Sous le poids d’un mariage imposé et d’une grossesse non désirée, Awa Dieng, 20 ans, a choisi l’interdit. Jugée pour avortement clandestin aux côtés de son ancien compagnon, ils ont écopé de 8 mois de prison ferme.
Dans les couloirs feutrés du tribunal, l’histoire d’Awa Dieng a résonné comme un écho douloureux d’un destin contrarié. Une affaire où s’entremêlent mariage forcé, grossesse non désirée, amours croisés et avortement clandestin. La jeune femme de 20 ans et son amant ont été condamnés à 8 mois de prison pour avortement clandestin. Devant la barre, A. Dieng ne cherche ni à fuir ni à travestir les faits.
Le visage serein, presque impassible, elle raconte sans détour : «J’étais en couple avec Moustapha Dieng, et c’est de lui que j’étais enceinte. Mais entre-temps, j’ai renoué avec El. M. Kane, mon ex. Je lui ai parlé de ma grossesse. Il m’a promis de s’en occuper». Ce “s’en occuper”, c’était lui remettre trois comprimés, un soir, dans l’intimité d’une pièce trop silencieuse pour que la douleur ait droit de cité. Trois comprimés pour effacer cinq mois de grossesse.
Elle hésite. Il insiste. Elle cède.
Au petit matin, «vers trois heures, j’ai senti quelque chose sortir de moi», dit-elle calmement. Ce n’est plus une jeune fille qui parle, mais une accusée face à la justice. Conduite à l’hôpital, la vérité explose. Awa confesse tout : son couple, la rupture, le retour de l’ex, les cachets, et cette grossesse qu’elle portait sans l’avoir voulue. Le mariage imposé, non consommé, devient le fond d’un mal-être profond.
«Je voulais me révolter contre une vie qu’on a choisie pour moi», lâche-t-elle comme une ultime justification.
Dans le box, El. M. Kane, 33 ans, se défend : il nie toute pression, parle d’un choix commun, partagé, assumé. Il évoque Keur Serigne Bi, la pharmacie de l’ombre où il aurait acheté les comprimés avec Awa, « avec l’argent donné par Moustapha».
Ce dernier, cité comme témoin, tombe des nues : «Je lui ai donné de l’argent pour une consultation, pas pour avorter», jure-t-il.
Le parquet, lui, ne s’embarrasse pas de nuances. Pour le ministère public, les faits sont établis, la responsabilité partagée.
Et surtout, irréparable : «Ils n’avaient pas le droit d’empêcher à cet enfant de naître», martèle-t-il en requérant deux ans d’emprisonnement ferme pour les deux prévenus. Mais à la défense, la ligne est différente. Me Baba Diop, avocat d’Awa Dieng, plaide l’égarement d’une jeunesse sous pression.
Il parle d’une fille influençable, prise dans un engrenage de solitude, d’amour et de peur du qu’en-dira-t-on. «Elle a suivi ses consultations pendant cinq mois. Elle n’a jamais voulu interrompre la grossesse au départ. Malick a insisté. Elle a cédé», insiste-t-il, appelant à la clémence.
En face, Me Djigo, avocat de Malick Kane, tente un renversement de situation.
Selon lui, Awa, déjà mariée, voulait simplement dissimuler sa grossesse. « Elle a utilisé mon client », accuse-t-il, tout en dénonçant l’impunité des vendeurs de médicaments illégaux à Keur Serigne Bi, véritables chevilles ouvrières de ces drames clandestins.
À l’heure du verdict, le tribunal tranche : huit mois de prison ferme pour Awa Dieng et El. M. Kane.
Actusen