Les œuvres humaines sont imparfaites. Par nature. Un bilan humain doit toujours comporter deux colonnes. Les succès d’une part. Les échecs de l’autre. C’est la balance, d’un côté ou de l’autre, qui donne du crédit positif ou négatif au bénéfice de son auteur.
Cela en conformité avec le verset 9 de la Sourate 55 du Saint Coran, Ar. Rahmane : « Donnez [toujours] le poids exact et ne faussez pas la pesée ». En ne donnant, par exemple, qu’un seul versant du bilan… Lorsque l’on liste les réussites, il faut aussi énoncer les contre-performances et les échecs.
Ne serait-ce que pour mieux mettre en valeur les succès !
Le dernier message solennel du Président de la République à la nation sénégalaise doit donc être apprécié à l’aune des promesses faites en 2012 d’une part. Mais ces promesses, ainsi que les réalisations qui en ont été les conséquences, doivent également faire l’objet d’une évaluation détaillée des coûts réels des réalisations, rapportés à leur opportunité, et aux impacts objectifs sur le quotidien des citoyens de notre pays.
Un catalogue de réalisations ne suffit pas à établir les bons choix stratégiques qui les motivent ni les acquis structurants pour le pays qui en découlent.
Il va falloir regarder, dans le détail, les réalisations, les modalités de passation des marchés, le respect des règles y afférentes, les retombées de ces réalisations sur le développement de notre pays. Notamment en termes d’emplois effectivement créés dans la durée, autre que les emplois journaliers ou saisonniers. Mais aussi quel impact sur le dynamisme du secteur privé national ?
Il faut également et, par-dessus tout, traquer les coûts cachés, déceler les surcoûts dus à la corruption, identifier les détournements éventuels d’objectifs et/ou de deniers publics pour avoir une idée précise de l’état des lieux à la veille de changer de Président de la République.
Évaluer la CREI, première institution judiciaire réactivée en 2012, aurait dû faire l’objet d’un paragraphe, au moins, dans le discours du chef de l’État. Que d’accusations lancées à l’époque dont on ne saura jamais le bien fondé ni les issues finales. Quelle sera la suite des dossiers de l’OFNAC placés « sous le coude » du Président sortant ?
Autant de sujets absents du message d’adieu et qui nous laissent un goût d’inachevé…
Nous espérons que ce travail de fourmi sera effectué par les différents candidats à la succession du Président de la République. Car, c’est sur son bilan, et sur les nouvelles perspectives offertes par les candidats à sa succession, que devra se dérouler la campagne électorale à venir.
Mais non sous la forme de monologues parallèles si commodes pour ceux qui n’ont, au fond, rien à dire !
En attendant, il semble bien que le bilan matériel du Président sortant, soit bien loin de ce que l’on pourrait penser d’un pays émergent ! Les réalisations déclarées sont autant de remparts cache-misère d’une réalité peu reluisante de notre pays dont le classement parmi les pays les plus pauvres du monde est sans appel. Toutes les nouvelles autoroutes masquent une détérioration, dans le même temps, du réseau des routes nationales de notre pays.
L’entretien et l’élargissement du réseau des routes nationales me semblent urgents et nécessaires.
Car, parallèlement à l’autoroute allant vers Kaolack, emprunter la route nationale qui y mène, relève du parcours du combattant : les nids de poules et le cortège incessant de camions qui font la liaison internationale avec les pays voisins, sont à la limite du supportable.
Les localités n’ayant accès ni à l’eau courante ni à l’électricité sont légion à l’intérieur du pays. Que dis-je ?
Dans la banlieue de Dakar et dans certains quartiers de la capitale, la précarité est visible à l’œil nu ! Des abris provisoires (qui durent…) faisant office de salles de classe à des classes où s’entassent plus de 100 élèves ( !) Il y’aurait matière à regrets. Tout de même. Ayons le triomphe modeste !
Au demeurant, la multiplication des autoponts et trémies, dans Dakar intra muros, a-t-elle eu les effets escomptés sur la fluidité de la circulation ?
Aux usagers d’y répondre ! Les embouteillages récurrents, intempestifs et lassants, sont-ils le signe d’une amélioration notable de la fluidité attendue des gros investissements liés au TER et au BRT ? Évidemment qu’avec des cortèges qui ouvrent la voie avec des motards on a une vue déformée de la réalité. J’ai connu cela.
