« La mère des batailles. » On aurait pu qualifier, ainsi, la présidentielle de février 2024, au regard du recours de certains candidats, et pas des moindres, aux agences de communication françaises. Une attitude qui tranche d’avec le discours souverainiste de nombre d’entre eux, chantres de la préférence nationale. Et même si l’expérience Jacques Séguéla avec l’ancien président Abdou Diouf, a été un vrai flop.
La communication n’est pas un intrant négligeable pour les acteurs de la présidentielle du 25 février 2024. Elle est peut-être au centre de la bataille à venir. Comment ne pas croire à cela, au regard de l’assaut de certains candidats et pas des moindres, sur les agences de communication françaises. Selon « Jeune Afrique » qui donne la nouvelle, ces candidats, décidés à séduire à l’international, se sont attachés les services de communicants français.
Il en est ainsi de l’ancien Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne, qui aurait choisi de collaborer avec « Médiatique International ».
L’hebdomadaire renseigne que cette officine avait collaboré avec l’ancien président Abdoulaye Wade et conseille, aujourd’hui, le gouvernement de Mahamat Idriss Deby Itno, au Tchad. « Médiatique International », précise-t-on dans le même article, est spécialisé dans les affaires publiques, la stratégie politique, la diplomatie politique et les campagnes électorales notamment.
JA renseigne que « Médiatique International » a travaillé avec Pape Diop, député élu, mais démissionnaire, avant les Législatives de 2022.
L’actuel Premier et candidat Amadou Bâ, aurait jeté son dévolu sur « Concerto ». A en croire « Jeune Afrique », des cabinets ont flairé la bonne affaire en approchant le PM Amadou Bâ, comme « 35°Nord » et « Etnium ». « Concerto » est déjà à la tâche pour avoir organisé, début décembre, un dîner informel avec des dirigeants d’une dizaine de médias de l’hexagone, lors du séjour de M. Bâ à Paris.
Cette officine est dirigée par François Hurstel.
JA révèle que le professeur Mary Teuw Niane et le maire de Thiès, lui aussi universitaire, Babacar Diop, travaillent respectivement avec Gilbert Gomis, chef d’entreprise franco-sénégalais et Diane Lévy. D’autres candidats à la Présidentielle de février prochain, se font également épauler par des spécialistes en communication internationale.
Il s’agit notamment de l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur, Mary Teuw Niane.
L’homme politique aurait sollicité les services du chef d’entreprise franco-sénégalais Gilbert Gomis, qui coordonne les activités de son parti au niveau de la diaspora européenne. Quant au maire de Thiès, Babacar Diop, il est conseillé par Diane Lévy, excollaboratrice du « Figaro ». Celle-ci serait également à l’œuvre pour avoir facilité au président des Forces démocratiques du Sénégal (FDS-les Guelwaars), son accès sur les plateaux de plusieurs médias français et la rencontre de personnalités politiques françaises.
Cette ruée vers les gourous français, est loin d’être une première.
D’après le journal « Point Actu », en 2000, l’ancien président Abdou Diouf avait sollicité les services du publicitaire français Jacques Séguéla. C’était un choix éclairé au regard de l’expérience de Séguéla, qui a travaillé pour le président camerounais Paul Biya en 1992, Omar Bongo au Gabon et Gnassingbé Eyadema au Togo en 1997.
En Pologne, il œuvre pour le président polonais Aleksander Kwasniewski à la présidentielle de 1995, que ce dernier remporte face à Lech Wałęsa.
Il est là aux campagnes du Premier ministre israélien Ehud Barak en 1999 et du Chilien Ricardo Lagos.
Jacques Séguéla, créateur du slogan « La force tranquille » qui a marqué l’arrivée de François Mitterrand et de la gauche au pouvoir en 1981. « Génération Mitterand », c’est encore lui qui est crédité, tout au long de sa carrière, d’avoir participé à la création de plus de 1000 campagnes publicitaires, 20 campagnes présidentielles) et parcouru plus de 100 fois le tour de la planète. En dépit de son talent avéré, l’expérience sénégalaise fut un flop total pour Séguéla.
Abdou Diouf, vaincu par l’usure du pouvoir après 20 ans au Palais et 10 ans à la Primature, perd en 2000 face à Abdoulaye Wade.
Les affiches montrant Diouf avec un panier de fruits, par exemple, étaient loin des réalités du pays. Séguéla a dû se rendre compte que le seul génie des slogans et le choc des images, ne suffisaient pas pour fabriquer un client qui gagne. La jurisprudence Séguéla a-t-elle été prise en compte par les candidats ayant pris d’assaut les agences de communication françaises ?
En tout cas, « la réalité du terrain », est déterminante dans la confection des slogans et le choix des affiches, renseigne un communicant qui a choisi de masquer son identité. Une autre source s’interroge sur le choix des candidats au discours très souvent souverainiste.
« Il y a beaucoup d’agences qui auraient pu faire leur affaire au Sénégal », affirme-t-il, déplorant cette préférence étrangère.
« Au fond, accuse-t-il, ces agences jouent plus le rôle de « relation presse » pour les candidats attachés à la visibilité à l’international». « La communication, c’est aussi une affaire qui dépend en grande partie du talent du client », prévient cet autre communicant.
« Si vous avez un homme à la voix éraillée, timide et à l’allure ratatinée, vous avez peu de chance de réaliser un miracle », plaisante-t-il. « En revanche, un client comme Ousmane Sonko, ne court pas les rues. Tout lui réussit », lance-t-il.
leral