Les risques de conflits fonciers et d’actes de corruption, du fait des multiples enjeux stratégiques de cette zone, justifient la pertinence du choix de l’OFNAC d’élargir le champ de l’étude.

C’est une zone caractérisée par l’existence de réserves foncières encore importantes mais aussi qui abrite de grands projets structurants dans le domaine industriel notamment de l’industrie extractive et celui du tourisme : présence de la SOCOCIM, des cimenteries du Sahel et de DANGOTE, des stations balnéaires de Saly et de Pointe- sarène.

La présence dans la zone de l’Aéroport International Blaise Diagne (AIBD), des pôles urbains de Diamniadio, de Daga Kholpa et du Lac Rose, d’un certain nombre de zones industrielles, de l’université de Diamniadio, renforce l’attractivité de cette zone et, par voie de conséquence, la valeur du sol.

Cela entraine une ruée vers cette zone avec tout ce que cela comporte comme conséquences en termes de litiges et de pratiques de toutes sortes pour accéder au sol.

Des vulnérabilités à la corruption

La corruption est la perversion ou le détournement d’un processus ou d’une interaction avec une ou plusieurs personnes dans le dessein, pour le corrupteur, d’obtenir des avantages ou des prérogatives particulières ou, pour le corrompu, d’obtenir une rétribution en échange de sa complaisance42. Elle conduit en général à l’enrichissement personnel du corrompu.

En cela, elle constitue une menace pour la stabilité et la sécurité des sociétés car sapant les valeurs éthiques et de justice.

C’est parce qu’il s’agit d’un mal insidieux, qu’à l’échelle mondiale, les Nations unies ont inscrit la lutte contre la corruption au rang de leurs objectifs, considérant que le phénomène constituait un obstacle majeur à l’état de droit et au développement économique.

C’est un fléau, c’est un danger mais, pour reprendre l’expression de David Nussbaum, de Transparency international, ce n’est pas une catastrophe naturelle. Elle est favorisée par un cadre juridique inadapté, un positionnement institutionnel inadéquat ou un système de contrôle défaillant. Elle se développe là où existent des vulnérabilités.

Dans l’environnement juridico-institutionnel du foncier au Sénégal, il y a, incontestablement, des facteurs favorisant la corruption.

Il s’agit parfois de pratiques ancrées, de positionnements institutionnels, de dispositions légales ou réglementaires, etc.

L’inefficience de la centralité de la Commission de Contrôle des Opérations Domaniales (CCOD)

Le législateur de 1976 soumet toutes les opérations intéressant le domaine de l’État, à l’avis de la Commission de Contrôle des Opérations Domaniales (CCOD) qui est tenue de se prononcer sur leur opportunité, leur régularité et leurs conditions financières. La CCOD regroupe, sous la présidence du représentant du Ministre chargé des domaines, neuf autres Directeurs nationaux concernés par le foncier.

Le fait que cette instance siégeant à Dakar doive donner son avis sur l’opportunité et les conditions financières de tout projet intéressant le domaine de l’État (quelle que soit sa situation géographique) combiné à l’absence de maitrise par l’État, de son patrimoine foncier, est source de mal administration.

Cela ne répond nullement à l’exigence de déconcentration des services de l’administration foncière qui devrait accompagner la dynamique de décentralisation.

Il ne peut en résulter que des manquements comme ceux relevés par l’Inspection Générale d’État (IGE) pour qui, la CCOD a manifestement failli à sa mission pour n’avoir pas émis un avis défavorable lorsque les autorités dans l’affaire du Monument de la Renaissance Africaine, ont pris l’option de contracter avec une structure privée au lieu de transiger directement avec l’IPRES et avec la Caisse de Sécurité Sociale, des démembrements de l’État (voir rapport public 2014 sur l’état de la gouvernance et de la reddition des comptes, p. 75).

La faible protection du domaine public

Aux termes des dispositions de la loi n° 76-66, le domaine public est constitué des biens de l’État qui, en raison de leur nature ou de la destination qui leur est donnée, ne sont pas susceptibles d’appropriation privée. Il est inaliénable et imprescriptible et nul ne peut l’occuper s’il ne dispose d’une permission de voirie, d’une autorisation d’occuper, d’une concession ou d’une autorisation d’exploitation.

Il est clair que cette volonté du législateur n’est point respectée.

Le domaine public est agressé de toutes parts, qu’il s’agisse du domaine public routier, du domaine public fluvial et du domaine public maritime. S’agissant du domaine public routier, son état d’encombrement saute à l’oeil nu.

Il est occupé en règle général, illégalement par les étals, tables et cantines des commerçants, les épaves des véhicules, les dépôts des chantiers (ferrailles, gravats, sable…), les conduites diverses et autres installations des concessionnaires, les panneaux publicitaires, les laveurs de voitures sur les voies et dans les lieux publics (en dépit de ce qu’en dit la loi n° 87.71 du 5 juillet 1983 portant Code de l’hygiène)…

Cet état d’encombrement rend difficile sa préservation et son exploitation et constitue une hypothèque sur la mobilité urbaine.

En ce qui concerne le domaine public fluvial, l’état d’occupation de la zone de vingt-cinq (25) mètres de large des différents fleuves du pays édifie sur sa faible protection.

S’agissant du domaine public maritime, c’est le souci du législateur de garantir une protection non seulement du caractère d’utilité publique du domaine public mais aussi de son intégrité physique qui est très souvent bafouée par l’exploitation à grande échelle de cette exception que constitue le déclassement.

Le déclassement a pour effet d’enlever à un immeuble son caractère de domanialité publique et de le faire entrer, s’il est immatriculé, dans le domaine privé.

L’État se donne ainsi les moyens juridiques de consentir des baux ou même de procéder à des ventes sur ces espaces extraits du domaine public. Il devient alors difficile de respecter les dispositions de l’article L 69 al 2 de la loi n° 2001- 01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement aux termes desquelles, seules sont autorisées, sur les domaines publics maritime et fluvial, à titre d’occupations privatives, les installations légères et démontables.

Les terres, objet de titres fonciers appartenant aux particuliers

Le titre foncier (TF) est un document délivré par l’administration9 qui prouve que vous avez un droit de propriété sur l’immeuble que vous occupez. Le droit de propriété est garanti par la Constitution du Sénégal, en son article 15.

Le TF est mentionné sur un registre, appelé livre foncier, qui est tenu par un fonctionnaire appelé le Conservateur.

Aux termes de l’article 1er de la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011, le service de la conservation de la propriété et des droits fonciers assure aux titulaires la garantie des droits réels qu’ils possèdent sur les immeubles soumis au régime de l’immatriculation.

