La présence du militaire putschiste, Doumbouya, lors de l’investiture du président sénégalais, le 2 avril dernier, pouvait encore faire sourire, encore que les salves d’applaudissements qui ont salué son apparition pouvaient faire grincer des dents.
L’autre image que le recul permet de regarder à la loupe, se trouve dans les visites de proximité dans la sous-région que le nouveau président sénégalais entame depuis son installation. Mauritanie, Gambie, Côte d’Ivoire…
Des pays qu’on peut qualifier de démocratiques puisque le principe en vigueur y est l’élection au suffrage universel.
Au même moment, son Premier ministre, lui, a prévu de se rendre auprès des juntes militaires au Mali, Burkina Faso et Niger.
La question est de savoir à quel titre il compte rendre visite à ces juntes qui s’éternisent dans la transition ; le chef du parti Pastef, ou le Premier ministre ?
L’un dans l’autre, « il serait dangereux que le chef de parti interfère dans la politique diplomatique de l’Etat », dixit Abdoulaye Seydou Sow, désormais ex-ministre de l’Urbanisme, lors d’une récente émission télé.
Certains avancent que la motivation serait de tenter de convaincre ces pays constitués en Alliance des États du Sahel (AES), de revenir dans l’organisation sous-régionale de la CEDEAO qu’ils ont décidé, le 28 janvier dernier, de quitter. Que nenni !
D’abord cela ne relève pas des prérogatives d’un Premier ministre qui au demeurant, à beaucoup à faire au plan intérieur avec les dossiers chauds du coût de la vie qui l’attendent.
Ensuite, une organisation comme la Cedeao a besoin d’un médiateur bien plus prestigieux qu’un Premier ministre (sans faire offense à la fonction), où à tout le moins son ministre des Affaires étrangères.
Après tout, ne s’agit-il pas, là, de la politique diplomatique ?
Par ailleurs, il y a tout de même un préalable au retour de ces pays dans l’instance Cedeao et c’est le rétablissement constitutionnel. Il n’est d’ailleurs pas certain que c’est le souhait de ces peuples de sortir de la Cedeao, une décision prise… manu militari.
Autrement dit, les juntes militaires doivent incessamment mettre fin à la transition et organiser des élections en bonne et due forme.
C’est ce que ces mêmes peuples réclament.
Mais visiblement, les militaires putschistes n’en ont cure et affichent une volonté manifeste de s’éterniser au pouvoir.
Le Premier ministre malien, Choguel Maïga, a d’ailleurs annoncé la couleur, récemment, en s’arrogeant l’outrecuidance de donner des leçons au Sénégal, allant jusqu’à nier la démocratie sénégalaise qui a permis l’actuelle alternance dans notre pays.
Lors de sa première adresse, le 25 mars 2024, le Président Faye avait plaidé pour la « construction de l’intégration » au sein de l’instance ouest-africaine.
Une expression, on ne peut plus clair, d’une confirmation de l’ancrage du Sénégal dans la Cedeao. « Tout en corrigeant les faiblesses », avait ajouté le président Faye. Qu’à cela ne tienne !
Pour sa part, le rapprochement de Ousmane Sonko de ces juntes militaires n’a en fait rien de surprenant.
Qui ne se souvient de ses appels du pied à l’armée sénégalaise pour qu’elle « prenne ses responsabilités ». On était alors en pleines tensions post électorales et, un peu plus tard, des informations persistantes faisaient état d’une incitation à un coup d’état militaire au Sénégal.
Dans la période du report de la présidentielle où on a pu enregistrer quelques morts, plusieurs officiers subalternes auraient été approchés par leurs collègues des pays membres de l’AES, (le Mali, le Burkina, et le Niger), les incitant à… « prendre leurs responsabilités ».
Des messages vocaux et écrits auraient même été interceptés par les services de renseignements sénégalais et feraient l’objet d’une enquête minutieuse de l’état-major, imbu des principes fondamentaux de l’intégrité et de la dévotion à la Nation qui sont censés guider ceux qui portent l’uniforme, qui avait pris cette affaire très au sérieux.
Toutes choses qui démontrent le mal fondé de ce rapprochement du sieur Ousmane aux juntes militaires.
La diplomatie obéit à des règles et celles-ci ne sauraient être sacrifiées sur l’autel d’un pseudo « panafricanisme de gauche » qui prône une diplomatie parallèle : Bassirou chez les légalistes, Ousmane chez les putschistes. Une première au monde.
sudquotidien