Politiquement inexpérimenté, le désormais ex garde des Sceaux était comme un éléphant dans un magasin de porcelaine avec des bourdes à chaque sortie médiatique. Si ses détracteurs qualifient sa nomination de « mauvais casting », ses rapports avec ses collaborateurs et sa carrière d’avocat d’affaires internationales jurent le contraire. Débarqué du gouvernement et remplacé par Ismaïla Madior Fall, son prédécesseur à ce même poste, Seneweb vous propose le portrait qu’il lui avait consacré il y a un peu plus d’un an. Voici Me Sall, à pile et à face !
Côté pile
Mordant, outrancièrement tempétueux dans la diligence des dossiers politico-judiciaires, Me Malick Sall essuie une avalanche de critiques. Ses sorties font les choux gras de la presse. Mais le ministre de la Justice semble n’en avoir cure. Sa dernière déclaration sur France 24 indexant les lutteurs, après cinq jours de tensions (du 3 au 8 mars 2021) qui ont fait 11 morts et secoué la stabilité du pays, a failli remettre de l’huile au feu.
« Ce sont des lutteurs privés de leur passion qui ont manifesté dans les rues de Dakar », déclare-t-il tentant d’étouffer le ras-le-bol populaire déclenché par l’arrestation d’Ousmane Sonko (le 3 mars dernier), accusé de viols et menaces de mort par une masseuse. Un dossier aux parfums d’un « complot politique » que le chancelier a lui-même porté, défendant bec et ongle la levée de l’immunité parlementaire du député devant l’assemblée. Se sentant diffamés, les lutteurs annoncent une plainte contre le garde des Sceaux, adepte des sorties de piste dans les médias. Il faut dire que Me Sall est un coutumier des sorties ratées. Rewind !
Le vendredi 25 octobre 2019, tel un détenteur d’un record Guinness ou d’un prix Nobel, sa photo est -pour une énième fois après juste 7 mois à la tête du département- flanquée à la Une du journal Walfadjiri. Le titre, un brin sarcastique, est assez révélateur de la réputation de ‘’gaffeur en série’’ que trimballe le garde des Sceaux : « Malick Sall, Maître ès bourdes » !
Sur toute une page du journal, les sorties étiquetées « gaffes » du ministre de la Justice y sont sériées telles des épisodes caustiques d’un ‘’comedy show’’ : « affaire Aliou Sall », « arrestation d’Adama Gaye », « déclaration de Reubeuss », « affaire Karim Wade », les communications ‘’désastreuses’’ du ministre sur ces dossiers sont passées à la loupe.
L’article comme bien d’autres qui l’ont précédé, consacrés au nouveau garant de l’équilibre de la balance judiciaire, semble confirmer un constat général : de tout le gouvernement Macky 2, Me Malick Sall est sans nul doute le ministre le plus contesté. En effet, ses déclarations de presse dépourvues de finesse pour les unes et versant dans le traditionnel baratin politique pour les autres, sont toujours sujettes à controverse.
Garde des ‘’sots’’ !
Sa sortie du dimanche 29 septembre 2019 est à ranger dans le premier lot. Dans la foulée des retrouvailles ô combien ‘’salutaires’’ avec son ex-mentor Abdoulaye Wade, le 27 septembre à Massalikoul Jinaan, le président Macky Sall décide d’accorder la grâce présidentielle à l’autre adversaire en détention depuis 2017, Khalifa Sall. Chargé de matérialiser le décret présidentiel, le ministre de la justice, Malick Sall ne put s’empêcher de s’ériger en trouble-fête.
Au moment où tous les Sénégalais se réjouissaient de ce vent dominical d’apaisement du climat politico-social, Malick est venu rajouter de l’huile sur les braises encore fumantes. « C’est Khalifa Sall qui a demandé à être gracié », affirme-t-il de manière assez maladroite sur les ondes de Sud fm, le soir de la libération du maire révoqué de Dakar. Il n’en fallait pas plus pour rameuter les vieux démons.
Fratricide ‘’assumé’’
Me Malick Sall et la diplomatie institutionnelle ne semblent pas faire bon ménage. Comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, il multiplie les bourdes à une vitesse effrénée. Ses commentaires ‘’excessifs’’ sur des dossiers pendants devant la justice ont été fortement décriés notamment sur l’arrestation de Guy Marius Sagna ainsi que celle de son ami, le journaliste Adama Gaye. Sur le derniers cas, l’avocat d’affaires se glorifie sans sourciller d’avoir sorti la chicotte contre son ami. Il revendique haut et fort ce qui est conçu comme un ‘’fratricide’’ par le troisième membre de leur bande, le journaliste Mamadou Oumar Ndiaye dans sa contribution reprise par toute la presse : « Moi l’avocat du diable Adama Gaye ».
