Dans une lettre ouverte adressée au nouveau Président du Sénégal Bassirou Diomaye Faye, Boubacar Boris Diop et Ngugi Wa Thiong’o font un plaidoyer en faveur des langues nationales.

Boris Diop

Parce que «sa résolution est un préalable à toute révolution économique, politique, sociale et culturelle…», ils ont choisi de se concentrer dessus.

Ils s’adressent au président de la République, Bassirou Diomaye Faye, et parce qu’ils le peuvent en tant qu’«aînés» et «admirateurs». Ngugi Wa Thiong’o du Kenya et Boubacar Boris Diop du Sénégal ont alors écrit une lettre ouverte à son Excellence pour donner leur point de vue sur la langue, son importance.

Les aînés de dire à leur cadet : «Votre pouvoir tire sa force des citoyens sénégalais. Vous les défendez, ils vous défendent. Vous leur parlez, ils vous parlent. Mais vous ne pouvez pas le faire en utilisant une langue qu’ils ne comprennent pas. N’est-ce pas là une évidence, M. le Président ?»

Pour les auteurs de la lettre ouverte, «les langues sénégalaises doivent être la pierre angulaire du nouveau Sénégal», ce, en évitant la «hiérarchisation des langues».

Leur politique des langues s’énonce-t-elle ainsi : «La langue maternelle d’abord. Ensuite, disons, le wolof. Ensuite, disons le swahili, le français, etc. Si vous connaissez toutes les langues du monde sans connaître votre langue maternelle, vous êtes en état d’esclavage mental.

En revanche, si après avoir maîtrisé votre langue maternelle, vous y ajoutez toutes les autres langues du monde, vous n’en serez que plus riche et plus fort.» Non à la hiérarchisation, ont dit les aînés, même si, «si une langue sénégalaise, par exemple le wolof, devient celle qui permet la communication entre tous les Sénégalais, cela ne doit poser aucun problème».

Au Président, par ces citoyens du Kenya, du Sénégal, mais d’Afrique, il est demandé d’encourager «les traductions entre les langues sénégalaises».

Plus concrètement, il lui est suggéré «la mise en place d’un centre national d’interprétation et de traduction qui permettrait une symbiose et une fertilisation croisée entre les langues de votre pays et entre celles-ci et les langues de l’Afrique et du monde».

«Aux Nations unies, parlez dans une langue sénégalaise et votre propos pourra faire l’objet d’une traduction simultanée dans les langues de travail de cette organisation internationale. En d’autres termes, faites comme tous les autres présidents du monde, prononcez vos discours dans votre langue». Conseil de grands !

Et à l’Elysée ? «Une langue sénégalaise», car le respect s’impose.

Et, ce respect «doit commencer par l’abrogation, dès que possible, de l’étrange et embarrassant article 28 de la Constitution sénégalaise, qui exige de tout candidat à la Présidence qu’il sache lire, écrire et parler couramment le français». Des résistances pourraient naître, avertissent les deux écrivains.

Qui anticipent : «Organisez les paysans et les ouvriers sénégalais. Stimulez leur créativité. Ils seront vos plus ardents défenseurs. Ne vous préoccupez pas des soi-disant élites intellectuelles qui, parce qu’elles auraient tant à perdre dans le développement des langues de votre pays, multiplient les manœuvres et arguments fallacieux pour faire dérailler le train de l’Histoire.»

Ils militent, dans leur production, pour la présence des «littératures progressistes d’Afrique et du reste du monde (…) dans les langues sénégalaises et enseignées dans vos écoles et dans vos universités».

Pour ce qui est du reste du monde, après priorisation du Sénégal bien sûr, les deux aînés conseillent au Président de se tourner vers «l’Afrique, puis vers l’Asie et l’Amérique latine, avant de penser à l’Europe.

Et cette option devrait se refléter dans le système éducatif».

Les deux écrivains, qui ont en commun d’avoir écrit des ouvrages dans leurs langues maternelles, comptent sur Bassirou Diomaye Faye pour faire du Sénégal «une Nation de penseurs, d’inventeurs, d’artisans, d’explorateurs, une Nation de créateurs, ouverte à tous les vents du monde et capable de faire respecter ses intérêts vitaux», dans leur lettre… forgée en français.

lequotidien

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