Faire en sorte que l’exploitation des hydrocarbures n’ait pas d’impacts négatifs sur l’environnement est un défi que les autorités devront réaliser. La récente fuite de gaz des champs gaziers de GTA, à Saint-Louis, montre que le risque est latent

Faire en sorte que l’exploitation des hydrocarbures n’ait pas d’impacts négatifs sur l’environnement est un défi que les autorités devront réaliser. La récente fuite de gaz des champs gaziers de Grande Tortue Ahmeyim (GTA), à Saint-Louis, montre que le risque est latent.

Déjà, l’extraction des mines a causé d’importants dégâts à l’environnement, dans les différentes zones minières au Sénégal. D’ailleurs, entre décembre 2023 et septembre 2024, aucune des 484 nouvelles demandes d’exploitation minière soumises ne respecte la réglementation en vigueur.

La fuite de gaz dans les champs gaziers de Grande Tortue Ahmeyim (GTA), à Saint-Louis, quelques mois seulement après le démarrage officiel de l’exploitation, le 31 décembre 2024, remet sur la table la problématique de l’impact de l’exploitation des hydrocarbures sur l’environnement. L’Etat et l’entreprise British Petroleum (BP) ont annoncé, tout de même, la réparation de la fuite.

«Ce mercredi 12 mars 2025, l’Opérateur du projet gazier GTA, BP, a notifié la réussite de l’installation de l’équipement réparant le puits A02 sur lequel une fuite avait été notifiée depuis le 19 février 2025», annonçait un communiqué du ministère de l’Energie, du Pétrole et des Mines.

Le même document signale, par ailleurs, «que les tests et les observations réalisées indiquent l’absence de fuite. Les images satellitaires, prises après l’intervention, n’ont pas révélé de présence de bulles ou de condensats à la surface de l’eau», confirmant ainsi la réparation de la pièce défectueuse. L’impact de l’exploitation du gaz à Saint-Louis nourrit les craintes des pêcheurs artisanaux.

Au temps, la Direction de l’Environnement et des Etablissements classés (DEEC), actuelle Direction de la Réglementation environnementale et du Contrôle (DREC), avait sollicité la Commission néerlandaise pour l’Evaluation environnementale (CNEE) aux fins de donner un avis indépendant sur l’Etude d’impact environnemental et social (EIES) du Projet de production de gaz naturel liquéfié (GNL) Grand Tortue / Ahmeyim.

L’objectif principal était d’obtenir un avis externe sur les mesures proposées par les opérateurs pour l’atténuation ou la suppression des impacts afin de protéger l’environnement et, en particulier, les ressources halieutiques, la biodiversité et le littoral. Cet avis indépendant visait à favoriser une prise de décision informée sur l’octroi du permis environnemental. Par ailleurs, l’avis devrait contribuer à l’Évaluation environnementale stratégique (EES) du secteur pétro-gazier offshore.

Selon cette commission néerlandaise, l’Etude d’impact environnemental et social (EIES) du projet GTA a tenu compte d’une grande quantité́d’informations pertinentes qui devraient permettre des propositions de gestion argumentées et basées sur de bonnes connaissances. Néanmoins, la commission néerlandaise estime que ces informations ne sont pas toujours complètes et qu’elles n’ont pas été suffisamment exploitées.

Ce constat a entrainé, selon toujours la commission, une analyse insuffisante du milieu marin et côtier, de la socio- ́economie de la sous-région de la zone du projet ainsi que de sa vulnérabilité́ face aux impacts liés au projet. Elle a constaté que l’EIES est incomplète sur les raisons des choix qui ont été́ faits dans la conception du projet.

Ces lacunes dans l’information, l’analyse et la justification des choix, rendent difficiles une appréciation de la magnitude d’impacts et la pertinence des mesures de mitigations proposées. La prise en charge des inquiétudes de cette commission et des appréhensions communautaires reste un mystère.

De même, note la source, l’exploitation du gaz de Saint-Louis a été lancée sans qu’une grande communication ne soit faite sur les mesures prises pour réduire les impacts environnementaux.

Au même moment, un peu plus loin, l’exploitation du pétrole de Sangomar a, elle aussi, démarré et devra être conciliée avec les activités des insulaires du Delta du fleuve Saloum notamment celles de pêcheurs artisanaux, des femmes transformatrices de produits halieutiques, et la cueillette de fruits de mer, etc.

L’exploitation minière à l’origine d’un désastre écologique

Bien avant le début de l’exploitation des hydrocarbures, les ressources minières sont extraites dans plusieurs régions du Sénégal, dans des conditions qui ne respectent pas toujours la préservation de l’environnement.