Qu’à cela ne tienne ! Pour Malick Sall, aucune amitié fusse-t-elle centenaire, ne saurait prendre le dessus sur sa responsabilité de défendre le premier pilier de la République. « Dans cette affaire dite d’Adama Gaye, j’assume toute ma responsabilité. Je ne peux, personnellement, en tant que garde des Sceaux, voir un individu, par ses écrits, ses déclarations, passer son temps à insulter celui qui incarne l’institution la plus sérieuse, la plus en vue de notre Etat : le président de la République. J’assume toute ma responsabilité », lance Me Malick Sall à l’attention de celui dont il fut le témoin de mariage.
Les défenseurs des droits de l’Homme qui qualifient sa nomination ‘’d’erreur de casting’’, n’en reviennent pas que le garde des Sceaux qui s’engageait au soir de sa nomination d’équilibrer la balance judiciaire, exprime ouvertement son emprise dans le traitement de ces dossiers.
L’attitude n’a rien de surprenante si l’on sait que le ton avait été donné au lendemain de sa nomination sur les ondes de la Rfm et le jour de sa passation de service qui a été le théâtre d’une passe d’armes avec son prédécesseur, Ismaïla Madior Fall (ce dernier est devenu d’ailleurs son successeur à ce même poste, Ndlr). Sans mesurer l’impact des mots, Sall lâche : « je vais remettre de l’ordre dans la justice ». La réplique de Madior n’en n’est pas moins cinglante : « il n’y a pas de désordre dans la justice (…) ».
C’est avec la même maladresse que le ministre a fait sa prise de contact avec les députés. En effet, défendant la réforme sur la suppression du poste de Premier ministre, il joue les prolongations de la présidentielle du 24 février 2019, ouvrant, sans sommation, les hostilités.
« Il y a quatre ou cinq catégories d’intervention. Il y a des intervenants qui n’ont pas lu le projet mis à leur appréciation ; délibérément ou soit parce qu’ils ne savent pas lire. Il y a un autre groupe qui est constitué des victimes du 24 février 2019, qui n’ont pas encore digéré leur rancœur. En tant que garde des Sceaux, je ne peux rien pour eux. Ou tout au plus leur dire ‘’massa’’ (désolé) ».
Il a été aussi le premier à avoir blanchi Aliou Sall sur le dossier Petrotim sous prétexte qu’il est un « bon musulman ».
Côté face
Malgré les nombreuses ‘’frasques’’ du natif de Danthialy (2 avril 1956, 66 ans) ses actions dans la chancellerie sont saluées. Et c’est la très insoumise Union des magistrats du Sénégal (Ums) qui s’incline devant son « ouverture d’esprit ». « L’Ums est satisfaite de son attitude et de son ouverture d’esprit », signale son président, le juge Souleymane Teliko.
Mais ça, c’était avant que la tutelle décide de mater du ‘’magistrat’’ en s’attaquant au même Téliko en Septembre 2020. Accusant le président de l’Ums d’avoir violé son serment en commentant dans la presse une décision de justice, Malick Sall le traduit devant le conseil de discipline et secoue la magistrature sénégalaise.
A sa décharge, Me Moussa Sarr explique les sorties polémiques de son confrère (Malick Sall) par son manque d’expérience dans la politique. « Il faut comprendre que ce sont des postures politiques d’un homme politique qui fait partie d’un appareil politique » confie Me Sarr.
Aussi bien dans le cercle professionnel que familial, l’avocat inscrit au barreau de Dakar le 16 juillet 1982 est dépeint comme un professionnel « rigoureux » et un homme « affable, généreux et très engagé pour le bien-être de sa communauté ».
Loin du tollé que suscitent les actions politiques que pose son petit frère, El Hadji Baïdy Sall retrace la trajectoire de son frangin que rien ne prédestinait à la politique. Un flashback dans le passé qui jette un faisceau de lumière sur les péripéties de la vie de Me Malick Sall.
Une enfance de ‘’Foutanké’’
Né dans une famille très religieuse, le 4e fils (d’une fratrie de 5 garçons et 2 filles) de Tafsir Amadou Sall (maître coranique de Danthialy, une localité créée par son grand-père Thierno Demba Sall), Malick Sall a passé son enfance entre les champs, le troupeau, la lutte traditionnelle et l’école, comme tout bon Foutanké. Le jeune Malick qui semble être né avec un stylo à la main, fait un cursus scolaire sans anicroche. Enfin…presque !
