Son Excellence, Monsieur Le Président de la République,
Nous vous adressons cette lettre ouverte pour attirer votre attention sur la situation actuelle de l’hôpital Aristide Le Dantec et solliciter votre arbitrage.
En effet depuis l’annonce de sa reconstruction sur son site actuel par vous-même, plusieurs évènements se sont succédés et ont abouti à la situation chaotique actuelle. Un bref rappel historique nous semble nécessaire pour une meilleure compréhension de notre motivation.
L’hôpital Aristide Le Dantec (HALD) a une longue expérience de formation de cadres de santé nationaux et internationaux, depuis la période coloniale. En effet, l’HALD a fêté ses 100 ans en 2012. Il a toujours bénéficié de la confiance des populations, de par son expertise, sa place stratégique et son rôle primordial notamment dans la prise en charge des urgences. Il reçoit une population de niveau socio-économique et d’origine divers.
L’HALD dispose d’une trentaine de spécialités (médicales, chirurgicales et d’aide au diagnostic) et possède l’un des plus gros potentiels de ressources humaines de l’Afrique francophone sur le plan médical et universitaire.
Cependant, vu son état de décrépitude très avancé, l’HALD n’est plus en mesure de remplir ses missions d’hôpital universitaire (soins, enseignement, formation et recherche). Cet énorme retard dans le domaine des infrastructures et des équipements accentue la souffrance physique et psychologique des patients dont la vie est parfois menacée.
Toutes ces raisons ont conduit à un travail acharné mené depuis 2005 par tout le personnel médical et paramédical et qui a abouti au projet d’établissement 2014-2018, validé et arrimé à un projet de reconstruction de l’hôpital sur le même site et en mode phasage. La maquette et le plan architectural ont été validés et vous ont été présentés en 2014. Vous aviez même intégré ce projet phare dans le Plan Sénégal Émergent (PSE). Du fait du retard noté dans la reconstruction, le projet d’établissement a été révisé et réactualisé.
Une conférence de presse a été organisée par la Commission Médicale d’Etablissement (CME) au mois d’avril 2022, suivi d’une demande d’audience qui vous était adressé. En réponse à cette démarche, vous avez reçu une délégation du MSAS en présence du président de la CME.
A cette occasion, vous avez indiqué que la reconstruction soit faite sur une assiette foncière de trois hectares, avec une architecture monobloc respectant les standards internationaux en matière hospitalière. Les trois autres hectares devant être vendus pour financer une partie du projet. Ce qui est très loin d’avoir l’assentiment de tous les acteurs du projet. Soit !!!
A cet effet, vous avez confié ce projet au FONSIS comme maitre d’ouvrage délégué, chargé de la mobilisation des ressources financières pour la mise en œuvre du projet. Vous leur aviez instruit d’aller discuter avec les acteurs, notamment la CME, les syndicats, les autres partenaires sociaux et de prendre en compte leurs observations pour les intégrer dans la conception du projet architectural.
A notre grande surprise, le premier projet architectural validé, dont la maquette vous a été présentée en 2014, n’a pas été retenue. Le FONSIS nous a présenté un avant-projet sommaire du groupe espagnol QUANTUM GHESA qui a été finalement choisi. Sur quelle base, nous donnons notre langue au chat !!
Il était convenu que l’avant-projet sommaire (APS) de HALD qui serait suivi de l’élaboration de l’avant-projet détaillé (APD), devait intégrer les préoccupations des acteurs avant la consolidation du projet, d’où la nécessité de la tenue d’un séminaire pour son partage et son amendement par la commission médicale d’établissement de l’hôpital, la direction et les partenaires sociaux.
Ainsi un séminaire de validation de l’avant-projet sommaire de reconstruction du centre hospitalier national Aristide Le Dantec s’est tenu à Dakar les 8 et 9 juin 2022. Le groupe QUANTUM GHESA, le FONSIS et le MSAS devaient prendre part à ce séminaire ; mais ils n’ont pas daigné répondre à l’invitation. N’empêche, nous avons tenu notre séminaire et un rapport avait été produit et transmis au Directeur de l’hôpital. A charge pour ce dernier de le transmettre au FONSIS, au MSAS et surtout au groupe QUANTUM GHESA. Le groupe QUANTUM GHESA devait nous revenir avec un nouveau plan architectural intégrant nos observations contenues dans le rapport du séminaire transmis au Directeur de l’HALD. Depuis lors et jusqu’à maintenant nous attendons qu’il nous présente l’avant-projet sommaire révisé avec l’intégration de nos observations. Que neni.
