Le 11 mai 1973, Omar Blondin Diop, jeune philosophe sénégalais, opposant au régime du Président Léopold Sédar Senghor, était retrouvé mort en détention sur l’île de Gorée. La version officielle du suicide a été largement contestée par de nombreuses voix, dénonçant un assassinat. Quarante-neuf ans après, le documentaire écrit et réalisé par Djeydi Djigo qui revient sur l’affaire, a été projeté ce mercredi au Théâtre national Daniel Sorano. Occasion pour la famille de demander une réouverture du dossier.
C’est avec beaucoup d’intérêt que le public du Théâtre national Daniel Sorano a suivi la grande première du film Omar Blondin Diop, un révolté, écrit et réalisé par Djeydi Djigo, producteur et réalisateur sénégalais. Il régnait une ambiance lourde mercredi soir à la salle de Daniel Sorano. Les cinéphiles ont été bien servis en émotion à travers ce long métrage qui retrace la mort et l’idéologie que défendait Omar Blondin Diop. Il met aussi en lumière différentes pistes possibles pour éclairer ce drame. Une heure avant la projection, une longue file s’était déjà formée sur le trottoir, aux abords du Théâtre Daniel Sorano. Il faut présenter son carton d’invitation pour entrer dans la salle.
La projection a débuté par un hommage appuyé en la mémoire du juge Moustapha Touré, le premier Doyen des juges d’instruction de l’histoire de la magistrature. C’est lui qui a instruit le dossier de Omar Diop. Et le film s’est achevé sous une salve d’applaudissements, à 20h 02 minutes précises. Fruit de 4 années de recherche, le film Omar Blondin Diop un révolté est essentiellement composé d’images d’archives et de vidéos récupérées de l’Institut national de l’audiovisuel de la France (Ina). A 31 ans, Djeydi Djigo dresse un portrait passionnant de Omar Blondin Diop dont la fougue et les idées continuent d’impressionner les jeunes sénégalais. Aujourd’hui, quarante-neuf ans après sa mort violente dans la geôle de l’île de Gorée à Dakar, Djeydi Djigo signe un film d’une grande intelligence esthétique, qui enquête sur la vie et les circonstances tragiques de la mort de ce jeune révolutionnaire des années Senghor.
Ce film visiblement bien apprécié, a plongé les spectateurs dans cette période durant laquelle, selon Ousmane Dialo Blondin, membre de la famille de Omar, «le pays vivait sous le régime du parti unique avec une presse, une radio, une télévision publique sous contrôle». Une autre raison consécutive de ce qui précède, dit-il, «c’est que l’affaire Omar Blondin Diop peut être probablement considérée comme l’un des facteurs qui ont accéléré l’ouverture démocratique et l’avancée des libertés publiques au Sénégal». Dans ce long et inlassable travail de l’histoire à la recherche de la vérité des faits, «un homme aura joué un rôle discret mais souvent méconnu». Il s’agit du juge Moustapha Touré, indique le frère de Omar, Ousmane Dialo Blondin. Alors, d’après son réalisateur, par devoir de mémoire et par devoir historique, on devait connaître la vérité sur ce drame.
«L’objectif de ce documentaire, ce n’est plus de découvrir Omar, mais la réouverture du procès pour que la vérité soit rétablie», a expliqué Djeydi Djigo juste après la projection. Il existe assez d’éléments dans le documentaire qui prouvent que la thèse officielle est fausse et que finalement, la vérité doit être sue de tous, dit-il. Et ce documentaire plaide pour une ouverture du procès afin que la vérité soit rétablie, indique le réalisateur. Dans Omar Blondin Diop, un révolté, les témoignages historiques pourraient changer les choses. Ce film, selon son réalisateur, peut être perçu comme un médium pour que ce procès soit rouvert. Et signant ce documentaire engagé, cet essai filmique autour d’une comète politique, Djeydi Djigo entend bousculer l’histoire officielle.
Il fait acte de courage. «Il existe assez d’éléments dans le documentaire, qui prouvent que la thèse officielle est une fausse thèse. Et le juge Touré l’a bien dit dans le film et tous les témoignages vont dans ce sens-là. J’espère qu’il y aura une réouverture du procès», a-t-il laissé entendre. A la fin de la projection, le public était partagé entre joie, tristesse et espoir.
Il y a 49 ans, était assassiné Oumar Blondin Diop…
Omar Blondin Diop est une étoile filante dont la trajectoire s’est s’arrêtée dans la geôle de Gorée, le 11 mai 1973. Les incohérences de la version officielle de l’Etat embrasent le pays. La population, en réaction, exprime sa colère. Le pays est au bord du chaos. Toute une Nation réclame la vérité. Mais qui était Omar ? Opposant à la politique «pro-occidentale» et «antipopulaire» du pouvoir de Léopold Sédar Senghor, Omar Blondin Diop est mort dans sa cellule, à la Prison centrale de Gorée où il avait été détenu depuis sa condamnation, à trois ans de réclusion, pour «atteinte à la sûreté de l’Etat», par un Tribunal spécial le 23 mars 1972. Sa photo trône aujourd’hui dans la salle du Musée historique de l’île de Gorée, qui fut à l’époque le Fort d’Estrées et servait de prison civile pour les détenus politiques.
Omar Blondin Diop avait 26 ans lorsque l’administration pénitentiaire sénégalaise annonça son suicide par pendaison dans la nuit du 10 au 11 mai 1973. En 2013, un de ses frères cadet, le docteur Dialo Diop, a saisi la Justice sénégalaise pour une demande de réouverture du dossier, afin de faire la lumière sur ce drame. Toujours rien. Hélas ! Pour Ousmane Dialo Blondin, la famille mène des investigations supplémentaires. Et il y a déjà, dit-il, des éléments qu’ils peuvent mettre à l’actif de la démarche pour la réouverture du procès. D’après Ousmane Dialo Blondi, aujourd’hui, si on veut que la Justice sénégalaise soit crédible aux yeux de tout le monde, il ne faut pas laisser le dossier inachevé dans les couloirs et dans les tiroirs de la Justice. «Il faut qu’on accepte d’aller jusqu’au bout de la recherche de la vérité et pas s’arrêter au milieu de la rivière. Et là, on est au milieu de la rivière», a-t-il expliqué en marge de l’évènement.
«Quel gâchis que Omar ne soit plus là !»
Ce film est un sérieux et méthodique travail d’investigation qui a duré des années, avec peu de moyens. Mais il met en lumière différentes pistes possible, a révélé le frère de Omar. Depuis 1973, l’instruction est inachevée et ce n’est pas possible. «Quel gâchis que cet homme ne soit plus là ! Ce n’est pas parce que c’est mon frère que je dis ça. Mais c’est parce qu’ils sont nombreux dans les pays africains, des gens qui sont fauchés dans leur jeunesse comme Sankara. Omar était un homme de valeur», témoigne-t-il. Enfin, l’assistance aura appris de la projection du documentaire de Djeydi Djigo, que la vie est un combat. Et les idées servent à se battre. «Omar a perdu mais il n’a pas perdu devant l’histoire. Il a perdu devant un pouvoir d’une certaine époque. Et son combat reste juste aujourd’hui. Même s’il y a décalage de contexte, les grosses tendances de l’humanité n’ont pas changé. On est entrain toujours de jouer à la loi du plus fort et l’Afrique reste toujours dans la position du plus faible», déplore sur un ton émouvant Dialo Blondin.
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