Le mouvement politique « Taxawu Sénégal », dirigé par Khalifa Sall, traverse une période d’incertitude. Autrefois figure emblématique du paysage politique sénégalais, M. Sall fait face à une érosion de son influence, tandis que son lieutenant, Barthélémy Dias, subit, lui, des revers.
L’avenir de « Taxawu Sénégal » semble ainsi incertain. Des analystes politiques déclinent les raisons de ce déclin et les défis qui attendent ce mouvement pour se relever.
Candidat à la dernière élection présidentielle de mars 2024, sous la bannière de « Taxawu Sénégal », Khalifa Sall, ancien maire de la ville de Dakar, a obtenu un score de 1,56 %.
Également ancien Secrétaire général à la vie politique du Parti socialiste (Ps), il a été malmené par ses adversaires, notamment Bassirou Diomaye Faye (54,28 %) et Amadou Ba (35,79 %).
Cette débâcle électorale illustre la perte de son aura.
Autrefois figure influente du landerneau politique sénégalais, Khalifa Sall semble désormais en perte de vitesse. Depuis cette élection, il est de moins en moins visible sur le terrain.
Beaucoup pensaient qu’il pourrait passer le témoin à son principal lieutenant, à savoir Barthélémy Dias.
Cependant, ce dernier, propulsé à la tête de la mairie de Dakar, en 2022, par la coalition « Yewwi Askan Wi » (Yaw), est aussi sur le déclin politique.
La coalition « Samm Sa Kaddu », qu’il a dirigée lors des élections législatives du 17 novembre 2024, n’a pu obtenir que trois sièges à l’Assemblée nationale. Juste après l’installation des députés de la 15e législature, le sort s’acharne sur M. Dias, qui a été radié de son mandat de parlementaire en raison de sa condamnation définitive à deux ans de prison, dont six mois ferme, en décembre 2023, dans l’affaire Ndiaga Diouf.
Ce, suite à une saisine du bureau de l’Assemblée nationale par le ministre de la Justice, Ousmane Diagne.
Ainsi, contrairement aux précédentes législatures, « Taxawu Sénégal » n’a aucun député à l’Assemblée nationale ; Barthélémy Dias étant remplacé par Pape Djibril Fall.
Les autres députés élus de « Samm Sa Kaddu » sont Anta Babacar Ngom, de l’Alternance pour la relève citoyenne (Arc), et Cheikh Tidiane Youm, du Parti pour l’unité et le rassemblement (Pur). Ce n’était que le début de la chute politique de l’ancien maire de Mermoz-Sacré-Cœur. Quelques jours plus tard, Barthélémy Dias sera, en effet, révoqué de ses fonctions de maire de Dakar.
Une révocation confirmée par la Cour d’appel de Dakar.
En attendant de connaître l’issue du recours qu’il a introduit à la Cour suprême, une question centrale se pose sur « Taxawu Sénégal » : ce mouvement politique pourra-t-il se relever et se repositionner dans le ipaysage politique ?
Dr Alassane Ndao, Maître de conférences titulaire à l’Université Gaston Berger (Ugb) de Saint-Louis, souligne que l’incertitude sur l’avenir politique de « Taxawu Sénégal » est classique au regard de la configuration des appareils politiques au Sénégal ainsi que du système politique. Selon lui, au Sénégal, les partis ne sont pas institutionnalisés et « Taxawu Sénégal » n’échappe pas à cette règle.
« C’est un mouvement politique qui n’a jamais su évoluer.
Il a uniquement servi les ambitions personnelles de Khalifa Sall qui, après son départ du Parti socialiste, souhaitait s’affirmer comme un leader politique incontournable. « Taxawu Sénégal » est prisonnier du leadership politique de Khalifa Sall et de Barthélémy Dias », explique l’analyste politique.
Un mouvement qui manque d’ancrage national
D’après lui, ce mouvement n’a pas réussi à s’affirmer au niveau national. Il est resté attaché à sa base électorale d’origine, le département de Dakar, sans réussir à s’implanter dans la banlieue ou d’autres régions du pays.
De l’avis de notre interlocuteur, les dernières élections, tant présidentielle que législatives, montrent que « Taxawu Sénégal » souffre d’un déficit de représentation nationale, mais surtout d’un manque de visibilité. « Quand les leaders en place rencontrent des difficultés, il est difficile de trouver d’autres personnes prêtes à prendre le relais », constate-t-il.
Poursuivant son analyse, Dr Ndao relève un autre facteur aggravant qui contribue à l’incertitude de l’avenir de « Taxawu Sénégal » : le choix politique de Khalifa Sall d’avoir fait un compromis avec Macky Sall dans le cadre du conflit de ce dernier avec Ousmane Sonko.
« À ce moment-là, le paysage politique sénégalais commençait à se bipolariser.
Khalifa Sall a choisi, après avoir cheminé assez longtemps avec Sonko, de faire un compromis avec Macky Sall pour pouvoir participer à la présidentielle de mars 2024. Cela a généré une perception sociale extrêmement négative auprès des Sénégalais qui ont considéré que « Taxawu Sénégal » a trahi.
Khalifa Sall n’a pas réussi à dépasser ce ressentiment ; c’est ce qui explique ses résultats décevants de la présidentielle », explique-t-il. Cette analyse est corroborée par Abdoulaye Mbow, journaliste et analyste politique. Il affirme que le mouvement « Taxawu Sénégal » est « dans une dégringolade politique » depuis sa séparation avec la coalition « Yewwi Askan Wi ».
Pour lui, l’avenir s’annonce sombre pour « Taxawu Sénégal ».
M. Mbow souligne que « la présence de Khalifa Sall sur le terrain politique se fait de moins en moins sentir. Lors des dernières élections législatives, on n’a pas constaté son implication ni celle de ses principaux lieutenants. Il existe une frustration profonde au sein de cette formation politique.
Il est important de noter la démission de 25 cadres avant la présidentielle.
Cela démontre une fragmentation au sein de « Taxawu Sénégal », créant des conditions de faiblesse et une faible présence sur le terrain politique ».Selon Dr Alassane Ndao, il sera très difficile pour « Taxawu Sénégal » de se relever, d’autant plus qu’il traîne des tares qui se paient cher.
« Je ne vois pas de renaissance soudaine pour ce mouvement dans le contexte actuel où le parti Pastef est hyper dominant, incarnant un leadership extrêmement populaire en la personne de Sonko. « Taxawu Sénégal » n’est pas préparé pour cela », dit-il. M. Ndao d’ajouter que si ce mouvement souhaite continuer à exister, il doit d’abord corriger ses défauts en se transformant en un parti politique institutionnalisé.
« S’ils n’y parviennent pas, ils risquent de disparaître », avertit-il. Abdoulaye Mbow de renchérit : « Il faudra à « Taxawu Sénégal » une alternative bien réfléchie pour créer les conditions d’une renaissance sur le plan politique ».
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