Valeur du titre foncier

Le TF établit un droit de propriété définitif et inattaquable sur un immeuble (bâti ou non). Il garantit au propriétaire une occupation permanente et durable. Le TF donne à son propriétaire tous les droits (occuper, louer, vendre, prêter, léguer) et permet l’accès au crédit bancaire en servant de garantie par la prise d’une hypothèque.

Le détenteur du TF est reconnu comme l’unique et le véritable propriétaire du terrain concerné. C’est ce qui justifie qu’il puisse le vendre ou le léguer.

Le principe de l’intangibilité tant matérielle que juridique du TF signifie, qu’une fois l’immatriculation opérée, il ne soit plus possible de revenir sur la situation de l’immeuble, tant sur ses limites que sur le droit de propriété consacré.

Aux termes de l’article 381 du Code des Obligations Civiles et Commerciales (COCC), l’acquisition du droit réel résulte de la mention au titre foncier du nom du nouveau titulaire du droit ; que celui-ci acquiert de ce fait sur l’immeuble un droit définitif et inattaquable dont l’étendue est déterminée juridiquement et matériellement par les énonciations du titre foncier.

Le droit du titulaire du TF est opposable à tout tiers. Il est à noter cependant, que le titre foncier peut faire l’objet d’une expropriation, mais seulement en cas de nécessité publique déclarée et sous réserve d’une indemnisation.

En effet, l’expropriation pour cause d’utilité publique est la procédure par laquelle l’État peut, dans un but d’utilité publique et sous réserve d’une juste et préalable indemnité, contraindre toute personne à lui céder la propriété d’un immeuble ou d’un droit immobilier.

Des initiatives de réforme foncière sans lendemain

L’unanimité s’est faite depuis le début des années 1990, sur la nécessité de doter le Sénégal d’un régime foncier adapté aux exigences d’un développement durable. Beaucoup d’initiatives sont notées, beaucoup de rapports ont été produits18 mais jusqu’à présent, il n’y a aucune réforme en profondeur du système foncier.

La sensibilité de la question foncière explique certainement cet état de fait. Cela a pour conséquence l’ancrage de l’idée que tout peut être mis en oeuvre pour s’enrichir par le biais du foncier car les risques de remise en cause sont minimes.

Les initiatives de réforme foncière sans lendemain sont nombreuses :

1996 : Le Plan d’action foncier, élaboré sur 12 mois par une équipe de huit (08) consultants sénégalais accompagnée d’un consultant de la Banque Mondiale, est resté sans suites.

L’objet de ce plan était de « répondre au besoin d’améliorer la législation foncière et de l’adapter aux nouvelles orientations en matière de développement agricole et rural »19. Il proposa trois options20 et suggéra la création d’une Haute Autorité placée à un niveau élevé de l’État et d’un Observatoire du foncier placé sous l’autorité des universités.

En 2001, les nouvelles autorités manifestent la volonté de procéder à une réforme du système foncier sénégalais.

Elles mettent en place un groupe de travail au sein du Ministère de l’Économie et des Finances avec pour mission de produire un projet de réforme foncière. Les propositions formulées par ce groupe n’ont pas été rendues publiques.

Dans le courant de l’année 2002, le Gouvernement engage le processus d’élaboration d’une Loi d’orientation agricole (LOA).

Le projet mis en circulation comportait un chapitre portant sur le régime foncier. L’article 21 al. 3 du projet impliquait le Président de la République dans la vente des terres du domaine national.

Cet état de fait ne pouvait que soulever l’ire des producteurs ruraux. Le Conseil national de Concertation et de Coopération des Ruraux (CNCR) attira l’attention des pouvoirs publics sur le fait qu’il a engagé un processus, non encore achevé, d’élaboration de propositions paysannes en matière de réforme foncière.

Le Gouvernement revoit sa copie et décide de retirer du projet de loi, le chapitre consacré au régime foncier.

En 2004, la Loi d’Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) est promulguée.

Elle comporte un chapitre 6 intitulé ‘’Réforme foncière’’ qui précise à l’article 22 al. 1 que “la définition d’une politique foncière et la réforme de la loi sur le domaine national constituent des leviers indispensables pour le développement agro-sylvo-pastoral et pour la modernisation de l’agriculture”.

Dans son al. 2, l’article 22 précise que “la politique foncière repose sur les principes suivants : la protection des droits d’exploitation des acteurs ruraux et des droits fonciers des communautés rurales, la cessibilité encadrée de la terre pour permettre une mobilité foncière favorisant la création d’exploitation plus viables, la transmissibilité successorale des terres pour encourager l’investissement durable dans l’exploitation familiale, l’utilisation de la terre comme garantie pour l’obtention du crédit”.

Elle annonce en son article 23, une réforme foncière pour 2006. Elle est encore attendue, aujourd’hui.

La Direction de l’analyse de la prévision et de la statistique (DAPS) est mise à contribution pour la formulation de propositions précises en matière de réforme foncière. Elle met en place un groupe thématique sur la réforme foncière.

Alors que le groupe thématique était à l’oeuvre, le Président de la République décide finalement de mettre en place une Commission nationale chargée de préparer une réforme du droit de la Terre (CNRDT).

Celle-ci fut installée le 23 novembre 2005 par le Président de la République.

La Commission a, plus tard, produit un Document intitulé « Quelques Propositions de Réforme sur la Gestion Foncière en Milieu Rural ». Le document propose l’incorporation des terres des zones urbaines, des zones pionnières et d’une partie de la zone des terroirs dans le domaine privé de l’Etat. Ces propositions ne connurent aucune suite.

Par décret n°2012-1419 du 6 décembre 2012, le Président de la République a créé une Commission Nationale sur la Réforme Foncière (CNRF) avec pour « missions :

– de conduire toutes les études et recherches relatives à l’occupation du domaine de l’État et du domaine national ;

– d’analyser les textes législatifs et réglementaires en vigueur et de faire des propositions de modification ;

– d’identifier les contraintes et de mettre en place un cadre juridique et institutionnel attractif, offrant des garanties aux investisseurs et assurant la sécurité et la paix sociale, en vue d’une gestion rationnelle du domaine de l’État et du domaine national ;

– de proposer des solutions durables aux conflits fonciers résultant de l’occupation des domaines susvisés ;

– et plus généralement, d’exécuter toutes missions qui lui sont confiées par le Président de la République ».

Le rapport produit par la CNRF et remis au Président de la République, le 20 avril 2017, n’a pas été validé. La Commission a été dissoute le 26 mai 2017.