La multiplication des universités, fermées pour certaines, est-elle à ranger dans la colonne des succès ?
Les contenants (bâtiments flambants neufs) valent-ils les contenus pédagogiques et les perspectives professionnelles et éducatives qui en constituent les vocations ?
Au bout de douze années de Présidence de S.E. Macky Sall, les sénégalais sont-ils plus heureux ? Mieux dans leur peau ? Mieux dans leurs têtes ? L’accès aux soins de santé et aux services éducatifs de qualité est-il garanti pour tous ? Questions simples… Questions incontournables pour faire une balance juste.
En vérité, s’il y’a un élément essentiel du bilan qui a été passé sous silence, c’est le bilan immatériel : les assauts répétés sur notre vivre-ensemble, la cacophonie de l’ignorance dans les réseaux asociaux, la méchanceté qui ne se cache plus mais qui dégouline de baves incendiaires jusque dans les travées de l’Assemblée Nationale, le mal vivre des jeunes qui fuient notre pays avec l’énergie du désespoir, les tensions ethniques latentes, les raidissements dans le landerneau politicien où les débats aboutissent systématiquement devant les cours et tribunaux…
Tout cela alimente un stress général qui fait douter, jusque dans les premiers soutiens du Président Macky Sall dont d’aucuns, et non des moindres, ont refusé de le suivre dans le choix de son successeur… L’après APR a commencé ! Avec quelles conséquences imprévisibles ? L’avenir est à venir car, les militants de la première heure se sont fait voler la mise par des transhumants qui guettent, déjà, la moindre occasion pour déménager.
Juste le temps de voir dans quel sens tourne le vent.
On peut gager que l’après parrainage sera riche de retournements de situations. Misères de la politique ! En conséquence, de nouvelles configurations des forces en présence vont survenir. Espérons qu’au bout de ce gymkhana les intérêts supérieurs de notre peuple seront saufs !
Alors, qui pour nous tirer de toutes ces calamités ?
En principe, on se donne un chef d’État pour qu’il rassemble et apaise son peuple. Qu’il contribue, par son comportement exemplaire, à le tirer vers le haut par l’incarnation des valeurs cardinales garantes de l’harmonie et des équilibres sociaux. Au moins, une certitude que j’ai acquise au bout de ces douze ans : Un chef d’État ne doit pas rester chef d’un parti !
Est-ce si difficile à comprendre ?
Nous attendons donc des engagements fermes, de la part de ceux qui vont briguer nos suffrages, sur ce point crucial pour la restauration de l’État de Droit, et le renforcement de la crédibilité de nos institutions. Ce sera le premier pas vers une dépolitisation de l’appareil d’état qui doit se mettre au service des intérêts supérieurs de la Nation et non servir les intérêts d’un parti ou d’un clan.
Pour réparer notre pays si abîmé, plus qu’un homme providentiel ou une femme, il va falloir beaucoup d’humilité à tous les sénégalais, mais aussi beaucoup de courage !
Pour changer en chacun de nous ce qui doit l’être ! Nos valeurs sociales et morales sont à terre. Le culte de l’apparence et du gain facile, à tous prix, a atteint des niveaux inadmissibles. L’argent-roi est devenu la nouvelle idole avec son cortège de comportements outranciers orchestrés par des politiques de la misère qui ravalent les citoyens au rang de laudateurs impénitents.
Et cela passe le temps à organiser des cérémonies, dites religieuses parfois, pour se flatter les uns les autres.
Juste un prétexte pour rassembler le contenu des enveloppes gouvernementales et les subsides des pauvres. Le mal est profond. Les hommes politiques auront-ils le courage de nettoyer la plaie en profondeur ? Et d’apporter le langage de vérité qui sied face au gouffre ?
Une rupture profonde d’avec nos lassitudes est devenue pressante et nécessaire.
Le morcellement de la classe politique en micro-organisations sans âmes, ni visions, toutes ces formes d’escroqueries qui prospèrent à la faveur du prisme déformant des réseaux sociaux, doivent faire l’objet d’un traitement en profondeur, avec intelligence et fermeté.
Bref, il faut absolument siffler la fin de la récréation si notre génération veut faire œuvre utile !
En attendant, bonne année à tous et à toutes ! Meilleurs vœux de bonne santé et de bonheur tout simplement !
Vivement la fin février 2024 dans la Paix, et le début du vrai changement !
Amadou Tidiane WONE
pressafrik
2 commentaires
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