On n’est pas loin d’une crise entre le pouvoir Législatif et le pouvoir Judiciaire. Des députés du Parti démocratique sénégalais (PDS) épaulés par par ceux de l’autre bord, Benno Bokk Yaakaar, ont demandé la mise en place d’une commission d’enquête pour entendre deux membres du Conseil constitutionnel que les partisans de Karim Wade (dont la candidature a été recalée) accusent de corruption.

Malgré les hoquets rageurs de l’Union des magistrats du Sénégal (UMS) et du Conseil constitutionnel, les députés sont convoqués en plénière pour entériner la décision.

Dans la tribune ci-après, le président du mouvement AGIR, Thierno Bocoum, flaire derrière cet incident orchestré par le pouvoir et le PDS un subterfuge dont l’unique but est de permettre au président Macky Sall d’user de ses pouvoirs exceptionnels pour reporter l’élection présidentielle à laquelle il n’est pas candidat.

Seneweb publie in extenso la tribune de Thierno Bocoum.

Le président de la République Macky SALL compte-t-il mettre en œuvre ses pouvoirs exceptionnels pour reporter les élections ?

Dans une récente contribution, j’avais attiré l’attention sur l’utilisation éventuelle et à tort de l’article 52 de la Constitution donnant la possibilité au président de la République de prendre « toute mesure tendant à rétablir le fonctionnement des pouvoirs publics et des institutions… » lorsque certaines conditions de menaces sont remplies.

J’avais également précisé qu’aucune autre voie n’était en mesure de permettre de faire reculer la date de l’élection présidentielle et ainsi compromettre gravement le respect du calendrier républicain.

La commission d’enquête prévue dans la loi organique portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale en son article 48 ne prévoit aucune conséquence liée au calendrier républicain. De la même manière, le rapport de la commission d’enquête qui sera élaboré dans le but d’informer les députés sur des faits déterminés ne peut influencer le calendrier en question.

Cependant, il est à noter que la volonté de passer par les pouvoirs exceptionnels du président de la République se précise de plus en plus après la publication de l’exposé des motifs de la proposition de résolution visant la constitution d’une commission d’enquête parlementaire, de même à travers la réponse du groupe parlementaire libéral, suite à la sortie du communiqué de l’UMS.

Dans l’exposé des motifs de la proposition de résolution visant la constitution d’une commission d’enquête parlementaire, qui est par ailleurs soutenue par le groupe BBY, il est mentionné ce qui suit :

« Cette situation, au-delà de constituer une entorse grave au processus électoral, est de nature à écorner gravement l’image de notre pays, à mettre en danger la Nation, démocratie sénégalaise et l’intégrité de l’élection présidentielle, source d’une instabilité politique et institutionnelle grave de nature à compromettre le fonctionnement régulier des institutions de la République et de caractériser une menace grave et immédiate sur nos institutions. »

L’intervention de l’UMS dans le dossier en s’attaquant au pouvoir législatif et en interférant sur les compétences de la commission a ouvert la porte à une interprétation tendancieuse de crise présumée entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire.

Le groupe parlementaire Liberté, Démocratie et Changement a saisi la balle au rebond pour laisser encore traîner le spectre de l’utilisation éventuelle des pouvoirs exceptionnels du président de la République comme également ce fut le cas dans l’exposé des motifs, sans les nommer d’une manière explicite.

Il a ainsi cherché à faire naître les conditions de cette utilisation des pouvoirs exceptionnels en ces termes :

_« L’UMS, qui en réalité est un syndicat de magistrats, n’est pas concernée par cette affaire et/ou ne peut pas interférer, sous quelque forme que ce soit, dans les travaux de l’Assemblée nationale, son dernier communiqué défiant cette dernière Institution de la République et constituant une menace à celle-ci, d’une manière grave et immédiate, et donc à son fonctionnement régulier. »

_L’utilisation répétée des termes « menaces d’une manière grave et immédiate et donc à son fonctionnement régulier », dans l’exposé des motifs de la proposition de résolution et dans la réponse à l’UMS, prend les contours des dispositions de l’article 52 de la Constitution qui pose comme conditions cumulatives à l’utilisation des pouvoirs exceptionnels du président de la République en cas de menaces : qu’elle existe « d’une manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ou des institutions est interrompu. ».

Or, ces termes graves contenus dans les disposions de l’article 52 de la Constitution ne peuvent en aucune manière s’appliquer, en l’espèce. Le fonctionnement régulier d’aucune institution n’est interrompu. Et aucun résultat découlant d’une enquête parlementaire ne peut aboutir à l’interruption du fonctionnement régulier des institutions.

Encore que les juges ne pourront pas être entendus par les parlementaires au nom de la séparation des pouvoirs.

Que va valoir une enquête sans le respect du principe du contradictoire ? Rien. Elle serait uniquement à charge.

Cette accusation de corruption présumée de juges ne peut en aucune manière impacter le calendrier républicain même si elle doit être élucidée.

Thierno Bocoum

Président AGIR

Seneweb

Part.
Laisser Une Réponse

Exit mobile version