Ces hésitations et louvoiements des autorités étatiques font naitre chez certains le sentiment que tout peut être tenté s’agissant du foncier car le droit positif semble être mis entre parenthèses.

Le cadre juridique défaillant du foncier combiné à un certain nombre d’externalités négatives rend difficile une gestion saine et vertueuse du sol sénégalais.

En lieu et place d’une réforme globale du système foncier, des tentatives de réponse à des problèmes sectoriels ont été apportées à travers la création d’entités institutionnelles aux domaines de compétence bien ciblés. Les résultats de cette approche sont pour le moment, mitigés.

Des résultats précis attendus de la réponse institutionnelle aux problèmes fonciers

A travers diverses structures, des solutions précises aux contraintes liées au foncier et notées dans certains secteurs, sont attendues.

Les Pôles urbains, les zones économiques spéciales (ZES), la Société d’Aménagement et de Promotion des Côtes et Zones Touristiques du Sénégal (SAPCO-SENEGAL), l’Agence d’Aménagement et de Promotion des Sites industriels (APROSI), la Direction de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation du Sol (DSCOS), sont, entre autres, ces structures.

Les Pôles urbains ou la réponse à la forte urbanisation du Sénégal

Le Sénégal connait, depuis quelques décennies, une forte urbanisation. En effet, le taux d’urbanisation est passé successivement de 23% en1960 à 43,16% en 2011 et à 45% en 2018 selon l’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD).

La population du Sénégal est inégalement répartie sur le territoire national. La région de Dakar concentre à elle seule près du quart de la population (23%). Elle est suivie de la région de Thiès (13%).

L’importance du poids démographique de ces régions s’expliquerait par leur attractivité en termes d’opportunités.

Particulièrement, la région de Dakar, abritant la capitale du pays et pôle de concentration économique, constitue l’une des principales destinations des migrants internes comme internationaux.

La région de Thiès, quant à elle, connait une croissance démographique très rapide, notamment au niveau du département de Mbour. Sa proximité avec la région de Dakar et le développement d’activités économiques autour du tourisme constituent des facteurs incitatifs à l’immigration dans cette région.

L’augmentation rapide de la population urbaine pose certes des défis à relever dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’emploi mais aussi et surtout de l’accès au logement.

La politique de l’habitat urbain mise en oeuvre par les pouvoirs publics dans les années 1960 et 1970 a concentré les investissements dans la région de Dakar avec la mise à contribution de la SICAP et de l’OHLM mais aussi la mise en place du programme des Parcelles Assainies destiné officiellement aux populations à revenus modestes, des projets HAMO24 et SCAT-URBAM25 et du projet des Zones d’Aménagement Concerté (ZAC).

L’urbanisation rapide et mal maîtrisée a mis à nu le caractère insuffisant de toutes ces initiatives des Pouvoirs publics pour satisfaire correctement la demande en terrains viabilisés.

Les pôles urbains de Diamniadio, du Lac Rose et de Daga-Kholpa (en attendant d’autres) ont été créés pour apporter des réponses aux problèmes de l’urbanisation de Dakar.

Le décret n° 2014-23 du 09 janvier 2014 a créé la Délégation Générale à la Promotion des Pôles urbains de Diamniadio et du Lac Rose (DGPU). Son objet, est de déterminer les règles particulières de gestion des assiettes foncières des pôles urbains de Diamniadio et du Lac Rose.

Auparavant, le décret n° 2013-1038 du 25 juillet 2013 a déclaré d’utilité publique le projet du Pôle de développement Urbain de Daga-kholpa ;

Le pôle urbain de Diamniadio est prévu sur 1644 hectares. L’objectif est d’y construire 40.000 logements et d’y installer une quinzaine de ministères.

Le pôle urbain du Lac Rose devrait s’étendre sur 4500 hectares. Le nouveau Pôle de Développement urbain de Daga-Kholpa couvre une superficie de 2.870 hectares. A terme, l’on appréciera l’efficacité de la politique des Pôles urbains.

Leur réalisation a rencontré pas mal de problèmes de démarrage. Elle passe par des dépossessions de populations de leurs terres, ce qui soulève toujours des litiges et contestations.

Les zones économiques spéciales ou l’offre d’un cadre incitatif pour investisseur

Dans le cadre de la mise en oeuvre des orientations stratégiques du plan d’émergence économique dit Plan Sénégal-Émergent (PSE), le législateur a adopté deux lois sur les zones économiques spéciales : la loi n° 2017-06 du 06 janvier 2017 portant sur les zones économiques spéciales (ZES)27 et la loi n° 2017-07 du 06 janvier 2017 portant dispositif d’incitations applicable dans les zones économiques spéciales.

Les « Zones économiques spéciales » sont des espaces géographiques délimités au sein du territoire national.

Elles constituent des zones de développement prioritaire offrant des infrastructures et des services de qualité ainsi que des avantages fonciers, douaniers et fiscaux aux investisseurs qui s’y installent. Tout y est fait pour attirer de nouveaux investisseurs : un cadre incitatif est offert. Celui-ci est basé sur des exonérations de taxes et des facilités diverses.

Aux termes de l’article 4, al 3 et 4 de la loi n° 2017-06 du 6 janvier 2017 portant sur les ZES, dès l’entrée en vigueur de la présente loi, la gestion des terrains relevant du Domaine privé de l’Etat compris dans l’assiette de la zone économique spéciale intégrée, à l’exception de ceux situés dans des pôles urbains existants, est transférée à l’Administrateur.

Concernant les terrains dépendant du Domaine public et du Domaine national, le transfert de la gestion se fait après leur incorporation au Domaine privé de l’État suivant les procédures et formalités légales requises à cet effet. L’Agence nationale pour la Promotion de l’Investissement et des grands travaux (APIX) a été désignée comme l’administrateur des ZES.

La SAPCO ou la réponse au besoin en foncier du secteur touristique

Créée en 1975 avec pour mission de mettre en oeuvre l’aménagement touristique de la Petite Côte, la SAPCO-SENEGAL a vu son intervention étendue au niveau national depuis l’élargissement de ses compétences en 2004. Devenue « Société d’Aménagement et de Promotion des Côtes et Zones Touristiques du Sénégal », l’entreprise est chargée d’assurer la mise en valeur touristique de l’ensemble du littoral et des zones d’intérêt touristique (ZIT).

Ces zones doivent être identifiées dans l’ensemble du territoire national, être immatriculées au nom de l’État et, éventuellement, faire l’objet d’une cession définitive à des investisseurs nationaux ou étrangers ou simplement, être mis en bail.

