Nichée au cœur de Dakar, la baie de Hann, autrefois lieu de rêve et de repos, est aujourd’hui le théâtre d’une lutte environnementale poignante. Dans le cadre de la Biennale Dak’Art 2024, la fête de l’Art contemporain africain, une exposition Off s’est tenue à la cocoteraie de Hann-Plage.
Cet événement a rassemblé artistes et citoyens autour d’un objectif commun : éveiller les consciences face aux injustices environnementales qui ravagent ce lieu emblématique.
Autrefois, la baie de Hann était un paradis naturel, où la clarté des eaux et la richesse de la faune marine offraient un spectacle enchanteur.
Aujourd’hui, ce tableau idyllique a laissé place à une réalité sombre. Les eaux sont polluées, les déchets s’amoncellent et les espèces marines disparaissent. La faune et la flore qui faisaient la fierté de la baie ne sont plus qu’un lointain souvenir.
Françoise Olswaker, photographe belge vivant à Dakar, a capturé cette transformation tragique.
«Quand je suis arrivée ici, ce qui m’a frappée, c’est l’état de dégradation. Les déchets, la pollution de l’eau, les animaux morts sur la plage…
C’est un spectacle triste», décrit-elle. Ses photos, exposées dans la cocoteraie, montrent la baie telle qu’elle est aujourd’hui, mais aussi telle qu’elle était dans les années 1970, avant que la pollution industrielle et domestique ne prenne le dessus.
UN CRI DU CŒUR DES ARTISTES
L’exposition Off à la cocoteraie a été orchestrée par Serimacen Sène, artiste sénégalais reconnu, qui a fait de cet espace un lieu de rassemblement pour la sensibilisation environnementale.
«Cette cocoteraie, je l’ai créée avec mes propres moyens.
C’est un projet non lucratif, destiné à reboiser et à restaurer cet environnement que nous avons perdu», explique-t-il.
La cocoteraie est devenue un refuge pour la nature et l’art. Les œuvres présentées ici, notamment celles de Serimacen Séne et d’artistes ivoiriens, belges et sénégalais, reflètent les enjeux actuels de la baie. La thématique centrale est l’Eveil.
Car, comme le souligne M. Sène, «le premier réveil doit être celui de notre environnement immédiat».
Le contraste entre les tableaux de Françoise, qui montrent la beauté, dans le passée, de la baie, et les clichés actuels de cette «bombe environnementale», est saisissant. Les artistes dénoncent aussi la pêche abusive des requins, dont les ailerons sont revendus à prix d’or sur le marché international, au détriment des écosystèmes marins.
Un jeune artiste ivoirien a également marqué l’exposition avec ses créations faites à partir de déchets plastiques, transformant ces polluants en œuvres d’art. Pour l’artiste plasticien Sène, cet engagement est essentiel : «L’art doit non seulement dénoncer, mais aussi proposer des solutions».
PLUS QU’UN EVENEMENT ARTISTIQUE, UN APPEL VIBRANT A LA RESPONSABILITE COLLECTIVE
Malgré cette situation alarmante, la cocoteraie de Hann-Plage offre un souffle d’espoir. L’espace verdoyant, ponctué de cocotiers et d’oiseaux, est un havre de paix dans un environnement urbain pollué. Ce projet de reboisement, porté par l’artiste environnementaliste Sène, démontre qu’il est possible de restaurer la nature, même dans les zones les plus dégradées.
La cocoteraie symbolise un modèle de résilience.
Chaque cocotier planté produit jusqu’à 200 noix de cocos par an, contribuant à la fois à l’écosystème et à l’économie locale. Ce projet, qui s’étend sur plusieurs kilomètres, montre qu’avec patience et détermination, un changement est possible.
L’exposition Off de la cocoteraie est bien plus qu’un événement artistique.
Elle est un appel vibrant à la responsabilité collective. Les artistes, comme Françoise et Sène, ne se contentent pas de montrer la réalité : ils invitent chacun à agir, à travers des gestes simples, mais significatifs.
Dans un monde où l’injustice environnementale est trop souvent ignorée, cette exposition rappelle que l’art peut être un puissant levier de transformation. La baie de Hann, malgré ses cicatrices, reste un symbole d’espoir et de mobilisation.
Dak’Art 2024 célèbre l’art contemporain africain. Mais, à Hann-Plage, elle célèbre surtout la lutte pour un avenir durable. Un avenir où l’art, l’écologie et la communauté s’unissent pour protéger notre patrimoine commun.
sudquotidien