Le Musée de la femme Henriette Bathily de la Place du Souvenir africain de Dakar a accueilli vendredi soir, l’ouverture de la première édition de «Jotaay ji», le festival féministe sénégalais. L’évènement, qui avait pour but de remettre l’égalité entre les hommes et les femmes au cœur des préoccupations sociales, a connu son clap de fin hier.

Pendant trois jours, du 19 au 21 août 2022, le Musée de la femme Henriette Bathily a vécu au rythme de la première édition de Jotaay ji, le festival féministe sénégalais. Organisé par le collectif Jama, Jotaay ji, cet évènement «innovant» a rassemblé des sociologues, journalistes, juristes, activistes, féministes et écrivaines, dans le but de remettre la question de l’égalité entre les femmes et les hommes au cœur des préoccupations sociales, mais aussi d’aider à vulgariser les connaissances sur le féminisme. Durant l’ouverture, vendredi dernier, dans une salle remplie, les violences sexistes, la question du consentement, la parité, la santé et la sexualité ainsi que la religion et le féminisme, en somme tout ce qui fait la condition de la femme, ont été abordées. Autre moment fort de cette cérémonie d’ouverture, le vibrant hommage rendu à Co­dou Bop, sociologue et deuxième génération de journalistes féministes, par ailleurs membre de différents groupes de femmes et consultante pour des organisations internationales.

Pendant trois jours, les membres du collectif et leurs partenaires ont proposé une programmation festive et artistique pour éduquer petit.e.s et grand.e.s au féminisme, au respect de l’égalité ainsi qu’à des sujets qui touchent majoritairement les femmes au Sénégal, mais aussi et surtout déconstruire les stéréotypes sexistes et créer des liens entre féministes. Avec des tables rondes, ateliers, projections… Bref, une programmation pluridisciplinaire et des réflexions fortes ont été proposées pour vivre la révolution féministe. «Tata Henriette Bathily aurait été très fière de vous, si elle était là», a introduit Awa Cheikh Diouf, directrice du Musée de la femme Henriette Bathily, lors de la cérémonie d’ouverture. D’après elle, beaucoup de femmes de médias sont aujourd’hui engagées dans le mouvement féministe. «Je crois que c’est en réalité un métier qui vous ouvre l’esprit et vous permet de comprendre énormément de choses», a-t-elle fait savoir.

Etablir des ponts avec les hommes qui sont des féministes…
En écho, Codou Bop, chercheure et féministe qui croit en la défense des droits des femmes, à l’égalité entre les femmes et les hommes, entre toutes les nations et générations, se dit absolument contre toute forme de discrimination sociale et de rapport social inégalitaire. Codou Bop n’a pas l’habitude de mâcher ses mots. Elle brise les stéréotypes surtout quand elle parle de féminisme. «Vous voyez, nous, dans notre génération de féministes, on n’était pas comme vous. Vous êtes bien habillées, vous avez les rouges à lèvres.

Je suis extrêmement impressionnée», a-t-elle lancé à l’endroit de la jeune génération féministe. Tout en les invitant à aller dans les industries minières, à Sabo­dala, et dans les marchés hebdomadaires communément appelés loumas. «Il faut y aller. Vous vous asseyez devant un puits parce qu’on cherche l’argent et l’or dans les puits. Les conditions de travail de ces femmes-là, personne ne peut vous les raconter», a-t-elle révélé. Elle animait un panel sur le concept de «pouvoir». Le pouvoir, dit-elle, c’est la possibilité de contrôler sa vie. Aujourd’hui, les contextes ont changé mais les objectifs du féminisme reste les mêmes : c’est d’instaurer une société d’égalité, sans discrimination, sans violence.

Et donc pour Codou Bop, «il faut que les femmes, si elles constituent le groupe qui a pris conscience le plus rapidement et le plus profondément, essayent d’établir des ponts, de faire des alliances si c’est possible avec des hommes qui sont des féministes pour changer notre société», a préconisé la sociologue, affirmant qu’elle n’a aucun mérite à être féministe. «Je suis née et j’ai grandi dans un milieu extrêmement ouvert. Donc le terrain était balisé. L’autre chance, j’ai connu Tata Annette. Bien sûr, on n’était pas de la même génération mais elle m’a ouvert l’esprit sur des tas de choses, mais surtout a eu confiance en moi», témoigne Codou Bop.

Réviser le Code de la famille pour plus d’égalité…
Membre fondatrice du collectif Jama, Jotaay ji, Fatou Kiné Diouf estime que dans les sociétés dites patriarcales, les droits des femmes sont bafoués parce qu’elles sont dans un rôle de soumission. «Tant qu’on est dans des sociétés patriarcales, les femmes ne seront pas mises au même niveau que les hommes», a soutenu Fatou Kiné Diouf. D’après elle, quand il s’agit de féminisme, c’est un combat sur le long terme. «A chaque fois qu’il y a une petite victoire, il y a d’autres combats derrière qui nous attendent», a rappelé la curatrice. Elle enchaîne : «Ces dernières années, on a beaucoup discuté des questions de violences basées sur le genre parce que c’était vraiment ce qui était mis en avant dans la sphère publique. Mais en ce moment, on a beaucoup de discussions sur le Code de la famille, sur la possibilité de le réviser pour plus d’égalité», a-t-elle renchéri dans la foulée.

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