« Me Sall a fait la primaire à Danthialy. Il était un bon élève, très brillant. Après l’entrée en sixième, il se rend à Saint-Louis au lycée Faidherbe pour le cycle secondaire mais comme tous les ressortissants du Fouta l’hébergement a été très difficile à Saint-Louis », confie El Hadji Baïdy qui se rappelle que son petit frère avait décidé, après la quatrième, de mettre un terme à son cursus à cause de ces difficultés d’hébergement. « Beaucoup de gens au Fouta ont quitté l’école à cause de cela », rembobine le frère.
Malick reviendra à de meilleurs sentiments suite à l’intervention in extremis de sa mère. « Il doit sa réussite en partie à notre mère. C’est elle qui a finalement sollicité son frère, notre oncle député à l’époque, Amadou Sada Dia pour que Me Sall soit transféré au lycée Abdoulaye Sadji de Rufisque. Il logeait chez mon oncle et a poursuivi ses études jusqu’à l’obtention du Bac », raconte-t-il.
‘’Kolal’’, un féru de la guitare traditionnelle
Tatillon et très calme à l’époque, ‘’Kolal’’ (la guitare traditionnelle Hal Pulaar) comme le surnomme les plus proches pour son amour pour la musique traditionnelle obtient son premier stage en 1983 au cabinet « Akdar & Sall » après l’obtention de sa maîtrise en 1981 et son inscription au barreau de Dakar en 1982.
Quelques années plus tard, en 1991 précisément, la vie commence à sourire à ce jeune soutien de famille à qui elle avait donné tant de coups. Me Malick Sall rachète la totalité des parts de Me Sahjanne Akdar. C’est le début d’une success Story ! L’ancien stagiaire rachète le cabinet lorsque son mentor a décidé de rentrer à son Liban natal. « Le Libanais, Akdar, était pratiquement son mentor. Il lui a fait découvrir le monde des affaires et l’avait présenté à pas mal de personnes influentes », renseigne Baïdy Sall.
Le cabinet « Akdar » devient la société civile d’avocats « Malick Sall & associés » et est composée d’avocats « spécialistes en droit commercial, bancaire, maritime, social, pénal et conseils aux entreprises ».
Une riche carrière
Me Sall, inscrit également au barreau de Paris, propose ses prestations dans plusieurs coins du monde. Il conseille ainsi de nombreuses structures au Sénégal comme à l’étranger. Parmi elles : la famille Fauzie Layousse, l’Artp (Autorité de régulation des télécommunications et des postes), Pecten Sénégal (un groupe pétrolier américain), la Banque Mondiale, Canal + horizon Sénégal, IGN France internationale, la fondation John Hopkins des USA, entre autres.
Le promotionnaire de Me Aïssata Tall Sall est également membre du panel de juristes dont les réflexions ont permis la mise en place du nouveau droit de l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA) ainsi que du Code CIMA. De nombreuses casquettes qui justifient son séjour prolongé à l’étranger. Une carrière internationale balèze qui force le respect.
Grand acteur humanitaire, petit apprenti politicien
Malgré la réussite et son long séjour d’affaires, Me Sall n’a jamais coupé les ponts avec les siens. Au contraire, il s’est taillé dans tout le Matam une réputation de grand acteur humanitaire. « Il a équipé des mosquées, des centres de santé en matériels et en médicaments. Il paie la mutuelle de santé de Denthialy 5 millions par an. Il a doté la commune d’une ambulance médicalisée.
À chaque mois de Ramadan, il assure aux habitants du village les denrées nécessaires pour tout le mois et ceci depuis 1995. À chaque fête musulmane, il envoie une enveloppe de 75 à 300 mille aux pères de familles du village. Il a réfectionné l’hôpital de Ourossogui et la gendarmerie de Matam », soutient son frère Baïdy Sall qui l’a attiré dans la scène politique en 2011 uniquement pour donner une plus grande portée à ses actions sociales.
A l’époque, à la veille de la présidentielle de 2012, Me Sall avait porté son choix sur son ancien professeur de Droit qui briguait le suffrage des Sénégalais : Ibrahima Fall. Pourtant par le passé Abdou Diouf et son successeur Abdoulaye Wade l’avait courtisé mais n’avaient pas réussi à le convaincre. Après la défaite au premier tour de son candidat, Me Sall qui se définit comme « un politicien au sens noble du terme » décide de se ranger derrière Macky Sall.
Ce n’est qu’en 2019 qu’il décide de faire le grand saut dans la scène politique en participant activement à la réélection de Macky Sall avec son mouvement « Malick pour tous, tous pour Macky (MTM) ». Il intègre ainsi le gouvernement Macky 2.
Marié en 1982 à Maïmouna Sylla, Me Sall est devenu polygame il y a 5 ans. Son fils unique Tamsir Sall, n’a pas marché sur ses traces. Fruit de son premier mariage, Tamsir est actuellement entrepreneur, loin du milieu très tumultueux de son père.
seneweb
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