L’art c’est de l’économie, c’est aussi du Droit. L’art, ce sont les artistes, ce sont aussi d’autres acteurs qui gravitent autour. L’art, c’est tout ça parce que c’est un écosystème. Synergie, alors !

C’est un homme ou une femme, la tête dans les nuages. Peut-être qui peint clope à la main et qui se gave de café. Quelqu’un à part et hors circuit social : un marginal. «C’est un artiste», dit-on souvent pour se dédouaner de le prendre au sérieux.

Et l’art est pourtant sérieux. Ce ne sont pas simplement, par exemple, des couleurs mariées à des formes pour faire émerger d’un esprit un peu je-m’en-foutiste, une toile devant laquelle on s’extasiera.

Ce sont des chiffres aussi. L’art pour l’art ? On n’est pas Théophile Gautier.

L’art, c’est un circuit économique, des chiffres, de l’argent, un marché. Tous sont d’accord pour le dire. Tous, celles et ceux présents à La Maison Hapsatou Sy ce 6 avril et qui réfléchissaient sur la question. La question est artistique, économique et juridique. Alors, «il appartient d’abord aux artistes d’avoir conscience de cette situation, de leur force et de ce qu’ils représentent sur le plan économique.

Et à partir de cette prise de conscience, de bien vouloir eux-mêmes commencer par structurer leur pratique».

La précédente idée est de Sylvain Sankalé. Structurer, précise-t-il, «l’aspect économique et commercial». L’artiste, lui, est naturellement consumé par des éclairs internes qu’il s’attelle à retranscrire au dehors. Et le concernant, c’est cela «structurer» : donner forme à l’informe. C’est ce qui fera dire à M. Sankalé que la structuration commerciale et économique est le rôle d’autres professionnels.

Il ajoute «qu’il faudrait aussi développer tous les professionnels qui gravitent autour du monde de l’art.

Et à partir de là, si on arrive à avoir une relation saine entre les artistes et ceux qui sont supposés collaborer avec eux et pour eux, on va pouvoir développer un certain nombre d’activités».

A défaut de mécénat, Sylvain Sankalé fera savoir que parallèlement aux enseignements en Droit qu’il dispense à l’Institut supérieur des arts et cultures, il donne gracieusement ses conseils aux artistes pour ce qui est des contrats : mise en place de galeries ou d’agences, l’organisation d’événements, entre autres. Son insistance sur l’aspect Droit lorsqu’il s’agit de l’art et des artistes, est pour que ces derniers «aient conscience de ce que le Droit existe et que c’est le principal levier qui permet d’avoir une relation économique, une relation juridique qui permet de protéger le droit des uns et des autres».

L’Etat, le maillon central… ou pas
L’artiste Djibril Dramé était juste à côté du sieur qui parlait Droit. Il a confirmé cette nécessité juridique pour un lendemain économique meilleur. Mieux : il est de ceux-là qui ont pris le réflexe de transférer au sieur les mails une fois les contrats reçus.

M. Dramé dira : «L’artiste est l’auteur des œuvres et le commissaire, c’est l’auteur de l’exposition.» Une manière pour lui de signifier que c’est une question d’écosystème, et dont le développement nécessite la synergie des acteurs.

La Maison, qui se dit «afrophile», et dans la perspective de mettre en valeur les industries culturelles et créatives, aura ainsi bien entamé sa mission d’acteur, qui a un rôle à jouer dans la synergie voulue, en offrant un espace de discussion. Les espaces de discussion étant une chose, ceux d’enseignement en sont une autre. Et qui est d’une importance capitale.

«L’Etat forme des pharmaciens, des avocats.

Il forme des médecins, mais on n’a pas d’école pour former les artistes.» C’est le designer Bibi Seck qui a ainsi entamé ses propos lors des discussions, pour rappeler combien important est le rôle de l’Etat. «On veut construire ce pays», mais, dit-il, «l’Etat ne forme pas d’architectes». «On veut concevoir des meubles urbains», mais, regrette-t-il, «l’Etat ne forme pas de designers».

Ce qui fait office d’Ecole nationale des arts, continue de dénoncer le designer, se résume à des appartements où il manque de tout.

L’Etat, encore lui et toujours l’Etat, qui doit beaucoup, mais qui ne fait visiblement que peu, selon ce qui s’entendra de Bibi Seck. On est d’accord avec lui dans l’assistance et, on ne l’est pas aussi. Selon une autre voix qui s’est exprimée chez Hap­satou Sy, les écoles devraient être pensées en sollicitant des bailleurs de fonds, pour ainsi ne pas tout reposer sur le dos de l’Etat.

A l’américaine quoi. Les States, rappellera Sylvain Sankalé, qui n’ont pas de ministère de la Culture et dont le modèle incite aux initiatives des privés.

Approche entrepreneuriale ! Ladite approche sera vantée, notamment par Reine Bassène qui, de même que Djibril Dramé, magnifiera la démarche du sous-écosystème du graffiti qui montre un exemple aussi bien de structuration que d’entrepreneuriat.

Pour sa part, Hapsatou Sy, au moment de lancer les débats dans La Maison, a plaidé «la rencontre des savoir-faire» dans cet espace qui va faciliter la rencontre d’artistes et entrepreneurs culturels locaux, et ceux d’autres horizons.

Lequotidien

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