Les mesures prises par les nouvelles autorités sur la gestion foncière visent à garantir l’équité et la transparence. Si la distribution des terres est suspecte, l’origine de l’argent qui finance les immeubles construits un peu partout à Dakar est tout aussi douteuse. Plus de 200 milliards provenant de la drogue recyclés dans l’immobilier.

«Aujourd’hui, l’argent de la drogue génère plus 200 milliards par an au Sénégal», affirme l’économiste Abou Kane. Citant l’Institut d’études et de sécurité, le professeur titulaire, agrégé d’économie à l’Ucad, indique que depuis 2021 le Sénégal est mis sur la liste grise du groupe d’action financière (Gafi).

Ce qui signifie que notre pays est sous haute surveillance en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux.

«L’institut d’études de sécurité estime que plus 120 agences immobilières ont été créées au Sénégal par des trafiquants de drogue en une décennie puisque l’argent de la drogue est principalement recyclé dans l’immobilier.

Pourtant depuis 2013 on estimait que 96 % des investissements dans l’immobilier avaient une origine douteuse et que 30 % des biens criminels saisis au Sénégal étaient des maisons et immeubles», souligne l’économiste.

«Une croissance économique piégée»

Quand le bâtiment va, tout va ! Cette formule est bien connue des économistes depuis le 19e siècle, d’après le professeur qui rappelle que les activités de construction ont connu une hausse de 7 % en 2023 contre 3 % en 2022. D’après lui, cela a eu des effets d’entraînement sur la fabrication de matériaux de construction et sur toute l’économie.

Aujourd’hui, dit-il, il est plus rentable de construire un immeuble à Dakar et le mettre en location que d’investir dans une activité économique qui crée des emplois.

Le problème, selon lui, c’est que le secteur bancaire n’est pas impliqué dans le financement de ces grands travaux.

Malgré tout, ces activités sont prises en compte dans tous les calculs. Abou Kane estime que ce manque de lien direct avec l’économie réelle pose un sérieux problème dans la mesure où on pourrait connaître une chute brutale de la croissance si la lutte contre le blanchiment des capitaux porte ses fruits.

Pour éviter de tomber de très haut, il faut réduire à sa plus simple expression la contribution de ces fonds aux activités économiques.

Sinon le Sénégal sera maintenu sur la liste grise du Gafi et peut même être inscrit sur la liste noire (pays à haut risque) si la situation s’aggrave.

En 2022, le Sénégal était classé huitième au monde pour les risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, selon l’Institut d’études et de sécurité qui souligne que la flexibilité de l’immobilier, qui permet de dissimuler l’origine des fonds de l’investissement et l’identité du propriétaire, rend le secteur attractif pour quiconque souhaite faire passer des fonds illicites dans l’économie légitime.

En 2011 déjà, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (Ofdt) affirmait que la facilité d’acquisition de biens immobiliers au Sénégal était exploitée par les trafiquants de drogue basés en Europe dans le but de blanchir de l’argent.

L’absence de registre central et le recours à des noms d’emprunt par les investisseurs constituent une couverture.

L’Institut note également que l’argent liquide issu du trafic de drogue aurait également permis de stimuler la construction dans tout le pays et dans les villes côtières de Dakar, Saly et Mbour.

D’importantes quantités de cocaïne ont été saisies ces derniers temps au Sénégal. Le 17 avril dernier, un camion frigorifique transportant 1 137 kilos de cocaïne a été intercepté par les douanes sénégalaises à Kidira, une localité de la région de Tambacounda, frontalière avec le Mali.

walf

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