C’est par ce biais, que la SAPCO-SENEGAL compte atteindre l’objectif fondamental qui lui est assigné de créer, de développer et de promouvoir le tourisme.

Cet objectif est prévu dans la Convention Générale signée le 21 novembre 2013 avec l’État du Sénégal. Au niveau de la petite côte, la relance des activités touristiques a été orientée vers le renforcement de la sécurisation juridique des détenteurs de sous-baux de la SAPCO à Saly Portudal.

C’est ainsi que l’État du Sénégal a décidé de céder au prix de 5.000 francs le mètre carré ses terrains domaniaux de Saly-Portudal (département de Mbour) à leurs occupants (des hôtels, commerces, résidences…). La SAPCO avait attribué des sous-baux à ces bénéficiaires. Ces actes ne confèrent à leurs bénéficiaires qu’un droit d’usage.

La Direction de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation du Sol (DSCOS)

La DSCOS est une unité de la gendarmerie nationale qui a pour mission générale, la prévention et la lutte contre les occupations, les constructions et les lotissements irréguliers ainsi que la gestion du contentieux y afférent.

Elle est chargée, aux termes du décret n° 2007-868 du 7 Août 2007, de veiller aux respects des lois et règlements en matière d’urbanisme et d’occupation des sols30.

Elle constate toute infraction relative à l’occupation du sol que ce soit du domaine national, du domaine public ou du domaine privé de l’État.

L’inscription « arrêt DSCOS » stoppe toute activité sur un chantier en attendant que les services compétents se prononcent. Cet organe, par l’entremise de son directeur, siège désormais au niveau de la Commission de Contrôle des Opérations Domaniales (CCOD) depuis l’adoption du décret n°2020-1472 abrogeant et remplaçant le décret n° 89-001 du 03 janvier 1989 relatif à la composition de la CCOD.

En attendant qu’elle soit présente sur tout le territoire national, force est de constater que la DSCOS n’a pour le moment pas réduit le volume des litiges fonciers devant les Cours et Tribunaux (voir infra).

Le secteur foncier, avec le cadre juridique et institutionnel imparfait et les externalités négatives hypothéquant toute possibilité d’une bonne gestion, présente des dysfonctionnements multiples.

Le caractère multiforme des conflits

Plus de 90% des alertes que je reçois au quotidien sur les risques de conflits viennent du foncier… le foncier est une question qui fâche et est un principal facteur d’instabilité au niveau national, a déclaré le Président de la République, le 2 octobre 2019, au Centre International de Conférences Abdou Diouf à Diamniadio lors de la Conférence des Affaires Africaines (CAAF) de l’Union Internationale du Notariat (UINL) qui coïncidait avec le 31econgrès des Notaires d’Afrique.

Effectivement, les conflits fonciers sont multiples, divers et variés. Ils découlent en général d’une confrontation de prétentions opposées : prétentions fondées sur la légalité et prétentions fondées sur la légitimité mais aussi d’actes purement délictuels.

Les insuffisances notées dans le cadre juridique du foncier, combinées aux externalités négatives en rapport avec le foncier constituent les facteurs favorisants.

Conflits entre investisseurs privés et populations locales

Disposer d’un titre d’occupation légal d’un terrain et ne pas pouvoir en jouir du fait de l’opposition de populations estimant en être propriétaires, est un phénomène très présent un peu partout au Sénégal, surtout dans les régions de Dakar et de Thiès.

Par « titre d’occupation légal », il faut entendre un titre foncier, un bail, une délibération, une autorisation d’occuper ou d’exploiter, une concession d’un droit de superficie ou un permis d’occuper.

Sont nombreux les exemples où un investisseur privé se présente avec ce type de titre mais est dans l’impossibilité d’en jouir du fait de prétentions fondées sur la légitimité. Il en résulte des conflits que l’intervention de l’autorité judiciaire n’arrive très souvent pas à éteindre

Dans l’affaire communément appelée « Affaire Ndingler», un investisseur privé, était opposé aux populations de Ndingler et de Djilakh.

Affectataire auprès du Conseil rural de SINDIA d’une parcelle de 300 ha, l’investisseur a transformé les 225 ha 1a et 76 ca en titre foncier, après une immatriculation du terrain au nom de l’État et un bail établi en son nom. La délibération a eu lieu, le 5 novembre 2012 et a donné lieu au paiement de frais de bornage à hauteur de 30 millions de FCFA.

Voulant exploiter son périmètre, il s’en est suivi une bataille rangée entre une partie des populations de Ndingler et les agents de sécurité de l’entreprise de l’investisseur, au point que le Préfet de Mbour a été amené à prendre un arrêté portant suspension des travaux entamés par l’investisseur sur les terres de Ndingler.

Dans le même temps, des jeunes de Djilakh se sont joints au conflit en réclamant la restitution de 80 ha de leurs terres qui auraient été accaparés par la Commune Sindia et inclus dans le lot affecté à l’investisseur et l’annulation du titre foncier qui lui a été accordé. Les notables de Djilakh, par contre, affichent leur ferme soutien au projet de l’investisseur.

Pour eux, c’est Djilakh qui a donné son accord pour que ces terres fassent l’objet d’attribution. Cette situation montre la complexité de ce dossier.

Le Président de la République a dû s’impliquer en juillet 2020. Il a demandé à l’homme d’affaires la restitution de 80 hectares que le village de Ndingler réclame pour, au moins, permettre aux populations de cultiver leurs terres.

Ce dernier aurait accepté la proposition du Président de la République tout en précisant que ce n’est pas une expropriation, mais juste une entente avec le propriétaire du titre foncier.

Il s’agit d’une solution provisoire qui n’a pas du tout éteint le conflit.

Pour preuve, en mai 2021 des affrontements ont eu lieu à Ndingler entre les paysans partis désherber leurs champs en prélude à l’hivernage et des agents de sécurité de l’homme d’affaires. Il y a eu plusieurs blessés graves, évacués dans les structures sanitaires.

Des populations locales s’opposant à l’installation d’investisseurs privés, on en rencontre partout dans les zones qui constituent le champ de la présente étude. De Thiès à Dakar en passant par le département de Mbour.

  • A Thiès, plus précisément à Keur Moussa, un litige foncier a opposé la Société FILFILI à plus d’une centaine de ménages du village de Keur Moussa. Ladite société détient un titre foncier sur des terres exploitées depuis plusieurs générations par les populations autochtones. Il y eut une décision du parquet de Thiès demandant l’arrestation de tous les occupants sans titre. Cela n’a pas éteint le conflit. Il est aujourd’hui question de demander à la société FILFILI de renoncer à ses prétentions sur ces terres moyennant l’attribution d’autres terres.

