1m90 pour plus de 150 kilos. Ces caractéristiques dignes d’un sumotori sont celles de lutteur sénégalais des années 50 à 60 : Fodé Doussouba. Devoir de mémoire d’un champion d’un oublié du panthéon sénégalais.
Le débat concernant le titre du meilleur lutteur de tous les temps fait rage.
Une reconnaissance qui peut s’avérer compliquée au vu des nombreux champions que l’arène sénégalaise a connus. Mais, si on essayait de se jeter à l’eau et d’attribuer ce titre à un lutteur, cette super couronne ne reviendrait pas à un champion des temps modernes.
Exit Balla Gaye 2, Yekini ou encore l’actuel roi des arènes Modou Lo.
Cette distinction reviendrait de droit à Fodé Doussouba. De son vrai nom Fodé Baldé, il est né à Sam Kénié dans la région de Kolda. Son nom de lutteur, « Doussouba », vient du patronyme de sa mère. Fodé Doussouba a marqué l’histoire de la lutte sénégalaise dès ses premiers pas dans l’arène en 1951.
Le natif de la région de Kolda s’est fait connaître en Gambie.
Son passage a été marqué par un affrontement mémorable avec Bécaye 1. Bien que Doussouba ait terrassé son adversaire, ce dernier aurait été plongé dans un coma de 24 heures.
À tel point que la puissance de ses coups était telle qu’on lui avait interdit de faire de la lutte avec frappe. Fodé Doussouba ne s’est pas contenté de conquérir la Gambie. Il a également laissé une empreinte indélébile en Guinée-Bissau avant de s’installer définitivement au Sénégal en décembre 1958.
À Kaolack, il a étoffé son palmarès en remportant plusieurs combats.
Fodé Doussouba était un véritable mastodonte. Mesurant 1m90 pour 150 kilos, lors de son arrivée au Sénégal en 1958, le lutteur originaire du Fouladou a rapidement conquis le cœur des amateurs de ce sport en impressionnant par sa force et son talent inégalé.
Il a été révélé par l’ancien Grand Serigne de Dakar, El Hadji Bassirou Mareme Diop. Pour la petite histoire, ce dignitaire dakarois était un grand promoteur.
Il est d’ailleurs le premier à avoir déboursé un montant de 1 000 000 de francs pour un combat au début des années 70.
Une somme qui peut paraître dérisoire au vu des cachets exorbitants dans l’arène sénégalaise.
Pour revenir à Fodé Doussouba, dès ses débuts, il a surclassé ses adversaires locaux. Demba Thiaw a été sa première victime. À son actif, ses proches dénombrent une centaine de combats pour 0 défaite ou presque.
Visiblement lassés de le voir gagner à chaque reprise et voulant mettre fin à sa suprématie, des personnes partent à l’extérieur du pays pour lui trouver un adversaire de taille.
Ces promoteurs décident alors de faire de nouveau appel à Demba Thiaw pour une revanche en 1959.
Selon plusieurs sources, il s’agit de l’unique défaite de Fodé Doussouba. Mais selon ses proches, durant le combat, Demba Thiaw se contentait de fuir. Et c’est en le pourchassant que Fodé Doussouba aurait trébuché et son genou aurait touché le sol.
Ce combat a aussi marqué les esprits par des faits surnaturels.
Durant leur confrontation, Demba Thiaw assure qu’il voyait trois Fodé Doussouba. Les accompagnateurs du lutteur de Yoff lui ont conseillé de faire face à celui de gauche. Un choix qui s’est avéré payant.
Ce qui faisait aussi la légende de Doussouba, c’était son don mystique.
On dit qu’il possédait une bague spéciale qui lui permettait de détecter et de déterrer les gris-gris enterrés par ses adversaires.
Surnommé « Fodé Kharal Photo », il avait une habitude singulière : faire appel à un photographe à chaque victoire pour immortaliser son triomphe. L’objectif de ce geste était d’avoir une preuve palpable de sa victoire sur ses adversaires afin qu’elle ne souffre d’aucune contradiction.
Pourtant, malgré ses exploits, Fodé Doussouba n’a pas reçu la reconnaissance qu’il méritait de la part des autorités sénégalaises.
Sa famille milite pour que l’arène nationale de Pikine porte son nom. À Pikine Darou Khoudoss, son fief, la seule réalisation en son honneur est un dessin sur le mur d’une salle de sport. Très peu pour un champion de cette envergure.
Mais derrière la légende se cache une réalité moins glorieuse.
Fodé Doussouba a laissé derrière lui une progéniture de 15 enfants vivant dans des conditions difficiles. Malgré l’oubli de l’État, sa famille se bat pour perpétuer la mémoire de ce champion inégalé de la lutte sénégalaise.
À l’inverse de Double Less, père de Balla Gaye 2, de Sa Thies, ou encore de son frère Falaye Baldé, père de Ama Baldé, Fodé Doussouba n’a pas d’héritiers dans la lutte sénégalaise. Il a tout de même ses petits-enfants qui essaient de suivre ses pas. Il s’agit de Boy Baldé et de Fils de Fodé.
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