Le livre L’érudition islamique en Afrique (437 pages), publié par plusieurs auteurs sous la direction de l’universitaire sénégalais, Ousmane Kane, éclaire la contribution in­tellectuelle des sociétés musulmanes d’Afrique noire au rayonnement des savoirs islamiques. L’ouvrage, paru en 2021 aux éditions Cerdis et James Currey, réunit 17 tribunes et articles. «Cet ouvrage collectif interdisciplinaire, ré­digé par d’éminents chercheurs, comble une lacune importante» en «réfutant (…) l’idée que les sociétés musulmanes d’Afrique noire sont à la périphérie du monde musulman», est-il écrit sur la quatrième de couverture. Les auteurs se sont employés à «remettre en cause» le postulat implicite selon lequel les Subsahariens sont des «partenaires de second plan» dans les relations intellectuelles du monde musulman.

Le livre est également publié en anglais sous le titre Islamic scholarship in africa, avec le sous-titre New directions and global contexts. Il explore les échanges intellectuels et spirituels entre les populations d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique de l’Est, du Sahara, du Maghreb et d’Orient, ainsi que des diasporas musulmanes en Occident.

«Les Africains au sud du Sahara, au même titre que n’importe quel autre peuple de la communauté musulmane, ont été des contributeurs à part entière aux savoirs islamiques», a déclaré le coordonnateur de l’ouvrage, Ousmane Kane, lors de la cérémonie de présentation du livre, mardi à Dakar. M. Kane, titulaire de la chaire d’islamologie de l’université de Harvard (Etats-Unis), a insisté également sur le rôle du pèlerinage à la Mecque (Arabie Saoudite) dans ces échanges intellectuels. Avant la colonisation, «le texte et les lettrés circulaient sans entrave», a-t-il tenu à rappeler. «Le pèlerinage à La Mecque n’était pas seulement un acte rituel, il permettait aussi aux Africains de se frotter à d’autres savants du monde musulman», a expliqué Ousmane Kane en parlant de l’ouvrage.

Les voyages, à cette époque-là, s’effectuaient généralement par voie terrestre, ce qui favorisait la visite des grands centres d’érudition par les Africains, notamment au Maroc, en Tunisie, en Egypte, au Liban et à Jérusalem, selon l’universitaire sénégalais. Le livre raconte une anecdote concernant Cheikh Ibrahima Niasse (1900-1975) dont l’érudition surprenait un lettré égyptien qu’il avait rencontré à La Mecque. De l’avis de l’homme venu d’Egypte, qu’un Subsaharien, d’Afrique de l’Ouest surtout, puisse acquérir une telle érudition islamique sans passer par l’université al-Azhar relevait du miracle.

«La pléiade mouride»
Ousmane Kane, après avoir rappelé le «passé savant» du continent africain, déplore le fait que les spécialistes privilégient le «parcours politique» de quinze ans de El Hadji Ou­mar Tall sur sa «carrière intellectuelle» qui a duré cinquante-cinq ans. La propagation de l’islam a ouvert la voie au développement de l’Ajami, la transcription des langues africaines en caractères arabes, selon M. Kane et ses coauteurs. «Il est bien connu que les lettrés africains ont utilisé l’Ajami pour expliquer les notions complexes de théologie islamique aux masses ne connaissant pas l’arabe», est-il écrit dans le livre.

Des langues africaines dont le swahili, le haoussa et le wolof ont permis de transmettre le savoir islamique et ont servi à la transmission de connaissances sophistiquées. Selon Ousmane Kane, les savants, Serigne Mor Kaïré et Serigne Mbaye Diakhaté, qu’il surnomme «la pléiade mouride», Serigne Hady Touré et Cheikh Gassama ont aidé à la diffusion du savoir islamique d’expression wolof, pour les confréries mouride et tidjane.

lequotidien

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