Toujours à Thiès mais cette fois-ci dans le département de Tivaouane, le projet d’exploitation de phosphate dans la zone de Bégal par G-PHOS a rencontré l’hostilité des populations qui se sont farouchement opposées à l’occupation de leurs terres et à la réduction de leurs activités économiques.

C’est pourtant le décret n°2019-113 du 16 janvier 2019 qui a accordé un permis d’exploitation pour phosphate de chaux et substances connexes à la Société G-PHOS SA sur le périmètre dénommé « Bégal » dans la région de Thiès.

On en est à une tentative de concertation avec les populations pour la poursuite des activités du projet.

  • Toujours à Thiès, il est à noter le conflit ayant opposé les Communes de Ngoundiane et Tassette (Arrondissement de Notto), suite à l’affectation de 40 ha à une entreprise d’exploitation d’une carrière de Basalte. Il a fallu la saisine de l’Agence Nationale de l’Aménagement du Territoire -ANAT- qui a confirmé l’appartenance du site en question à la Commune de Ngoundiane. Des difficultés dans l’identification des limites entre les deux Communes sont à la base du conflit. D’où, la nécessité d’une intervention de l’ANAT pour une détermination et une matérialisation desdites limites sur l’ensemble du territoire national.
  • A Thiès ouest, il y a eu occupation par des populations d’un site sur lequel la SOPRIM dispose d’un titre de propriété. Il y a eu une décision de justice reconnaissant à la SOPRIM ses droits sur le site et ordonnant l’expulsion de tous les occupants. Elle a cependant eu du mal à être exécutée. Pour éviter la solution de force, l’administration a procédé à un recensement des occupants et fait deux propositions : soit inclure les occupants dans le processus de régularisation en cours actuellement concernant les occupants de la forêt classée de Thiès ; soit trouver une assiette de substitution au profit de la SOPRIM et régulariser les occupants.
  • A Keur Massar a éclaté un conflit entre le collectif des habitants du quartier Diokoul El Hadji Pathé et la dame Anta NDIAYE, propriétaire d’une parcelle dans ledit quartier. A l’entame des travaux de construction sur la parcelle, le collectif s’oppose aux travaux en arguant que la parcelle serait située au niveau de la principale voie d’accès du quartier. Cette querelle n’aurait jamais existé si le lotissement de ce quartier était régulier et conforme aux dispositions du Code de l’Urbanisme. Ce sont les populations elles-mêmes qui avaient aménagé la ruelle obstruée comme voie de passage.

La parcelle, contrairement aux allégations du collectif, ne se situant pas sur la voie principale d’accès au quartier, il a été demandé au collectif de respecter les droits de la dame qui est propriétaire au même titre que les autres habitants.

Conflits résultant d’opérations de déclassement.

Il peut s’agir d’un déclassement d’une dépendance du domaine public ou de celui d’une zone classée.

Le domaine public est constitué des biens de l’État qui, en raison de leur nature ou de la destination qui leur est donnée, ne sont pas susceptibles d’appropriation privée. Dans un souci de protection, il est régi par les principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité.

Nul ne peut l’occuper s’il ne dispose d’une permission de voirie, d’une autorisation d’occuper, d’une concession ou d’une autorisation d’exploitation.

C’est ce même souci de protection qui justifie la gestion centralisée des terres des zones classées du domaine national considérées comme des réserves foncières permanentes gelées pour des raisons environnementales.

Le législateur sénégalais a pourtant prévu une dérogation à ce principe de protection à travers la possibilité de déclassement qui a pour effet de soustraire du domaine public ou d’une zone classée un périmètre.

Chaque fois que l’État a utilisé cette dérogation, il s’en est suivi des contestations surtout si l’État consent des baux ou procède à des ventes sur ces espaces extraits du domaine public. Il en est ainsi parce que l’État ne respecte pas toujours les conditions du déclassement.

En ce qui concerne le déclassement d’une dépendance d’une zone classée, il doit intervenir sous certaines conditions.

Par exemple, aux termes de l’article 27 al 2 de la loi n° 2018-15 du 12 novembre 2018 portant code forestier, le déclassement d’une terre à vocation forestière ne devrait intervenir que pour un motif d’intérêt général ou de transfert des responsabilités de l’État en matière de gestion forestière au profit d’une collectivité territoriale qui garantit la pérennité de la forêt.

Le respect de cette condition liée à l’intérêt général est très souvent objet de contestations et de conflits.

A Thiès Notto, un contrat de culture de 350 ha dans la forêt classée a été consenti au profit de la municipalité de Tassette. Les populations s’y opposent farouchement car y voyant une manière détournée de s’approprier la forêt classée.

L’État a dû demander au Maire de suspendre l’exécution des travaux et de mener une large sensibilisation des populations pour une bonne appropriation du projet et sa mise en oeuvre dans un climat serein et apaisé.

Le conflit ayant opposé les héritiers de Feu Serigne Saliou MBACKE à la Société DANGOTE Industries SA provient d’une opération de déclassement d’une forêt classée : celle de POUT.

Ce conflit a été tranché par le tribunal régional de Thiès (voir jugement n° 852 du 20 juin 2011).

Le jugement a fait l’objet d’un appel (voir l’arrêt n° 276 du 17 juillet 2012 de la Cour d’Appel de Dakar) et il y eut un pourvoi en cassation (voir l’arrêt n° 69 du 21 août 2013 de la Cour suprême).

Ce qu’il convient de retenir, c’est que les forêts déclassées, lorsqu’elles ne sont pas intégrées au domaine public et ne sont pas immatriculées, relèvent du domaine national dont elles doivent suivre le régime juridique quant à leurs modalités d’affectation et de désaffectation.

A Mbour, un conflit a opposé les populations refusant catégoriquement le lotissement d’un site sis dans la zone de la langue de Mballing par la Société Immobilière d’Habitat Moderne (SIHAM).

C’est par un décret qu’une partie du domaine public maritime a été affectée à la société après une opération de déclassement.

En dépit de l’existence des droits réels au détenteur de ce titre, la résistance a été telle que le Préfet, à travers l’arrêté n° 18-118 du 29 juin 2018, a dû suspendre les travaux d’aménagement du site.

