Le clap d’ouverture de la 15e édition du Festival international du film documentaire de Saint-Louis (Stlouis’Docs) a été donné ce mardi sur la vaste esplanade de l’ancienne Place Faidherbe. «Mambar Pierrette», de la réalisatrice Camerounaise Rosine Mbakam, dresse le portrait de Pierrette, une femme singulière dont la force intérieure et le courage inspirant transcendent les obstacles de la vie quotidienne et transforment subtilement le destin de tous ceux qui l’entourent.

(Envoyé spécial à Saint-Louis) – Déconstruire le passé colonial pour trouver sa propre histoire, son propre rapport au cinéma, redonner la confiance qui a été brisé par la colonisation, c’est ce qu’offre la réalisatrice Camerounaise Rosine Mbakam à travers son film Mambar Pierrette. Projeté à l’ouverture de la 15e édition Stlouis’Docs, le film a entraîné les téléspectateurs dans les rues animées de Douala, où la couturière Mambar Pier­rette devient bien plus qu’une artisane de l’aiguille.

Dans le film, Pierrette subit plusieurs déboires coup sur coup à l’approche de la rentrée scolaire, période où elle travaille particulièrement dur.

En plus des commandes vestimentaires habituelles, elle confectionne les uniformes scolaires des enfants à temps pour la rentrée. Dès lors, ce revenu supplémentaire lui permet d’acheter des livres pour son fils, Duval. Avec une sérénité remarquable, elle fait les sacrifices nécessaires pour assurer aussi le bien-être de sa famille et se rend compte qu’elle est appréciée de ses amis et clients.

Mambar Pierrette est un film qui a su captiver aussi bien les professionnels du cinéma que les simples amateurs d’émotions authentiques.

En effet, à travers des interviews intimes et des moments de grâce cinématographiques, Rosine Mbakam tisse un portrait vibrant de Pierrette, cette femme singulière dont la force intérieure et le courage inspirant transcendent les obstacles de la vie quotidienne et transforment subtilement le destin de tous ceux qui l’entourent. «Il y a plusieurs objectifs derrière mon travail.

Déjà, de déconstruire le passé colonial pour trouver ma propre histoire, mon propre rapport au cinéma, et de dire qu’il est possible de faire un cinéma autrement», a expliqué Rosine Mbakam après la séance de projection.

Et avec son documentaire, elle s’efforce de rétablir la confiance brisée par des siècles d’oppression, en donnant une voix et une dignité à ceux qui ont été marginalisés par l’histoire. «Le film Mambar Pierrette, c’est surtout pour redonner la confiance qui était brisé par la colonisation, parce que je rappelle que Mambar Pierrette et les autres membres de ma famille pensaient que le cinéma était pour les gens exceptionnels. Mais par contre là, ce sont eux qui sont les gens exceptionnels dans ce film.

Et c’est aussi une manière pour moi de restituer par le biais du cinéma, une confiance qui a été brisée», a-t-elle souligné.

Et de poursuivre : «Dans notre contexte de vie en Afrique, mon travail vise aussi à déconstruire un passé colonial qui enferme nos histoires dans des moules qui ne nous appartiennent pas, des représentations de notre image d’une manière qui ne nous correspond pas du tout», a affirmé Rosine Mba­kam.

Un film militant…
En refusant de se limiter aux conventions du documentaire ou de la fiction, Rosine Mbakam laisse au public la liberté d’interpréter son œuvre. «Je ne sais pas comment définir ce film. Je sais que c’est une histoire, et je ne veux pas que ça soit absolument un documentaire ou une fiction. Je veux me libérer de tout ça pour pouvoir permettre aux gens que je filme de se reconnaître dans ce que je fais.

Alors, je laisse à chacun la liberté de le définir.

Par contre, ce que je sais : c’est que j’étais très libre quand j’écrivais cette histoire de Mambar Pierrette, et le reste vous appartient», a déclaré l’écrivaine-réalisatrice. Par ailleurs, l’héritage cinématographique du Sénégal, avec des figures emblématiques telles que Sembène Ousmane,

Djibril Diop Mambéty et Safy Faye, inspire profondément Rosine Mbakam dans sa propre pratique cinématographique.

«Je pense à Safy Faye quand je suis au Sénégal et je pense à la grandeur de son travail. Je veux juste que vous m’aidiez à l’acclamer un peu pour sa mémoire.

Je suis également très touchée parce qu’il y a un héritage cinématographique sénégalais qui m’inspire beaucoup : Sembène Ousmane, Dji­bril Diop Mambéty, et Safi Faye que j’adore. Je suis ravie de mettre mes pas sur leurs empreintes», a déclaré Rosine Mbakam, tout en se réjouissant d’être mise à l’honneur à Stlouis’Docs et surtout, dit-elle, «dans un pays comme le Sénégal».

Resistance et émancipation
D’une durée de 93 minutes, le film offre également une narration profonde, plongeant aussi les téléspectateurs au cœur des luttes et triomphes de Pierrette, offrant ainsi une méditation poignante sur la féminité, la résilience et l’émancipation. «Je me suis plongée dans ce film parce que je me reconnais là-dedans, étant native de la Casamance, parce que nous avons à peu près les mêmes modèles de vie et les mêmes manières de faire.

Et quand on sait que souvent, on n’est pas dans des maisons qui vous donnent la possibilité de vous protéger de la pluie, quand on doit se battre aussi pour élever ses enfants, quand le mari aussi n’est pas là, ce sont beaucoup d’émotions, et de dire qu’il ne faut jamais attendre tout de son mari.

Il faut savoir se débrouiller, se battre, et à force d’abnégation, on finit toujours par gagner sa vie et être sous le feu des des projecteurs», témoigne, pour sa part, le directeur du Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuelle (Fopica), Aliou Kébé Badiane, qui ajoute que Rosine Mbakam a réalisé un excellent film qui met également en lumière une autre dame battante, endurante et résiliente : Mambar Pierrette.

«C’était un excellent film.

Et c’est toujours un bonheur de voir une dame réaliser un film qui porte aussi à l’écran une autre grande dame comme personnage principal», explique M. Badiane. Après la séance, lors d’une discussion animée avec la réalisatrice, le public a exprimé son admiration pour la puissance évocatrice du film.

Lequotidien

Part.
Laisser Une Réponse

Exit mobile version