourir de chaud, selon cinq mécanismes affectant sept organes. « Mourir de chaud s’apparente à un film d’horreur où vous devez choisir entre 27 fins terrifiantes », rapporte Camilo Mora, l’auteur principal de l’étude.
Car tous les mécanismes de défense mis en place par l’organisme pour tenter de refroidir l’organisme (transpiration, redirection du flux sanguin vers les organes périphériques afin de dissiper la chaleur, réponse inflammatoire…) finissent par s’emballer et se retourner contre nous-mêmes, mettant en danger plusieurs organes.
Chaleur : les cinq mécanismes qui entraînent la mort
- Ischémie : l’augmentation du débit sanguin en périphérie se fait au détriment des organes centraux, qui souffrent d’une insuffisance d’apport sanguin et donc d’un manque d’oxygénation.
- Cytotoxicité : dégradation des membranes des cellules qui deviennent perméables aux toxines et agents pathogènes.
- Réponse inflammatoire systémique : production excessive de cytokines pro et anti-inflammatoires, qui s’apparente à des poussées de fièvre incontrôlées.
- Rhabdomyolyse : libération dans la circulation sanguine de produits de la dégradation des cellules endommagées, dont la myoglobine, une molécule toxique pour les reins.
- Coagulation intravasculaire : la surchauffe modifie la composition chimique du sang, les facteurs de coagulation s’agrégeant de façon anarchique et entraînant la formation de caillots et de nécroses.
Le cœur et les reins soumis à rude épreuve
Le système cardiovasculaire est l’un des premiers affectés : la tension chute et le cœur s’accélère pour tenter de compenser le manque d’oxygène dû au déplacement de la circulation sanguine. C’est pourquoi les personnes atteintes de pathologies cardiaques font partie des premières victimes lors des canicules.
Les reins sont également soumis à rude épreuve par la déshydratation : l’hypothalamus produit une hormone antidiurétique pour tenter de freiner les pertes en eau, ce qui augmente la réabsorption d’eau et des sels, et endommage le tissu rénal.
Une « climatisation interne » aux effets pervers
Autre organe mis à rude épreuve : le cerveau. « En cas de surchauffe, le corps augmente la fréquence de la respiration, rafraîchissant ainsi le sang qui part au cerveau et qui en revient, explique Pieter Vancamp.
Ce système, qui peut être considéré comme une climatisation naturelle, a cependant un effet négatif : il fait augmenter le pH sanguin, en raison de la diminution de la pression en CO2, ce qui met en danger les fonctions cellulaires d’autres organes ».
La chaleur perturbe également la communication entre les cellules nerveuses et affecte l’intégrité de l’ADN et des membranes cellulaires.
De leur côté, l’ischémie et l’attaque cytotoxique (voir encadré) entraînent la rupture de la muqueuse intestinale et la libération des débris de cellules tuées par la chaleur dans le flux sanguin.
Ceci provoque un mécanisme appelé réponse inflammatoire systémique : affolé, le système immunitaire libère des cytokines toxiques qui entretiennent l’inflammation et accélèrent la destruction des cellules.
Un effet d’autant plus délétère que les parois des tissus sont devenues perméables à ces toxines.
Les protéines qui contrôlent la coagulation deviennent hyperactives, causant des caillots qui coupent l’apport sanguin au cerveau, aux reins, au foie et aux poumons. Parallèlement, l’épuisement des facteurs de coagulation peut amener à une hémorragie mortelle, même en l’absence de blessure. À ce stade, toute activité physique (randonnée, travail à l’extérieur…) peut causer la rupture des muscles squelettiques.
L’hyperthermie, une urgence vitale
Pour éviter d’en arriver là, il faut à tout prix refroidir le corps lorsque les premiers symptômes d’hyperthermie apparaissent (peau rouge, maux de tête ou de ventre, pouls trop faible ou trop rapide, altération de la conscience…).
Lorsque la surchauffe est déjà avancée, le refroidissement ne suffit plus et il faut alors une prise en charge d’urgence pour traiter chaque défaillance : ré-oxygénation, dialyse, rééquilibrage du débit sanguin, traitement des complications infectieuses…
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