Le conflit lié au déclassement de 236 ha de la forêt classée de Bandia et leur affectation aux Ciments du Sahel a abouti en justice en 2020. Les populations contestent le principe même de l’ouverture d’une carrière dans une zone de production agropastorale. La Cour suprême a ordonné le gel de toute activité sur les lieux.

Conflits résultant d’opérations d’expropriation ou d’immatriculation au nom de l’État

L’expropriation pour cause d’utilité publique, c’est la procédure par laquelle l’État peut, dans un but d’utilité publique et sous réserve d’une juste et préalable indemnité, contraindre toute personne à lui céder la propriété d’un immeuble ou d’un droit immobilier.

Cette procédure permet à l’État de forcer un propriétaire à lui céder son bien contre son gré.

L’immatriculation au nom de l’État, c’est la procédure par laquelle, l’État fait d’une parcelle du domaine national un élément de son domaine privé. Elle est plus ou moins aisée selon la situation de la terre.

Dans la zone des terroirs et dans les portions affectées des zones pionnières, l’immatriculation est subordonnée au caractère d’utilité publique de l’opération projetée.

Au niveau des terres considérées comme réserves foncières (zones classées, zones pionnières et urbaines non affectées), la procédure administrative est réduite au minimum puisque l’État a la possibilité d’immatriculer sans aucune formalité préalable.

L’immense majorité des conflits liés aux opérations d’expropriation ou d’immatriculation pour cause d’utilité publique découle d’une part, de la contestation des victimes potentielles de ces opérations qui contestent leur dépossession et d’autre part, et dans la majorité des cas, de l’inobservation, par l’État, des conditions légales prévues pour la réalisation de ces opérations : déclaration d’utilité publique, déclaration de cessibilité, tentative de conciliation, indemnisation juste et préalable, paiement des impenses

Dans le conflit ayant opposé la Société Invest HOLDING KEBE S.A à l’État du Sénégal, la Cour d’appel de Dakar dans sa décision du 21 juin 2012 31considère que, parce que l’État du Sénégal n’a pas satisfait à l’exigence légale de respect de la procédure prévue par la loi de 1976, il doit être débouté de toutes ses demandes.

Le tribunal l’avait condamné à payer à la défenderesse la somme de 3. 316. 500. 000 F CFA pour appropriation procédant de voie de fait.

Dans le litige foncier ayant opposé la Commune de Dieuppeul Derklé à Monsieur Mor DIAGNE et à l’Association Entente pour la Sauvegarde du terrain de Castor, c’est la lenteur dans la mise en oeuvre de la procédure d’ECUP (référence à la lettre 7410/MEF/MDB/CT/MMD du 20 juillet 2017) qui a été indexée.

Plus précisément, c’est le retard dans le paiement de l’indemnisation due aux détenteurs de titres de propriété qui a fait naitre le conflit.

Le conflit ayant opposé en Août 2020 l’État du Sénégal aux populations de Tobène, une localité située dans la commune de Méouane (département de Tivaouane), est consécutive à une mise à disposition de terres de la localité aux Industries Chimiques du Sénégal –ICS-. Les populations ont estimé que ces terres sont « leur seule source de subsistance et de gagne-pain ».

Elles contestent le fait qu’il n’y ait pas eu une consultation et des discussions autour de leur indemnisation.

Elles réclament « un barème d’indemnisation qui sera à la hauteur des dégâts collatéraux causés par la perte de jouissance de leurs terres. Le soulèvement des populations a entrainé des arrestations32 et un déplacement du Ministre de l’Intérieur de l’époque33 qui a beaucoup contribué à faire baisser la tension.

Dans son discours, le Ministre a rappelé la nécessité d’actualiser le texte qui régit le barème national qui date de 1974 et par conséquent, les populations doivent être appelées à une concertation sérieuse sur la question des indemnisations.

Des conflits résultant d’un problème de délimitation

Ce type de conflits se rencontre rarement dans le département de Dakar du fait que les limites entre communes correspondent pour la plupart à des voies de communications précises et facilement identifiables sur le terrain. Par contre dans la région de Thiès, ils sont monnaie courante.

A Mbour, la commune de SOMONE est confrontée à une série de conflits ayant, tous, pour origine, un problème de délimitation. Devenue commune en 2008, SOMONE est victime de l’imprécision du décret de création de 2008 à propos de ses limites (le décret dit : SOMONE est limité, au sud par la commune de NGAPAROU et, à l’est par la Commune de NGUEKOKH).

Au-delà des conflits que cette imprécision fait naître entre, SOMONE et NGAPAROU d’une part, et SOMONE et NGUEKHOKH, d’autre part, elle a des répercussions négatives sur la situation des populations se trouvant sur les bandes de terre litigieuses, qui ne savent pas exactement de quelle commune, elles dépendent.

A Thiès, un conflit a opposé les communes de Fandène et de Thiénaba (la Commune de Thiénaba a adopté une délibération de 40 ha au profit d’un privé sur des terres que les populations de Fandène considèrent comme leur propriété).

La même commune de Fandène et la ville de Thiès se disputent encore un site sur lequel chacune des deux Collectivités a prévu un lotissement (voir infra, p.33).

A Thiès est, il y a un litige dans la zone située à cheval entre Keur Dago et Fahu.

Cette zone est revendiquée à la fois par des populations détentrices d’actes remis par la SN HLM d’une part, et d’autre part, les exploitants des terres qui s’opposent aux constructions. L’affaire a été portée en justice. En attendant l’issue judiciaire, la DSCOS a arrêté les travaux de construction entamés dans la zone sans autorisation.

A Thiès nord, c’est un lotissement (celui dit « THIAPONG ») déjà autorisé depuis 2014 qui tarde à être finalisé du fait de fortes divergences entre la ville et la Commune de Thiès-Nord relativement à la Collectivité compétente pour présider la commission d’attribution des parcelles, fixant répartition du patrimoine.

Cette léthargie a été mise à profit par les anciens propriétaires des champs qui, devant le blocage du dossier, ont commencé à réoccuper le site. Il en a résulté un conflit avec un soubassement politique certain.

Conflits résultant de la pratique des lotissements

Aux termes de l’article 41 de la loi n° 2008-43 portant Code de l’urbanisme, constitue un lotissement, l’opération ayant pour effet l’aménagement, l’équipement et la division en lots d’une ou plusieurs propriétés foncières pour la vente ou la mutation à titre gratuit ou la location.

Les lotissements sont en général entrepris en vue de la réalisation de logements.

Le Code de l’urbanisme prévoit qu’ils peuvent également être entrepris soit en vue de l’implantation d’établissements industriels, artisanaux, commerciaux ou touristiques soit en vue de la création de jardins, de zones de cultures maraîchères et pépinières.

