Dans ce pays, les problèmes fonciers sont une bombe sociale. L’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal (Ansts), qui a réfléchi sur «les occupations domaniales au Sénégal : problèmes et solutions», a demandé la réforme de la loi qui régit le secteur. Car elle est devenue obsolète alors que les enjeux liés à l’accès au foncier sont devenus multiples.
L’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal (Ansts) a célébré la Journée de la renaissance scientifique de l’Afrique (Jrsa) en réfléchissant sur le thème : «Les occupations domaniales au Sénégal : problèmes et solutions.» C’est un vrai sujet d’actualité dans un pays où les conflits fonciers sont légion. Que faire dans un pays si l’expression «sama suuf mame» (C’est la terre de mes aïeuls) est souvent agitée pour faire face à certains conflits. Cette vérité «ne s’applique pas au domaine national», précise Pr Abdoulaye Dièye, qui a introduit une communication sur le système foncier à l’occasion de cette rencontre. Selon cet enseignant-chercheur à la Faculté des sciences juridiques et politiques à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, «95% des terres sont tombés dans le domaine national, qui est un régime original basé sur les principes de gratuité d’accès». Il précise pour lever les équivoques : «Il n’appartient ni à l’Etat, ni aux collectivités territoriales, ni aux usagers.
On ne peut ni vendre la terre du domaine national, ni l’aliéner, ni la transmettre par voie successorale.» Par contre, constate-t-il, «ces principes ne sont pas respectés» et «installent une confusion en matière foncière dans le pays».
Aujourd’hui, les problèmes constatés dans l’administration des terres du domaine national dans la zone des terroirs résultent «du cadre juridique imparfait, du mode de constitution de conflits entre les communautés et les collectivités territoriales, le maire, des insuffisances normatives et de la non application de la loi». Pourquoi y a-t-il autant de contentieux ? Pour lui, l’Etat n’a jamais créé les conditions pour une application effective de la loi. «On a attendu 1972 pour mettre en place le cadre juridique des communautés rurales. Or, sans ce cadre juridique, on ne pouvait pas appliquer la loi», dit-il en insistant sur les insuffisances normatives.
«La notion de mise en valeur, qui est une notion fondamentale, n’a jamais été définie», enchaîne Pr Abdoulaye Dièye. Et avec l’obsolescence des textes, «la loi est aujourd’hui contournée». Et les conséquences sont palpables. «C’est pourquoi il y a beaucoup de conflits fonciers multiformes entre investisseurs privés et populations locales, des conflits qui résultent d’opérations ou d’immatriculation au nom de l’Etat, des conflits résultant de problèmes de délimitation, des conflits entre agriculteurs et éleveurs, entre autres», se désole-t-il. L’universitaire préconise une réforme de la loi sur le domaine national.
«Il y a une obligation de procéder à une réforme de la loi sur le domaine national», conseille le juriste, qui rappelle qu’aucune «des multiples initiatives n’a jamais abouti». Que faire ? Selon lui, il faut responsabiliser davantage les collectivités territoriales pour éviter les conflits dans le domaine national, notamment dans le domaine le domaine privé. Pr Abdoulaye Dièye recommande la conservation et la préservation du foncier, de procéder à une vulgarisation des modalités d’occupation, faire en sorte qu’on ait une gestion apaisée du foncier par rapport au domaine national, en impliquant les populations, en adaptant les règles, et faire en sorte qu’il y ait la productivité de la terre.
Il y a deux ans, le Président Sall a insisté sur la question. Il rappelait qu’au «Sénégal, l’essentiel des alertes que je reçois au quotidien sur les risques de conflit viennent à plus de 90% du foncier». Une vraie bombe !
lequotidien