Le centre psychiatrique régional ”Djinkoré”, ouvert depuis 1972 à Tambacounda (est) pour accueillir des personnes souffrant de pathologies mentales, est en quête d’un nouveau souffle, à cause de difficultés liées à la vétusté de ses infrastructures, à un déficit de personnel et de logistique.
Construit sur une superficie de deux hectares, ”Djinkoré” accueille, entre autres, les patients de la région de Tambacounda et ceux des régions de Kédougou et Kaffrine. Ce centre de thérapie mentale reçoit également des patients de la sous-région, notamment de la Gambie, de la Guinée, de la Guinée-Bissau et de la Mauritanie.
Le centre psychiatrique régional ”Djinkoré” de Tambacounda a été créé en 1972.
Depuis 2018, il a été délocalisé dans l’enceinte de l’ex centre des grandes endémies situé au quartier Liberté, juste à côté du Conseil départemental de Tambacounda.
Le nouveau centre est composé de deux grands bâtiments de fonction dont la vétusté se découvre dès l’arrivée du visiteur.
Le premier bâtiment abrite deux salles de consultation, une pharmacie qui office de guichet pour les tickets de consultation et une salle de huit lits pour l’hospitalisation des femmes. Le deuxième bâtiment, réservé aux hommes, a une capacité d’accueil de 15 lits d’hospitalisation.
Pape Demba Diallo est, depuis 2014, le médecin-chef de ce centre qui était logé auparavant à Djinkoré, un village situé à la périphérie de la commune de Tambacounda.
Entre 200 et 250 patients reçus par mois
Natif de Dakar, de teint noir et de taille imposante, M. Diallo s’efforce tant bien que mal de lutter contre les maladies mentales, afin de permettre aux patients de retrouver le goût de la vie.
‘’C’est un centre qui accueille les malades mentaux aussi bien en consultation qu’en hospitalisation.
Nous recevons des patients par internement, c’est-à-dire des patients qui viennent au centre par arrêté du préfet. Dans ce cas de figure, cela signifie que le malade mental représente un danger pour sa sécurité lui-même et pour la sécurité publique”, explique-t-il dans un entretien avec l’APS.
Au total, entre 200 et 250 patients sont reçus par mois au centre régional ”Djinkoré” de Tambacounda, précise-t-il. ‘’Nous recevons entre 200 et 250 patients par mois. Pour les internements, nous avons une capacité d’accueil de 23 lits. Actuellement, nous avons 15 patients en hospitalisation, mais, parfois, on dépasse largement le nombre de places requis’’, confie-t-il.
Le centre psychiatrique de Tambacounda reçoit des hommes, des femmes et des enfants avec un plateau d’hospitalisation de 15 lits pour les hommes et huit lits pour les femmes.
Des frais d’hospitalisation de 3000 francs CFA par jour
”Pour la prise en charge, c’est au cours de la consultation qu’on va établir un diagnostic. Si l’état du patient nécessite une prise en charge avec des rendez-vous, le malade part et revient. Si son état nécessite une hospitalisation, dans ce cas, on le garde entre deux semaines et deux mois”, indique le médecin-chef.
”Si on voit que son état est stable, on continue à le suivre en ambulatoire, parce que la plupart des maladies mentales sont des pathologies à évolution chronique, ce qui fait que la guérison n’est pas évidente. C’est pour cela qu’on parle de stabilité, et le traitement se fait sur une longue durée”, explique le psychiatre.
Dans cette structure sanitaire, les patients doivent s’acquitter de 3000 francs CFA pour les consultations.
Pour les hospitalisations, ils doivent débourser le même montant par jour. Par contre, les cas sociaux et les patients internés par arrêté préfectoral en sont exemptés.
Les médicaments prescrits aux patients sont achetés à la pharmacie régionale d’approvisionnement de Tambacounda. Pour la restauration qui est à la charge de la direction régionale de la santé, les plats viennent de l’extérieur.
Satisfecit des accompagnants
Natif de Tambacounda, El Hadji Moctar Diallo réside au quartier Dépôt. Il accompagne depuis un an son grand-frère de lait au centre psychiatrique ”Djinkoré” de Tambacounda.
‘’C’est un centre qui est très important pour les populations.
Les patients viennent de partout, de Koussanar et de Makacoulibantang, de la Gambie et de certaines localités très reculées. C’est un centre qui soulage les malades mentaux. Même si le patient ne recouvre pas totalement sa santé, son état va quand même considérablement s’améliorer”, témoigne-t-il.