Quel que soit l’objet pour lequel, il est entrepris, la création d’un lotissement est soumise à autorisation administrative.

Celle-ci est délivrée par le Ministre chargé de l’Urbanisme, après avis de la Collectivité concernée au propriétaire du terrain ou à son mandataire et surtout, après instruction par les services techniques compétents de l’État.

L’immense majorité des conflits tournant autour de la problématique des lotissements découle de l’inobservation des prescriptions du Code l’Urbanisme.

Les lotissements sont entrepris sans autorisation de lotir. Or, c’est cette autorisation qui atteste de la régularité du lotissement, de sa conformité aux prescriptions du plan d’urbanisme en vigueur dans la zone34.

La demande d’autorisation de lotir est signée par le propriétaire ou par son mandataire. Elle comporte un dossier comprenant un certain nombre de documents35.

L’autorisation est refusée si le terrain est impropre à l’habitation, notamment si le terrain est exposé à un risque naturel tel que : inondation, érosion, affaissement, éboulement, et si le lotissement n’est pas conforme aux dispositions du plan d’urbanisme en vigueur dans le périmètre où se trouve le terrain à lotir ou si le terrain est classé aire protégée ou zone de protection spéciale en raison de son intérêt écologique.

Elle peut être refusée ou n’être accordée que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales, si le lotissement est de nature à porter atteinte à la salubrité publique ou s’il implique la réalisation par la collectivité locale ou l’État d’équipements nouveaux non prévus.

La réalisation d’un lotissement sans autorisation préalable ou le non- respect des prescriptions édictées par l’autorisation de lotir sont passibles d’une amende de 5 000 000) à 20 000 000 de francs et d’un emprisonnement de six mois à deux ans ou de l’une de ces deux peines seulement aux termes de l’article 80 du code de l’urbanisme.

Les géomètres, entrepreneurs ou toutes autres personnes ayant concouru à l’exécution et à la commercialisation dudit lotissement sont passibles des mêmes peines. L’action en nullité des ventes ou locations concernent les terrains compris dans ce lotissement est poursuivie devant le tribunal par l’autorité administrative, les acquéreurs ou les locataires sans préjudice de tous dommages et intérêts et restitutions.

Beaucoup de Maires ignorent ou font semblant d’ignorer que le préalable au lotissement d’un terrain du domaine national, c’est l’immatriculation au nom de l’État. Cette immatriculation fait entrer le terrain dans le domaine privé de l’État.

Une fois que le lotissement est réalisé, le Maire a un rôle important à jouer dans la répartition des parcelles aux demandeurs.

Beaucoup de conflits viennent du fait que des Maires réalisent des lotissements, distribuent des parcelles sans autorisation préalable et, après, courent derrière une régularisation.

Les litiges n’ont pas épargné le lotissement dénommé cité ASPROMET (10 ha 13 a et 43 ca) de la Commune de Fandène à Thiès, celui de Nguinth-Thionakh toujours à Thiès (contestation du nombre de parcelles attribuées aux occupants déguerpis de la zone). Le partage de la compétence en matière de délivrance de l’autorisation de construire.

Aux termes de l’article R 195 du décret n° 2009- 1450 du 30 décembre 2009 portant partie règlementaire du code de l’urbanisme, « nul ne peut entreprendre une construction de quelque nature que ce soit, ou apporter des modifications à des constructions existantes sur le territoire des communes sans autorisation administrative ».

Pour obtenir cette autorisation, le dossier passe obligatoirement par les Collectivités territoriales et les autorités centrales.

Cette obligation s’impose aussi bien aux personnes publiques qu’aux personnes privées. Toutefois, pour les services publics et concessionnaires de services publics de l’État, cette autorisation administrative obligatoire est accordée par le Ministre chargé de l’Urbanisme.

La demande est déposée à la Collectivité territoriale.

Le Maire fait procéder à l’instruction du dossier par le service de l’Urbanisme. L’autorisation de construire est délivrée par arrêté du Maire. La décision doit être notifiée au demandeur dans le délai de vingt -huit jours calendaires pour les dossiers ordinaires et quarante jours calendaires pour les dossiers complexes, à compter de la date du dépôt de la demande.

Dans le cas où la décision n’a pas été notifiée dans les délais prévus, le demandeur peut saisir l’autorité compétente par lettre recommandée avec avis de réception postal.

Faute par l’autorité compétente de notifier sa décision dans le délai de trente jours, l’autorisation de construire est réputée accordée pour les travaux décrits dans la demande.

Dans ce cas, à la demande du requérant, le représentant de l’État territorialement compétent est autorisé, depuis la signature du Décret n° 2020-1463 complétant l’article R 207 du décret n° 2009- 1450, à signer et à délivrer, sous huitaine, l’arrêté portant autorisation.

Le partage de la compétence en matière de délivrance de l’autorisation de construire est non seulement un risque de conflits mais aussi de corruption et de dilution de la responsabilité dans certains cas.

Par exemple : alors que les textes disent clairement que pour certains travaux, il faut recourir au service d’un architecte, combien sont-elles les constructions édifiées sans l’intervention d’un architecte ?

Les lenteurs excessives dues à la multiplicité des intervenants dans la gestion du domaine privé de l’État.

La procédure d’instruction des demandes d’attribution des dépendances du domaine privé de l’État, est longue car faisant intervenir plusieurs services de l’administration sans l’avis positif desquels, la procédure ne pourrait aboutir favorablement. Elle est également longue car aucun service n’a un délai d’instruction bien déterminé à respecter.

La procédure est entamée à la suite de la demande écrite de l’intéressé qui prend l’initiative, en saisissant le Chef de Bureau des Domaines compétent et en précisant l’objet de la demande.

S’il s’agit d’une demande de régularisation par voie de bail, la requête doit être accompagnée d’un extrait de plan délivré par un géomètre expert inscrit au tableau de l’ordre ou par le service du cadastre territorialement compétent. Le plan fera ressortir la situation géographique et la superficie de la parcelle et, le cas échéant, son numéro de lot ou de NICAD.

Le Chef du Bureau des Domaines compétent adresse deux (02) correspondances aux services techniques : l’une au Cadastre et l’autre à l’Urbanisme pour avis et observations. Le service du Cadastre doit préciser la situation foncière du terrain (superficie graphique et nature juridique).

Deux cas de figure peuvent se présenter : « avis favorable » ou « défavorable ».

– En cas « d’avis favorable », accompagné d’un plan visé (qui peut être différent de celui déposé par l’intéressé), l’instruction se poursuit.

