Qu’est-ce qui distingue l’Equipe de football sénégalaise de 2002, qui avait de belles individualités mais aucun titre, de celle d’aujourd’hui, qui est championne d’Afrique ?
En 2002, nous avons marqué les esprits en arrivant en finale de la Can, puis en nous hissant en quart de finale de la Coupe du monde. Nous disposions alors d’une génération exceptionnelle, arrivée à maturation entre 2000 et 2002, grâce aux nombreux binationaux et expatriés qui évoluaient dans des clubs européens, ainsi qu’au travail de l’entraîneur de l’époque.

Pour autant, ces performances n’étaient pas liées à un travail de fond. Il n’y avait pas de bases solides et nous n’avions pas anticipé la transition générationnelle. Cela s’est vu après cette Coupe du monde : le Sénégal a connu la plus grosse crise de l’histoire de son football, en ne se sélectionnant pour aucune qualification majeure pendant dix ans. Pendant des années, nous nous sommes attelés à travailler à la base, en réorganisant la Fédération tout en structurant les équipes nationales. Le résultat d’aujourd’hui n’est pas le fruit du hasard. Nous sommes arrivés en finale des deux dernières Can, et nous sommes le premier pays en Afrique depuis quatre ans au classement de la Fifa.

Cependant, nous ne serons pleinement satisfaits que si la Fédération parvient à se renouveler et à maintenir son niveau de compétitivité après le départ de l’actuelle génération.

Comment expliquez-vous qu’un pays qui possède une Equipe nationale aussi performante ait un championnat aussi peu compétitif, y compris sur la scène africaine ?
Nos équipes jeunes sont aussi très performantes. Depuis 2015, et alors même que nous n’existions pas avant cette date, nous avons enchaîné trois finales de la Can. Dans cette édition féminine, nous avons bousculé pas mal d’équipes alors que nous sortions de nulle part. Néanmoins, nous sommes bien conscients de cette dichotomie qui existe entre les équipes nationales et le football local.

Il faut d’abord reconnaître qu’en Coupe d’Afrique interclubs, hormis certains clubs comme le Mamelodi Sundowns ou le Tp Mazembe, l’hégémonie des clubs maghrébins est totale. Les moyens qui leur sont alloués par l’Etat et les sponsors sont plus bien plus conséquents.

Ensuite, le Sénégal a une particularité : c’est un pays émetteur. C’est-à-dire que d’une année à l’autre, un grand nombre de joueurs partent à l’étranger jouer dans des grands clubs en Europe. Certes, ils reviennent plus forts en Equipe nationale, mais ce phénomène affaiblit le championnat.

Les primes et les terrains fonciers octroyés aux jou­eurs à l’issue de la Can ont été abondamment com­mentés. Certains clubs au­raient aimé bénéficier d’une forme de rétribution afin d’investir dans leur développement. Comptez-vous accéder à leur demande ?
Les mécanismes actuels font que lorsque nous nous qualifions en Coupe du monde ou que nous gagnons la Can, nous investissons dans le football local. Depuis 2012 et 2013, nous avons construit le Centre technique Jules-François Bo­candé et le Centre d’excellence Yous­soupha Ndiaye, qui nous permettent de former des joueurs.
Au Sénégal, il y a 400 clubs qui évoluent, toutes catégories confondues. Les gens ne le savent pas forcément, mais c’est la Fédération qui finance le championnat professionnel. Elle prend en charge le fonctionnement et subventionne les équipes, aussi bien professionnelles qu’amatrices.

Nous avons également instauré des dispositifs de détection pour dénicher les talents qui jouent dans les coins les plus isolés du pays. A titre d’exemple, Sadio Mané, qui évoluait dans un village reculé, n’aurait, sans ces investissements, pas pu intégrer le club Génération Foot de Dakar. Les clubs doivent comprendre que ce sont des investissements indirects qui leur profitent. Et encore une fois, même s’il ne s’agit pas de montants énormes, nous subventionnons les clubs chaque saison. Mais nous leur disons aussi : «Attention, le football doit être autonome et générer des ressources. Non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour devenir un vecteur de financement du football amateur.»

Comme d’autres présidents de fédérations africaines, vous vous êtes déclaré favorable au passage de la Coupe du monde de quatre à deux ans. Où en sont les discussions sur le sujet ?
Sous la présidence de Sepp Blatter (1998-2015), nous nous sentions sous-représentés. On nous demandait de gagner la Coupe du monde avec cinq équipes africaines sur cinquante-quatre nations, là où l’Eu­rope en comptait 13 au total.

Aujourd’hui, l’Afrique a besoin de générer beaucoup de ressources pour son développement, et on sait bien que ces coupes du monde y contribuent. Raccourcir l’intervalle à deux ans nous permettrait également de jouer plus souvent à un plus haut niveau. Nous, dirigeants africains, sommes parfaitement conscients que l’avenir du football mondial appartient à l’Afrique. C’est d’ailleurs peut-être ce qui explique chez certains la peur du changement. Mais le train du football africain est en marche et personne ne pourra l’arrêter.

lequotidien

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