En ces temps de mondialisation effrénée, il revient  à l’institution centrale que représente l’Etat d’avoir le patriotisme économique chevillé au corps. Telle est la thèse  qui structure l’ouvrage du Pr Makhtar Diouf : « Afrique, voies de développement ».  Aussi présente-t-il la Corée du Sud et le Japon, pays qui en ont bénéficié comme des exemples susceptibles de servir de sources d’inspiration aux pays africains.

Il leur est donc recommandé de s’inscrire dans une dynamique  de « valorisation interne », seule démarche pouvant produire de la plus-value. Persuadé que « le développement économique d’un pays se fait dans les usines et ateliers, dans les champs de culture, dans les zones d’élevage et dans les zones de pêche », l’auteur se démarque ainsi de l’engouement constaté sur le numérique en Afrique.

Une manière de dire que le continent  ne peut sauter l’étape de la révolution industrielle  car cette dernière  n’est pas du tout « une antiquité révolue ».

N’étant pas le « sésame ouvre-toi » du développement économique, le numéraire ne pourrait donc être générateur de richesse. L’autre constat est que, rapporté à sa population, « l’Afrique au sud du Sahara est la région du monde qui compte le plus grand nombre d’Etats, avec comme conséquence le fait que les expériences d’intégration économique sous régionale  n’ont pas répondu aux attentes.

Aussi l’auteur d’appeler à une « intégration de la production réduite », c’est-à-dire : une intégration selon les spécialisations par produit, la coproduction entre un groupe de pays  sur certains produits, des industries à vocation nationale pour le marché local. Autres conseils en direction des pays africains : se démarquer des politiques d’endettement qui sont en réalité des pièges qui leur sont tendus « pour les tenir en main, les domestiquer, comme cela finit toujours entre créancier et débiteur ».

 L’ auteur  souligne par ailleurs qu’un « Etat endetté perd toute capacité de décider de son propre destin »

Toutefois, au-delà des facteurs externes, il met tout de même  l’accent sur « les pesanteurs intérieures qui minent le développement des pays africains ». 

Il importe par conséquent de rompre avec le gaspillage en mettant l’accent sur les priorités qui s’appellent le patriotisme  économique, une gestion efficiente des deniers publics, des institutions publiques pour tout dire, « la bonne gouvernance des ressources matérielles et humaines » 

                                Les  chemins du développement

Le développement économique d’un pays ne peut se faire sans les industries du fer et de l’acier du fait de leur impact   sur tous les secteurs de l’économie. Fort de ce constat l’auteur relève le rôle crucial du chemin de fer dans la révolution industrielle  en faisant constater qu’ « il n’existe aucun pays où le chemin de fer n’est pas développé ». 

En atteste son rôle en Grande Bretagne, aux Etats-Unis, en Allemagne, au Japon.

 Comment alors comprendre que le Sénégal qui bénéficiait d’un maillage ferroviaire assez conséquent, autour duquel s’était tissé ce qu’il était convenu d’appeler une économie du train, se soit délesté de tout cela avec toutes les conséquences négatives au plan de l’emploi, du transport des biens et des personnes.

De toutes les façons, le pacte colonial de l’empire français était clair, totalement tourné vers le confinement des velléités d’émancipation économique des populations autochtones. Aussi la métropole se réservait-elle « le monopole d’importation de matières premières de sa colonie » et celui de l’exportation de ses produits manufacturés vendus plus cher.

Il ne fallait surtout pas favoriser l’émergence d’une bourgeoisie d’affaires locale au risque de la voir  devenir une menace  contre le pouvoir colonial.

Pour dénoncer ce que l’économiste égyptien, Samir Amin, désignait comme relevant des « termes de l’échange inégal », il est question pour l’auteur d’une véritable révolution agricole et d’un appel à bousculer la spécialisation coloniale qui a établi une distinction nette entre pays du Sahel  à climat sec et pays à climat humide.

Comme en Europe  où l’on cultive du sorgho, du kiwi, du café, il est possible dit-il  d’envisager que des plantes traditionnellement cultivées en Europe puissent être transposées en Europe. En tout état de cause « c’est dans la diversification des cultures que doit se faire la révolution agricole en Afrique ». 

Tout cela devant s’inscrire dans une agro-industrie capable de participer à une transformation des fruits locaux pour la fabrication en série de confitures et compotes venant concurrencer les produits importés.

Et l’auteur de faire remarquer qu’en dehors de l’arachide, les pays africains renferment des produits oléagineux comme la noix de coco, la noix d’anacarde qui ne demandent qu’à être transformées  en huile de cuisson.

En fait il suggère que le développement induit une vision globale enroulée dans une idée de servir et non se servir, avec l’obsession de trouver des solutions.

Le titre de l’ouvrage parle d’ailleurs de lui-même, puisqu’il est question  d’indiquer les voies, le chemin du développement que l’Afrique doit emprunter pour assurer son développement.

Convaincu de l’importance de se référer à un modèle de réussite lorsqu’on entreprend un projet, l’auteur est d’avis que le niveau et le type d’industrialisation est le premier critère de différenciation entre pays développés et pays-non développés.

Un ouvrage qui tombe à pic en cette veille d’élection présidentielle pour alimenter les débats économiques et sociétaux.

sudquotidien

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