Il invite l’Etat du Sénégal à ”venir en aide aux malades qui sont là”. D’après lui, ”la plupart d’entre eux n’ont pas les moyens de se prendre en charge’’.
Bassirou Thiongane est originaire de commune de Payar, dans le département de Tambacounda. Il accompagne sa sœur âgée de 20 ans.
‘’Elle est tombée malade depuis l’année passée.
C’est une maladie mentale qui est devenue récurrente chez elle depuis qu’elle a commencé à faire des enfants. Elle a eu un enfant il y a juste deux mois. Malheureusement, à chaque fois qu’elle tombe enceinte, elle perd certaines facultés mentales’’, explique-t-il.
‘’La prise en charge se passe bien, son état est en train de s’améliorer.
Elle commence à manger et à parler avec moi. J’espère que, d’ici trois jours, je pourrai rentrer avec elle à Payar’’, affirme-t-il d’un ton empreint d’espoir.
Plaidoyer pour la construction d’un nouveau centre psychiatrique
Assis sur les allées du centre, le regard fixé sur le ballet des passants en cette journée de canicule à Tambacounda, Birame Tambirou vient de Bamba Moussa, une commune du département de Kaffrine. Il accompagne son fils âgé de 30 ans, qui souffre d’une maladie mentale.
‘’Je suis là depuis trois jours, mon fils va beaucoup mieux.
C’est un bon centre. Nous demandons aux autorités de nous construire un centre de psychiatrie à Kaffrine pour nous éviter ces longues distances’’, plaide-t-il.
Face à la vétusté des bâtiments et à la non adéquation du centre avec les exigences de la médecine mentale, le médecin-chef plaide pour la construction d’une nouvelle structure de psychiatrie dans cette principale ville du Sénégal oriental.
Papa Demba Diallo précise que le centre de psychiatrie de Tambacounda n’était pas destiné à l’origine à accueillir des malades mentaux.
‘’C’était la banque de sang qui avait construit ce bâtiment pour y travailler.
Malheureusement, ce bâtiment ne correspondait pas à ce qu’elle voulait faire et étant donné qu’on était dans la brousse où on était confronté au manque d’eau et d’électricité, on a demandé au gouverneur de venir ici et ce qu’il a accepté. Et depuis 2018, on est la’’, rappelle-t-il.
Nécessité d’un personnel qualifié
Il affirme que la construction d’un nouveau centre de psychiatrie à même de permettre d’améliorer la santé mentale des patients s’impose désormais. ‘’On essaie de s’adapter, mais en principe, dans un centre de psychiatrie, il doit y avoir un certain nombre de commodités.
Non seulement la capacité d’accueil devrait être beaucoup plus élargie et en dehors de ça, on devrait avoir des outils, comme un réfectoire, une grande salle d’hospitalisation et une salle de réunion’’, dit-il.
‘’Etant donné qu’il y a une grande assiette foncière de deux hectares dans les alentours, nous plaidons pour la construction d’un centre de psychiatrie digne de ce nom avec une augmentation de la capacité d’accueil, du personnel parce que nous accueillons beaucoup de personnes et de la logistique, comme des ambulances et un appareil d’électro encéphalographie’’, soutient-il.
Le psychiatre a insisté aussi sur la nécessité de doter le centre d’un personnel qualifié comme des infirmiers d’Etat expérimentés, des psychologues et des assistants sociaux.
‘’Pour le personnel, nous sommes au nombre de quatre. Pour la consultation, nous avons deux gardiens et deux techniciens de surface. Actuellement, le centre de psychiatrie a besoin d’être renforcé en personnel qualifié. (…) c’est nous qui avons recruté des stagiaires pour pouvoir travailler avec eux, donc nous ne travaillons ici qu’avec des [personnels] communautaires’’, précise-t-il.
‘’Nous les avons retenus et ils nous aident beaucoup dans le travail, mais on aimerait avoir des infirmiers d’Etat qui ont une expérience dans la psychiatrie pour appuyer le centre, mais aussi de psychologues et d’assistants sociaux”, lance-t-il à l’endroit des autorités sanitaires.
Malgré les difficultés liées au déficit de personnel et de logistique, Pape Demba Diallo et les autres membres du personnel du centre psychiatrique régional ”Djinkoré” de Tambacounda ne désespèrent pas. Ils se démultiplient pour soulager les malades de cette région du Sénégal oriental et de la sous-région.
aps