Adepte de la « Commission vérité, justice et réconciliation », le fondateur du Think Thank Afrikajom Center fait observer que l’abrogation totale de la loi va renvoyer au statu quo ante où « les détenus retourneraient tous en prison »

Si la loi d’amnistie votée le 6 mars 2024 par les députés de la XIVème Législature, avec 94 voix pour, 49 contre et 3 abstentions, a permis aux tenants du régime actuel de prendre part à l’élection présidentielle du 24 mars 2024 et d’éviter au Sénégal, une crise politique sans précèdent, son abrogation divise aussi bien les acteurs politiques que des membres de la société civile.

Interpelé par Sud Quotidien, Alioune Tine, président du Think Thank Afrikajom Center, apporte un nouvel éclairage.

Adepte de la «Commission vérité, justice et réconciliation », il fait observer que l’abrogation totale de la loi va renvoyer au statu quo ante où « les détenus retourneraient tous en prison ». Entretien !

Censée offrir justice et réparation aux victimes des crises politiques de 2021 à 2024, la loi d’amnistie votée en mars 2024 est actuellement sujette à diverses polémiques. Quelle lecture en faites-vous ?

La loi d’amnistie de 2024, comme toutes les lois de cette nature, est un acte législatif ou politique par lequel des condamnations sont annulées et destinées à l’oubli. « Amnistia », c’est l’oubli en latin.

Ces actes sont souvent pris dans un contexte de tensions, de violences et de conflits politiques ou armés.

En d’autres termes, l’amnistie est censée créer les conditions de la paix, de la réconciliation et du vivre-ensemble. Ce sont des faits et des crimes commis lors de la crise et lors des crises et des violences politiques qui sont amnistiés pour permettre à la société de retrouver l’équilibre

Tous les faits de violence sont-ils prescrits ?

Non pas tous les faits, car le droit international et la coutume internationale excluent du champ du pardonnable les crimes les plus abominables comme les actes de torture, les exécutions extra-judiciaires, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le génocide, considérés comme des crimes imprescriptibles.

Ils ne peuvent donc pas être couverts par la Loi d’amnistie, car autrement on serait dans une situation d’impunité, ce qui est inacceptable pour tous.

Et dans tous les cas, il faudra aussi tenir compte du droit des victimes à la justice, à la vérité sur les crimes qui ont été commis, l’identité des auteurs, et s’assurer qu’ils soient punis conformément à la loi, et enfin recevoir une juste réparation pour le préjudice subi dans le cadre d’une justice réparatrice et rétributive. C’est ça la vérité sur les lois d’amnistie et qui fait, souvent, son impopularité. Quand on veut la contester, il suffit d’appuyer sur le levier impunité.

A la place d’une Commission vérité et réconciliation, le député Amadou Ba opte pour une loi allant dans le sens d’une abrogation partielle. Que vous inspire une telle proposition ?

La proposition de loi faite parle député Amadou Ba, quelles que soient ses vertus, notamment le souci de respecter les obligations internationales de l’Etat du Sénégal, fera toujours l’objet de polémiques et de surenchères politiques.

A ce jour, aucune enquête sérieuse, indépendante et impartiale sur les événements n’a été mise en place parles autorités pour établir de façon objective, impartiale et incontestable la Vérité des faits et situer les responsabilités des parties au conflit. Sans cette étape essentielle, la polémique va se poursuivre et l’on sera toujours dans les invectives politiciennes que l’on sait totalement stériles. Ce travail aurait dû être effectué par le Président sortant, Macky Sall, et rien ne s’oppose à ce que les autorités actuelles s’y attellent.

Les préalables que vous soulevez excluent-ils alors toute abrogation totale ?

L’État sénégalais a l’obligation de faire connaitre la vérité et d’attraire les auteurs des crimes commis devant la justice. Je pense que le préalable d’une bonne enquête impartiale situant es responsabilités claires de chaque partie permettrait d’ouvrir la voie au consensus et à une justice sereine.

Après, il faudra penser à la paix et à la réconciliation, surtout en ces temps sombres et pleins d’incertitudes.

Quant à l’abrogation totale, elle renverrait au statu quo ante où les détenus retourneraient tous en prison. Cela créerait, vous en conviendrez, un vrai chaos politique, institutionnel et social. A quelques jours du premier anniversaire de l’arrivée au pouvoir du président Diomaye Faye, ce n’est simplement pas réaliste.

seneplus

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