– Dans le cas contraire, le rejet est motivé. Les principaux motifs de rejet sont les suivants : (i) le terrain appartient à une personne de droit privé, (ii) le terrain est occupé /exploité par une personne autre que le requérant ; (iii) le terrain est situé dans une zone classée, dans une emprise réservée à la voirie, à un équipement, etc. ; ou a déjà fait l’objet de déclaration d’utilité publique.

Le service de l’urbanisme est consulté pour vérifier la conformité du projet ou de l’usage du terrain avec l’orientation du plan d’urbanisme du secteur concerné. Son avis ‘’favorable’’ ou ‘’défavorable’’ dicte la suite de la procédure comme dans le cadre de la consultation du Cadastre.

Le rejet, éventuel, doit être motivé et notifié à l’intéressé.

Il convient de signaler que ces deux services techniques (cadastre et urbanisme) doivent se rendre sur le terrain, de même que le Chef de Bureau des Domaines compétent.

L’avis d’autres services techniques peut être sollicité. C’est en fonction de la nature du projet que le Chef de Bureau des Domaines sollicite les autres structures. (Tourisme, Environnement, Protection civile, Eaux et Forêts, etc.).

Quelle que soit la situation géographique du terrain sollicité, la Commission de contrôle des opérations domaniales -CCOD- est saisie pour donner son avis sur l’opportunité, la régularité et les conditions financières du projet.

Il y a là, à travers cette procédure parsemée d’embûches, un terreau fertile à la corruption.

En dehors de ces pratiques favorisant la corruption, il existe des comportements, actes ou autres pratiques qui résultent tout simplement du non-respect de la réglementation formelle et qui favorisent la fraude ou constituent des actes de fraude en matière foncière.

Il en est ainsi :

1- Du non-respect des critères légaux d’accès aux terres du domaine national ;

2- de la non-observance des conditions de la désaffectation des terres du DN ;

3- de l’absence de sanctions sévères contre les violations de l’article 423 du code pénal ;

4- de la création volontaire de doublon sur l’acte d’attribution ou d’affectation ;

5- de la falsification volontaire de documents graphiques fonciers sur une petite parcelle ou grande assiette (lotissement), par :

  1. la modification de la forme de la parcelle ou du lotissement ;
  2. la modification de la taille (l’augmentation ou la diminution) de la parcelle ou du lotissement ;
  3. la modification du plan de situation par la modification de son numéro de lot ;
  4. la création volontaire de deux NICAD pour une même parcelle.
  5. 6- de l’attribution de réserves d’équipements collectifs dans le cas d’un lotissement autorisé à une personne ou groupe de personnes non destinataires ;
  6. 7- de l’attribution ou affectation d’une parcelle de terrain pour un usage non conforme à la destination de la zone (Zones non aedificandi ou forêts classées) ;
  7. 8- de l’émission par les services techniques d’un avis non conforme ayant généré la délivrance d’un acte d’attribution ou de propriété source de litige entre deux tiers ou entre un tiers et l’Administration.
  8. 9- de l’attribution volontaire et simultanée d’une seule et unique parcelle à deux (02), voire trois (03) personnes différentes ;
  9. 10- de l’attribution à caractère définitif d’un terrain mis sous curatelle ;
  10. 11- de l’augmentation illicite de superficie de l’assiette de terrain impacté dans le cadre d’une procédure d’expropriation pour une cause d’utilité publique ;
  11. 12- de l’instruction illégale de dossiers de demandes d’autorisation de construire ou de lotissement dont les pièces sont incomplètes ;
  12. 13- des émissions d’avis techniques non conformes, dans le cadre de l’instruction d’un dossier de demande d’autorisation de construire ou de lotir ou demande d’attribution ;
  13. 14- de la délivrance d’un certificat d’urbanisme contenant de fausses informations au profit de quelqu’un ;
  14. 15- de la délivrance d’un certificat de conformité pour une construction ou d’un certificat de réception pour un lotissement non conforme aux plans autorisés.

La Commission de Contrôle des Opérations domaniales (CCOD) : un organe à repenser

Les griefs contre cette instance sur laquelle le législateur de 1976 comptait beaucoup sont nombreux et variés. Sont pointés du doigt : sa configuration actuelle (elle regroupe, sous la présidence du représentant du Ministre chargé des domaines huit autres Directeurs nationaux concernés par le foncier), la périodicité de ses réunions (une indétermination), sa centralisation, etc.

La réforme de la CCOD est une nécessité.

Les changements attendus de cette instance dépassent de loin ce qui a été fait à travers le décret n°2020-1472 du 17 juin 2020, abrogeant et remplaçant le décret n°89-001 du 3 janvier 1989 relatif à la composition de la Commission de Contrôle des Opérations Domaniales (intégration du Directeur de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation des Sols comme membre et changement de la dénomination de certaines structures).

C’est presque une aberration, dans le contexte de décentralisation et de déconcentration du Sénégal, que ce soit cette instance, siégeant à Dakar, qui doive donner son avis sur l’opportunité et les conditions financières de tout projet intéressant le domaine de l’État et des collectivités publiques.

Il y a lieu d’aller vers une déconcentration de cet organe central de gestion du domaine privé de l’État. Cette déconcentration pourrait s’opérer :

  • Par la mise en place d’une Commission Nationale de Contrôle des Opérations Domaniales (CNCOD) présidée par le représentant du Ministère en charge des finances avec la même composition qu’actuellement.
  • Cet organe pourrait entre autres, se voir confier les attributions suivantes : – les opérations foncières d’utilité publique telles que les expropriations ;
  • – les acquisitions d’immeubles par l’État ;
  • – les demandes de régularisations ou d’attributions de terres d’une superficie supérieure à 1 hectare.
  • _ Par la mise en place de Commissions Régionales de Contrôle des Opérations domaniales (CRCOD) présidées par le Chef de Centre des services fiscaux du lieu de situation des immeubles.
  • Ces organes auraient les compétences suivantes :
  • – les lotissements ;
  • – les demandes de régularisations ou d’attributions de terres d’une superficie inférieure à 1 hectare ;
  • – les demandes de cession définitive des parcelles à usage d’habitation et des parcelles à usage commercial et industriel inférieures à 1 hectare.

SOURCE : Consortium pour la Recherche Économique et Social (CRES)

RAPPORT REALISE PAR

Pr Abdoulaye DIEYE

Ibrahima NDOYE, Magistrat à la retraite

Pr Abdoulaye SAKHO

Pr Abdoulaye DIAGNE

dakartimes

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