L’abécédaire des pastéfiens est révélateur de leur état d’esprit : « Jalousie », « vous allez souffrir » « buvez de l’eau fraiche », etc.
« Parler de liberté n’a de sens qu’à condition que ce soit la liberté de dire aux gens ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre » George Orwell.
La façon dont nous parlons révèle une partie de notre être et ce, même lorsque nous tentons de nous en servir pour le cacher.
S’il est vrai que le langage non verbal est plus abondant dans notre vie quotidienne que celui articulé, il reste que le peu de mots que nous utilisons traduisent nos états d’âme ou encore nos pensées inconscientes. Tel un leitmotiv, cette curieuse langue des défenseurs du pouvoir est désormais consacrée comme ligne de défense. On ne peut faire la moindre critique au régime en place sans se voir opposer de telles arguties !
Or cette langue politique est doublement paradoxale.
D’abord si s’opposer n’est motivé par autre chose que la jalousie et la souffrance, on comprend alors pourquoi le pays a vécu ces cinq dernières années une insurrection politique permanente.
Si le PASTEF s’est opposé de 2014 à 2024 avec la langue qu’on connait à son leader, on est en droit de penser que leurs critiques et leur attitude insurrectionnelle dans les réseaux sociaux ainsi que dans la rue étaient motivées non par l’amour du Sénégal, mais par la convoitise du pouvoir.
Autrement dit, si on retourne aux pastéfiens leur propre argument, tout le fameux projet se résume à jalousie et à souffrance.
La discussion est un art d’amabilité : la façon de parler à un interlocuteur révèle ce qu’on est prêt à investir comme recherche de la vérité avec lui. Comment peut-on répondre à une critique qui touche la gestion des affaires de la cité par un loufoque « vous allez souffrir » ?
Ensuite, une telle langue politique trahit des appétences totalitaristes dans la mesure où elle rend la délibération impossible.
Au lieu d’écouter les raisons de son alter ego, on préfère lui fermer la porte de la discussion en le rangeant dans le domaine de la jalousie. Cette fuite en avant est un précédent dangereux pour la survie de notre démocratie, car si on ne peut comprendre la liberté des gens à s’opposer à un régime que par le ressentiment, mieux vaut transformer la politique en dogme et les partis politiques en confréries.
Une critique qui porte sur des actes ou des propos précis ne peut pas être évacuée par une telle argutie : il faut avoir le temps et la grandeur d’âme d’examiner avec con co-débatteur non seulement tous les thèmes de ses critiques, mais aussi les motivations rationnelles ou raisonnables qui les sous-tendent.
Culpabiliser la critique ne prouve pas autre chose que de la faiblesse, un manque cruel de courage intellectuel. Si même les connaissances scientifiques sont soumises à l’exigence de réfutabilité comment des postures politiques pourraient y échapper ?
Il est plus vertueux de démonter un raisonnement que de le catégoriser et de le confiner dans le registre de la haine.
Si la haine existe en politique ou est fonctionnelle, elle ne peut pas être affectée à des partis à l’exception d’un autre. Ce manichéisme traduit déjà un manque de respect, une intolérance qui n’augure rien de bon. C’est donc là le raisonnement, ou plus exactement, le résonnement, de ceux qui n’ont point d’argument.
Les tenants de ce pseudo argument doivent savoir que celui qui perçoit les critiques d’autrui comme l’expression de la jalousie et de la souffrance est lui aussi dans une certaine forme de souffrance : ne pas supporter l’altérité. Si on fait le pari de sonder les intentions humaines et de passer notre temps à conjecturer sur la jalousie et la compersion des gens, on n’aura plus le temps de discuter des faits tangibles qui se déroulent sous nos yeux. Est-ce l’effet recherché
Alassane K. KITANE
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