A la place, actuellement nous assistons à des manœuvres du MSAS et du Directeur de l’hôpital pour faire quitter des lieux tout le personnel et les malades avant la date du 16 Aout 2022.
Ceci sans aucune note écrite de la part de l’autorité et seulement sur la base de rumeurs et de prétendues instructions verbales venant des plus hautes autorités. Ce qui est à l’origine d’une débandade semant une grande confusion au sein du personnel, surtout paramédical, qui ne sait plus où donner de la tête. Mais aussi cette situation crée un désarroi total au niveau des malades qui fréquentent la structure hospitalière. Le déménagement d’un hôpital, de surcroit centenaire ne peut pas se faire de manière aussi informelle et cruelle pour les malades qui y sont soignés depuis des lustres. Nous en appelons à votre arbitrage et à votre bienveillante autorité pour arrêter ces manœuvres qui n’honorent pas le Sénégal, et remédierainsi de façon positive à cette situation au bénéfice surtout des malades.
Avant de parler de déménagement, il nous faut d’abord valider le plan de reconstruction, ce qui n’est pas le cas à ce jour. Ensuite il faut mettre en place un comité de suivi le plus large possible, incluant tous les acteurs pour suivre pas à pas la mise en œuvre du projet. Après tout cela nous pouvons parler de plan de déménagement.
Encore que sur la première option retenue, il était convenu de construire sur les 3 ha identifiés pour le projet et que le reste des activités de l’hôpital déménage de l’autre côté, c’est-à-dire la partie non concernée par la construction. Ceci pour une continuité des activités évitant ainsi l’interruption des soins pour les malades. Il se trouve que c’est au niveau de cette partie que se trouve les services qui nécessitent un plateau technique relevé, notamment les blocs opératoires et le service de réanimation, l’imagerie médicale, mais aussi la pédiatrie qui compte en son sein le seul service d’oncologie pédiatrique du Sénégal. Imaginez la catastrophe de sa fermeture sur la prise en charge des cancers de l’enfant. A ce niveau nous avons le service d’anatomie pathologique dont le déménagement des pièces et prélèvements peut poser des problèmes médicolégaux. C’est également au niveau de cette partie que se trouve le service de cancérologie qui regroupe en son sein les trois modalités de traitement du cancer, à savoir la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie. Que vont devenir les nombreux malades qui fréquentent ce service ? Les exemples sont nombreux. Cette première option facilite grandement le déménagement et la reconstruction de l’hôpital. Pourquoi elle a été subitement abandonnée ? Qui y a intérêt ? Pourquoi tant d’empressement ?
En effet c’est à notre grande surprise que le Directeur et le MSAS sont revenus sur cette option de phasage du projet en demandant à tous les services de déménager manu militari avant le 16 aout 2022. Quelle aberration.
Comment peut-on déménager en si peu de temps un hôpital centenaire ? Ont-ils pensé aux malades ? Qu’en est-il du personnel paramédical dont 90% (plus de 500 agents) sont des salariés de la structure. Existe-t-il un plan social pour eux ? Comment seront-ils redéployés ?
Qui va les payer ? A notre avis toutes ces considérations devraient être prises en compte par le projet. En plus côté formation, l’hôpital Le Dantec reçoit au bas mot près de 3000 étudiants, apprenants et personnel de santé en formation par an.
De plus un déménagement de ce type doit se planifier, s’organiser, se budgétiser et se dérouler selon un plan d’actions opérationnel bien précis. Sous-tendu en cela par un plan de communication murement réfléchi. Rien de tout cela n’a été réalisé, et on se lève un bon matin pour dire à tout le monde de déguerpir. Circulez, il n’y a plus rien à voir. Actuellement c’est la débandade totale, c’est honteux pour un pays comme le Sénégal, connu pour son leadership en santé dans toute l’Afrique et même au-delà.
Pour finir, Excellence Monsieur le Président de la République, nous vous interpellons en faisant appel à votre sens élevé de la justice et de l’équité pour mettre fin à toute cette cacophonie et remettre sur les bons rails la conduite du projet de reconstruction de l’hôpital Aristide Le Dantec, que nous appelons de tous nos vœux.
Recevez, Monsieur Le Président de la République, l’expression de notre plus haute considération.
Le collectif pour la défense de l’hôpital Aristide Le Dantec
xibaaru
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