Le prix du Kg d’oignon très élevé, au point de coûter 2000 f Cfa à Touba, est le résultat d’un marché peu régulé. La spéculation est également le manque de professionnalisme des acteurs qui n’ont pas la technique nécessaire pour garantir la durabilité de leurs produits et assurer une présence illimitée du stock local sur le marché. L’avis est du président du conseil d’administration de la coopérative des producteurs de fruits de la zone de Keur Mbir Ndaw dans la zone des Niayes, Cheikh Mbacké Mboup. Il est interrogé après sa présentation sur le développement de l’agriculture dans la zone des Niayes. Un thème développé dans le cadre d’une rencontre sur les enjeux de l’eau sur le secteur agricole.
Comment expliquez-vous que le kg de l’oignon importé soit vendu à 2000 f CFA alors qu’il y a une production nationale?
C’est un problème de régulation. L’oignon importé peut être stocké pendant plusieurs mois sans aucun souci, alors que pour le produit local, la peur est qu’il se détériore pendant un certain temps. Il faut se dire la vérité, en tant qu’agriculteurs nous devons améliorer la qualité de nos produits. C’est fondamental ! Si on veut que le gouvernement arrête d’importer de l’oignon, il faut qu’on soit capable de satisfaire le marché aussi bien du point de vue quantitatif que qualitatif. Ça nous permettra aussi d’élargir notre durée de stockage. Pour ce faire, Il nous faut tout un ensemble d’infrastructures de stockage. On n’en a pas assez. Le gouvernement est en train de faire beaucoup d’efforts avec le marché d’intérêt national en mettant en place des infrastructures que les agriculteurs peuvent utiliser à des coûts très bas, malheureusement il n’y a pas de stockage à froid ; c’est-à-dire des chambres froides. Comme les produits horticoles sont très périssables, il faut les stocker dans des chambres froides. Il faut aussi décentraliser les infrastructures pour minimiser les dépenses consenties en cas de conservation.
Qu’est ce qui explique la présence de l’eau dans l’oignon local et qui influe sur sa qualité ?
La qualité des oignons au Sénégal est liée à la manière dont les gens conduisent les cultures sur le terrain. La qualité se prépare déjà dans le champ. Ça veut dire quand on fait une culture, il y a un itinéraire technique. C’est l’ensemble des opérations successives qu’on doit mener de la pépinière jusqu’à la récolte. Cette opération, on doit la faire dans un temps déterminé. Les gens ne respectent pas cet itinérairelà. L’oignon est une culture qui a la particularité qu’à 15 jours ou même un mois avant la récolte, il faut arrêter d’irriguer. En effet, une fois que la culture est arrivée à maturité, ou même avant, on arrête ou bien on réduit l’irrigation. En conséquence, le pourcentage de l’eau dans le bulbe d’oignon diminue. Une fois la récolte effectuée, il faut aussi un temps de séchage, donner le temps à l’oignon de bien sécher, ensuite on coupe les feuilles. Il y a aussi une manière de couper les feuilles. Quand on le conduit de cette manière, on se retrouve avec un oignon très ferme parce que le taux de matière sèche est très élevé. Le pourcentage d’eau est réduit au maximum. Et à partir de ce moment, l’oignon peut être conservé pendant 6 à 7 mois. Les taux de pertes sont dès lors très minimes. Ce qui se passe au Sénégal, pour une question de poids, les gens parfois irriguent et le lendemain ou le surlendemain, ils font la récolte et mettent l’oignon sur le marché. Le produit est en ce moment gorgé d’eau. Ainsi, avec la chaleur qui sévit dans le pays, le stocker dans un endroit non aéré, l’activité bactérienne liée à cette eau-là, dégrade l’oignon. Le produit pourrit. Pour éviter cela, il faut qu’on forme les agriculteurs de manière à ce qu’ils aient la capacité de mener correctement la culture pendant le cycle de production.
Vous avez évoqué la capacitation des acteurs, donc le professionnalisme est à remettre en question ?
Certains ne sont pas bien capacités. On a fait beaucoup de formation, mais elle doit être évolutive. Une variété d’oignon qui a été sélectionnée en 1960 ne se comporte pas de la même manière qu’une variété d’oignon qui est choisie en 1990 parce que, les paramètres ont changé. Même du point de vue génétique, les variétés sont différentes. Quand on forme l’agriculteur de manière générique lui disant voilà la manière de cultiver l’oignon, il faut le faire de façon spécifique pour lui faire comprendre que la culture elle-même évolue. On doit très souvent revenir, faire des séances de recyclage pour que les agriculteurs comprennent les évolutions dans leurs pratiques agricoles. Ce qui est valable 20 ans en arrière, peut ne plus l’être aujourd’hui, donc on peut recycler de façon permanente mais malheureusement, on ne le fait pas. Il y a quand même des agences qui sont dans ce pays qui font un travail de conseil mais peut-être, elles n’ont pas les moyens de toucher la grande majorité des agriculteurs. Si la qualité n’y est pas, on ne peut pas vendre à bon prix. Par exemple, quand on veut entrer dans le marché de l’Union européenne ou exporter de la pastèque, de la mangue, il y a des normes de qualité que l’on vous impose.
Quelle analyse faite-vous sur les variétés d’oignons cultivées au Sénégal ?
De ce point de vue, il y a beaucoup d’amélioration. La recherche agricole a fait énormément d’efforts. Dans les années 60 à 70 et même dans les années 80, on avait des variétés qui offraient 15, 20 jusqu’à 30 tonnes à l’hectare. Actuellement, il y a des variétés qui font jusqu’à 100 tonnes à l’hectare. Presque on a multiplié la capacité de production par 4. Et c’est valable pour toutes les cultures. Le problème, ce n’est pas la productivité des cultures elles-mêmes. Le problème, c’est peut-être l’accès des agriculteurs aux facteurs de production. Les agriculteurs n’ont pas beaucoup accès à l’engrais. Le sac d’urée qui coûtait entre 10.000 et 12.000 f CFA il y a deux années coûte actuellement 50.000 f CFA. Avec la guerre en Ukraine, le prix de l’engrais est devenu plus cher, donc il y a une inaccessibilité économique du point de vue du prix que l’agriculteur ne peut pas supporter. Ils n’ont pas beaucoup de moyens financiers aussi pour moderniser leurs exploitations. Le gouvernement fait beaucoup d’efforts. Il y a le programme agricole qui soutient beaucoup les agriculteurs en subventionnant les engrais presque à 60- 70%, mais par rapport à la quantité dont le pays a besoin et ce qui est subventionné, l’écart est trop grand.
SENEPLUS
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