La commune de Gaya (département de Dagana) a vibré, du 22 au 25 novembre, au rythme de la culture, à l’occasion de la première édition des Journées culturelles initiées par le maire. Pour cette année, l’accent a été mis sur le « Pékane », ou poèmes épiques des pécheurs du Fouta Tooro, revisité à travers ses nombreuses facettes.

DAGANA- C’est dans un spectacle son et lumière aux allures d’un festival que s’est déroulée la nuit du « Pékane » initiée pour la première fois par Abdou Khadre Ndiaye, maire de de Gaya, à l’occasion des journées culturelles de ladite commune avec comme parrain le Dr Amadou Mame Diop, président de l’Assemblée nationale.

Pour cette première édition, d’éminents professeurs et bras techniques du ministère de la Culture sont venus assister à cet évènement qui, selon le maire, revêt une importance capitale dans l’agenda culturel du Walo, notamment la commune de Gaya. Ainsi, le public a eu droit à des séances de « Pékâne », un genre littéraire traditionnel et artistique que seuls les « subalbé », groupe « Al Pular » spécialisé dans la pêche continentale, en détient les significations.

Selon la tradition, le « Pékâne » serait une récompense décernée à un nommé Demba Dièye par la femme de « Djom mâyo » qui signifie maître du fleuve.

D’après le professeur Oumar Djiby Ndiaye, enseignant-chercheur à l’Unité de formation et de recherche (Ufr) Civilisations, Religions, Arts et Communication (Crac) de l’université Gaston Berger de Saint-Louis (Ugb), ces incantations trouvent son origine chez Demba Diéye qui aurait acquis le « Pékâne » d’un génie des eaux qu’il aurait surpris en train de chanter ce qui sera l’hymne des pêcheurs.

Cette séance d’incantation se fait sans instrument de musique. « Demba Dièye aurait surpris cet être étrange en train de chanter.

L’homme se serait rapproché de la femme, à son insu, afin de mieux percevoir ce chant qui était de toute beauté. Quelques instants après, apercevant la femme en train de somnoler, il en aurait profité pour lui dérober la clochette dont elle se servait pour accompagner son chant. Aussitôt, elle aurait appelé Demba Dièye par son propre nom, le priant de lui rendre son instrument. En échange, elle lui aurait promis de lui donner tout ce qu’il voudrait. L’homme lui aurait fait savoir qu’il ne désirait que la chanson et pas autre chose. », a-t-il expliqué devant un parterre d’invités.

Tour à tour, les chanteurs se succèdent et chantent à la gloire des pécheurs dans un style harmonisé.

Selon toujours le professeur Oumar Djiby Ndiaye, le chanteur de « Pékâne » doit avoir certaines prédispositions. « Il n’est pas un simple interprète. Indépendamment de la qualité de la voix, qui est un élément essentiel pour le métier, il doit avoir des connaissances solides sur tout ce qui se rapporte au fleuve et aux pêcheurs.

L’art de la description, la quantité de formules incantatoires avec lesquelles il ponctue ses chants et les nombreuses généalogies qu’il y dresse constituent autant de paramètres pour le juger », soutient le professeur Ndiaye.

GUELLAYE FALL DONNE AU « PEKANE » SA LETTRE DE NOBLESSE

Guellâye Fall a révolutionné le « Pékâne ». Les membres de la famille Dieye considèrent le « Pékâne » comme une propriété propre et exclusive. Ils sont devenus griots des Subalbé.

Ce qui explique les problèmes que Guellâye a rencontrés au début de sa carrière. Guellâye appartient certes à la caste des Subalbé, mais il fait partie du clan des Fall, donc il n’avait pas le droit de chanter le « Pékâne ». Guellâye Fall a, en effet, libéré le « Pékâne » qui était sous l’emprise des Diéye qui interdisaient à toutes personnes qui ne font pas partie du clan de le chanter ou de l’interpréter.

Guéllaye a pu, grâce à son génie créateur, apposer sa touche personnelle au « Pékâne » en apportant une charge émotionnelle par sa voix et l’enrichissement des récits épiques.

Au départ, tous ces récits étaient des histoires presque quelconques, comme il en existe encore dans la mémoire collective des Subalbé, qui ont été racontées à Guellâye.

C’est ce dernier qui les a pratiquement tous retravaillés en les mettant en vers, en les embellissant, en y intégrant le style formulaire et en les transformant en chants. En définitive, c’est lui qui leur a donné une dimension épique.

LE RAPPORT ENTRE L’HOMME ET LE MONDE AQUATIQUE

Ces retrouvailles sont des moments pour les uns de se faire un nom et, pour les autres, de confirmer leur réputation. D’après Pr Oumar Djiby Ndiaye, à côté du combat officiel qui oppose les hommes aux grands crocodiles, les pêcheurs se livrent secrètement à des joutes incantatoires où chacun cherche à mettre en déroute les stratagèmes de l’autre.

Néanmoins, à la fin de la chasse, tout le monde viendra féliciter les pêcheurs les plus méritants, ceux qui auront fait preuve de plus d’adresse et de lucidité.

Pour donner du courage aux combattants, des soirées de « Pékâne » sont organisées dans le village hôte pendant les trois ou sept jours qui précèdent la chasse. D’ailleurs, pour qu’un chanteur obtienne sa consécration, il lui faut faire nécessairement une ou plusieurs tournées le long du fleuve.

Dans chaque localité visitée, il fait l’objet de tous les honneurs, comme en témoignent les dix-huit bœufs égorgés en l’honneur de Guellâye lors de son passage à Kaédi (la plus importante ville des Peuls en Mauritanie).

Le chanteur de « Pékâne » est plus que choyé dans les villages des pêcheurs. Il peut rester pendant plusieurs jours dans la même zone, car chaque classe d’âge cherche à l’honorer pour pouvoir s’en vanter auprès des autres générations.

lesoleil

Part.
Laisser Une Réponse

Exit mobile version