«Rap’adio» est un mythique groupe de rap qui a marqué de son empreinte l’histoire de la musique à la fin des années 90. Aujourd’hui, le rappeur Daddy Bibson, l’un des membres de ce groupe, s’est tourné vers la musique spirituelle après un passage au cœur de la politique sénégalaise. Mais la page Rap’adio est sur le point d’être rouverte puisqu’un album devrait sortir cette année. Ce Rap’adio New generation donnera la voix à de jeunes artistes. Dans cet entretien, Daddy Bibson déplore la quasi mort du rap, faute de rappeurs.

Avec Keyti et Iba, vous avez été à la base de ce mythique groupe, Rap’­adio. Nos­talgique ?
Ce groupe reste toujours ancré dans la mémoire des Sénégalais. On ne faisait pas dans la langue de bois. Nous étions la voix des sans voix et on a révolutionné le hip-hop. Nous faisions dans la dénonciation. Nous n’accordions aucun traitement de faveur à qui que ce soit si on devait dire la vérité. Si on pensait qu’il fallait dénoncer, on le faisait sans attendre rien en retour. C’était notre rôle.

Rap’adio n’a duré que le temps d’une rose avant de voler en éclats. Qu’est-ce qui n’a pas marché ?
Le temps imparti à Rap’adio était peut-être terminé. Il était dit quelque part qu’à l’heure T, le groupe devait se séparer et que chacun devait faire sa carrière solo. Aujourd’hui, la reconstitution de Rap’adio est devenue une demande sociale. Les gens sont nostalgiques de ce groupe et ne cessent de nous demander quand nous allons le relancer.

Et vous avez décidé justement de faire renaître de ces cendres Rapadio, mais sous une autre forme…
Nous sommes en train de travailler pour faire renaître Rap’adio sous une nouvelle dénomination, à savoir Rap’adio New generation. Ça fait deux à trois ans qu’on y travaille. Je crois que Rapadio après 20 ans sera le titre de l’album qui va sortir sous peu. On est en train de le réaliser avec des jeunes rappeurs talentueux. Le principe étant de faire reprendre des chansons de Rap’adio par cette jeune génération. Je veux citer Nara Pee, Ada Knibal, Julio l’absolu, Gun Mor. Je pense que Rap’adio New generation va contribuer à relancer le hip-hop. On va promouvoir cet album, ces jeunes rappeurs et faire de telle sorte que les gens voient à travers ces jeunes, des Iba ou Keyti.

Qu’est-ce qui différencie les rappeurs old school de ceux de l’actuelle génération ?
Après mon départ du groupe, j’ai poursuivi mes productions. Qui me connait sait que j’ai toujours été un rappeur engagé dans ma carrière. Maintenant, les choses sont devenues de plus en plus faciles. On peut rester dans sa chambre, composer des beats et réaliser une vidéo 3 D et la faire diffuser. On n’a plus besoin de la télévision classique ou de la radio pour faire sa promotion. On a la possibilité de le faire soi-même en restant dans sa chambre. Aujourd’hui, tout le monde dispose d’une chaîne de télévision sur YouTube, de pages sur Facebook, twitter, Instagram, qui sont des supports beaucoup plus suivis que tout autre support de communication. Je pense que c’est ce qui fait qu’on ne se casse plus la tête. De notre temps, il fallait se battre pour décrocher un producteur. Il fallait convaincre le producteur de la pertinence de ses textes, de sa musique et du concept pour espérer se faire produire. Auparavant, il fallait tirer le meilleur de soi-même pour espérer se faire produire. A notre époque, il y avait plus de lyrics dans nos productions et des gens conscients nous écoutaient.

Vous défendiez le Sénégal aussi bien avec vos textes engagés que sur l’arène politique avec le M23. Mais aujourd’hui, on a l’impression que les rappeurs investissent plus le champ politique que les scènes musicales. Com­ment expliquer cela ?
Je pense qu’il y a plus d’activistes que de rappeurs maintenant. Et c’est cela qui a contribué à davantage tuer le rap au Sénégal. Le hip-hop n’existe plus parce que tout le monde est devenu activiste. Jadis, notre engagement se faisait à travers nos textes rap. On voit plus d’activistes que de rappeurs. Nous faisions de «l’artivisme» à travers le rap. Non seulement nous nous servions de notre art pour dénoncer ce qu’il y avait à dénoncer, mais on continuait à faire nos autres activités sans pour autant nuire à notre carrière.

