Les autorités sanitaires confirment le lien entre cancer colorectal et consommation de viande transformée. En cause les nitrites, des additifs utilisés notamment dans la charcuterie pour allonger la durée de conservation et qui donnent une couleur rose au jambon. L’Anses conseille de limiter sa consommation et appelle à diversifier son alimentation.

Les autorités sanitaires françaises confirment « l’existence d’une association entre le risque de cancer colorectal et l’exposition aux nitrates et nitrites », notamment via la viande transformée, dans un avis publié mardi à l’issue de plusieurs mois de travaux. L’Agence nationale de sécurité alimentaire (Anses) affirme que l’analyse des données des publications scientifiques parues sur le sujet « rejoint la classification du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) ».

En 2015, le CIRC de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé la viande transformée, notamment la charcuterie, comme cancérogène (catégorie 1). Elle favoriserait, entre autres, les cancers colorectaux qui tuent près de 18.000 personnes par an en France. Les nitrites ingérés sont quant à eux considérés comme des cancérogènes probables (catégorie 2A). Historiquement, les charcutiers recourent aux composants nitrés pour allonger la durée de conservation des produits et prévenir le développement de bactéries pathogènes à l’origine notamment du botulisme, une affection neurologique grave largement oubliée du fait des progrès sanitaires. Ce sont aussi ces composants qui donnent sa couleur rose au jambon, naturellement gris.

Des composants nitrés sont ajoutés aux charcuteries pour allonger la conservation des produits et un lien vient d'être établi entre risque de cancer colorectal et consommation de viande transformée. © Lado2016, Adobe Stock

Réduire l’exposition de la population aux nitrates et nitrites

L’Anses « préconise de réduire l’exposition de la population aux nitrates et nitrites par des mesures volontaristes en limitant l’exposition par voie alimentaire ».

« Bien que la réduction du taux d’additif soit de nature à accroître de façon significative le risque microbiologique », et donc le développement de maladies comme la salmonellose, la listériose ou le botulisme, l’Anses « considère qu’elle peut être envisagée moyennant la mise en œuvre de mesures compensatrices validées de maîtrise de ce risque ». Par exemple en raccourcissant les dates limites de consommation des produits ou en agissant au niveau des étapes de fabrication (mesures de bio-protection dans les élevages et les abattoirs). L’association Foodwatch, la Ligue contre le cancer et l’application Yuka ont immédiatement demandé aux pouvoirs publics « d’interdire ces additifs » : « Face aux faits scientifiques, les acteurs politiques doivent prendre leurs responsabilités », affirment-elles dans un communiqué commun.

Cet hiver, des débats musclés les avaient opposées aux charcutiers, qui défendaient un savoir-faire centenaire dans le respect de la loi. En février, l’Assemblée nationale avait voté le principe d’une « trajectoire de baisse » des doses maximales d’additifs nitrés dans la charcuterie. De son côté, le gouvernement avait dit vouloir « attendre le retour » de l’Anses et s’était engagé à suivre son avis.

Alors que de grands fabricants, comme Herta ou Fleury Michon, se sont déjà lancés dans des gammes de jambon « sans nitrites », l’agence met en garde contre les solutions de substitution à base d’« extraits végétaux » ou de « bouillons de légumes ». « Cela ne constitue pas une réelle alternative dans la mesure où (ces substituants) contiennent naturellement des nitrates qui, sous l’effet de bactéries, sont convertis en nitrites ». « Ces produits dits « sans nitrite ajouté » ou « zéro nitrite » contiennent donc des nitrates et des nitrites cachés », souligne l’agence.

L’Anses estime aussi important de mieux définir les doses journalières admissibles (DJA) de nitrates et nitrites. Car elle constate un paradoxe : l’existence d’un lien entre consommation de viandes transformées et risque de cancer, alors même que les doses maximales recommandées (150 grammes de charcuterie par semaine en France) sont respectées – par 99 % de la population. Les DJA sont « définies séparément pour chacune de ces substances, alors que les mécanismes biochimiques en jeu constituent une suite de transformations vers des composés nitrosés », souligne l’avis. En clair : les nitrates, présents naturellement dans les sols, peuvent voir leur concentration renforcée par les activités agricoles (engrais, effluents d’élevage). Ils se retrouvent dans les végétaux que l’on consomme et l’eau que l’on boit. Dans notre bouche, sous l’effet d’enzymes bactériennes, les nitrates ingérés se transforment en nitrites. Et ces derniers, instables, peuvent, quand ils sont présents en excès, générer la formation de « composés nitrosés », « connus pour leur caractère génotoxique et cancérogène ».

L’Anses conseille de limiter sa consommation de charcuterie à 150 grammes par semaine

L’Anses recommande donc de poursuivre les recherches, pour « établir la valeur toxicologique de référence prenant en compte la co-exposition » aux additifs, mais aussi de lancer de nouvelles études épidémiologiques pour améliorer les connaissances sur le lien avec le risque de différents cancers. En attendant, l’agence conseille de limiter sa consommation de charcuterie à 150 grammes par semaine et appelle à avoir une alimentation diversifiée, avec au moins cinq portions de fruits et légumes par jour.

futura

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