Avant d’intégrer Rap’­adio, vous étiez avec Pee Froiss, un groupe que vous partagiez avec Xu­man ?
C’est Chaka Babs qui m’a présenté Xuman, vers 1991. On a commencé à se fréquenter et par la suite, nous nous sommes dit pourquoi ne pas travailler ensemble.

Pourquoi êtes-vous parti de Pee froiss ?
Lorsque nous avons produit l’album Wala Wala Bokk, une personnalité, fils d’un richissime homme d’affaires dont je tairai le nom, qui est dans ce pays, voulait apporter son appui au groupe. C’est ainsi que les membres ont dit qu’il fallait quitter Fass pour aller vivre ailleurs. Je m’y suis opposé en disant que j’allais rester à Fass. Ils ont déménagé et je suis resté à Fass.

Mais finalement, c’est ce départ de Pee Froiss qui vous a permis d’intégrer Rap’adio ?
Après mon départ de Pee Froiss, j’ai partagé un groupe avec un ami, Habib Guèye, qui a créé le groupe Fé­tan­tane. Nous avions été invités à un concert de Bmg 44. C’est à ce concert que j’ai pu retrouver les membres de Rap’adio que je fréquentais auparavant. C’étaient les retrouvailles. Nous avions partagé la scène et c’est à la suite de cela que j’ai rejoint le groupe. Rap’adio était un groupe engagé politiquement, socialement, spirituellement.

Aujourd’hui, qu’est-ce qu’il faut pour relancer le rap sénégalais ?
Il faut des concerts pour relancer le rap. Des concerts comme les 72 heures du hip-hop. Je demande aux gars de revenir se concentrer autour du rap et s’il y a lieu, de se battre pour le pays et descendre sur le terrain pour le faire. Il y a une dégradation des mœurs, le mal dans tous les secteurs.

Pourquoi avoir choisi d’arrêter le rap pur et dur pour faire de la musique spirituelle ?
C’est avec la spiritualité qu’on pourrait bâtir un pays. J’avais décidé d’arrêter le rap une fois que j’aurai atteint 13 albums en solo. C’est ce qui est arrivé et j’ai stoppé le rap. Je me suis depuis lancé dans la musique spirituelle. Et le premier album que j’ai fait porte le titre de Insa Ibn Mariam. Je l’ai sorti sous le pseudo Tidiani 733. Je m’apprête à sortir un nouvel album Zion Play liste. Les musiques sont déjà composées. Il ne reste qu’à travailler sur les voix. Pour le reste de ma vie, je compte faire de la musique spirituelle.

Quels sont vos autres projets ?
Je suis en train de travailler sur un projet d’émission de télévision qui s’appelle Daddy Bibson the boss, Daddy Bibson old school show. C’est une émission où il y aura de la culture générale, du game, du fun. Ce sera une émission live avec du show aussi. On espère qu’elle va raviver la flamme du rap et c’est ce que nous voulons. Il n’y a plus de concerts au Sénégal, on voit deux à trois personnes faire des concerts. Donc, dans l’émission, on invitera des rappeurs pour faire des prestations. Il y a une télé qui est intéressée par le projet, mais elle n’a pas encore réagi.

Qu’en est-il du programme sur le diabète que vous tenez présentement?
Cela fait huit ans que je suis diabétique. J’ai décidé de porter le combat contre le diabète. J’ai lancé un programme depuis le 26 juin pour aider les diabétiques à prendre en charge leur situation. Nous avions écrit des correspondances aux autorités pour accompagner le projet, mais c’est resté sans suite. Je ne peux pas comprendre que le ministre de la Jeunesse ne réponde pas à mes appels. J’étais devant pour le combat qui a valu aujourd’hui à ces autorités de se retrouver au sommet de la hiérarchie. Ce sont des gens comme Birame Faye qui méritent d’être des ministres. Au moins, ils prennent nos appels. Mais pas le ministre de la Culture, qui n’a aucun programme pour les jeunes. On a attendu jusqu’en 2019 pour qu’on nous paie trois ans de droits d’auteur. Nous sommes dans quel pays ? Pourtant je me suis battu à leur côté pour qu’ils soient au sommet de la hiérarchie.
Qu’est-ce qui vous a poussé à aller vivre aux Etats-Unis

Mon ami Ibrahima Ndoye me disait que si on n’arrive pas à trouver ce que l’on cherche chez soi, mieux vaut aller ailleurs pour le trouver. Je suis parti aux Etats-Unis pour travailler, pour revenir faire des investissements et aider les jeunes à trouver du travail.

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