Dans la zone de Mboro, les populations se plaignent de pertes d’espaces agricoles, dues à des multinationales qui exploitent les terres pour extraire des minéraux, sans procéder à la réhabilitation nécessaire, contrairement aux exigences du Code de l’Environnement.

Il en est de même dans plusieurs autres parties du pays.

En novembre 2023, il est ressorti d’une étude de la Direction des Mines, notamment un audit des Plans de gestion environnementale (PGES) pour l’opérationnalisation du Fonds de réhabilitation des sites miniers et des carrières, que moins de la moitié des carrières a fait l’objet d’une Etude d’impact environnemental et social (EIES), soit 47% des projets de carrières, tandis que 44% de ces derniers ne disposent pas d’études et 9% ont des EIES en cours (rapport non encore validé par l’administration environnementale).

Pour les carrières n’ayant pas fait l’objet d’une étude d’impact environnemental, il s’agit notamment de celles antérieures à la loi N°2001-01 du 15 janvier 2001, portant Code de l’Environnement qui exige la réalisation d’une étude d’impact environnemental avant la mise en œuvre de tout projet miner. L’inexistence d’une EIES étant liée, selon le rapport, au manque d’informations des promoteurs sur l’obligation de réaliser, préalablement à toute activité, une étude d’impact environnemental.

Comme explications, l’étude fait ressortir que certains promoteurs ont plusieurs autres carrières appartenant au même titre et ils pensent qu’il suffit d’en faire l’étude d’une seule carrière pour couvrir l’ensemble du titre.

Pour les petites mines n’ayant pas fait l’objet d’une évaluation environnementale, sept (7) se trouvent dans la région de Kédougou, deux (2) à Thiès, deux (2) autres à Matam dont l’une est à Ndendory. Une autre mine se trouve à Bakel, dans la région de Tambacounda.

S’agissant des concessions minières qui n’ont pas fait l’objet d’une évaluation environnementale, on les retrouve à Thiès : deux (2) dont l’une se trouve à Darou Khoudoss, l’autre à Thicky. Il y a aussi une installation dans la Falémé à Kédougou. Pour les carrières qui n’ont pas fait l’objet d’une évaluation environnementale, plus d’une trentaine se trouve dans la région de Thiès. Trois (3) sont dans la région de Tambacounda, à Koussanar.

Bafoundou et Marougoukoto sont aussi concernés.

A Kédougou, on en dénombre quatre (4) : Mako, Ibel Ndebou et Dimboli. Dans la région de Dakar, Ndoukhoura Wolof accueille aussi une installation qui n’a pas fait l’objet d’une étude environnementale. A côté, il y a des carrières dont les études d’impact environnemental sont en cours.

On en retrouve trois (3) dans la région de Thiès.

Elles sont à Thiès, Ngoundiane et Ndébou. Neuf (9) sont dans la région de Kédougou, à Tomboronkoto, Saraya, Wassadou et Mako.

Bref, ce qui est constant dans l’étude, c’est que l’existence d’un plan d’impact environnemental ne garantit pas la disponibilité d’un plan de réhabilitation. 47% des carrières qui ont fait l’objet d’une EIES n’ont pas de plan de réhabilitation budgétisé.

D’après le document, l’absence de plans de réhabilitation de certaines évaluations environnementales peut s’expliquer par le fait que l’élaboration d’un plan de réhabilitation au sein des rapports d’EIES est absente de la loi portant Code de l’Environnement en vigueur. Toutefois, des efforts de réhabilitation sont entrepris par des compagnies.

A côté des compagnies, l’exploitation traditionnelle de l’or est à l’origine d’une pollution de la Falémé, obligeant l’Etat à prendre la mesure d’interdiction de la pratique de l’orpaillage sur un rayon de 500 m du cours d’eau.

Diomaye actionne son gouvernement

A signaler que la réhabilitation des sites miniers, après exploitation, est une directive de la législation sénégalaise. Un Fonds de réhabilitation des sites miniers est instauré depuis 2003, mais il n’est pas fonctionnel car n’étant pas alimenté. L’alimentation de ce fonds n’a commencé que ces dernières années. La somme mobilisée n’est pas trop importante et s’estimait, en 2023, à 1,5 milliard.

Certains exploitants refusent de se soumettre à la loi, sous prétexte que leurs contrats n’intègrent pas cet aspect, car antérieurs à son adoption. L’éclaircie dans la grisaille est que les nouvelles autorités semblent avoir pris conscience du problème

En Conseil des ministres du 29 janvier 2025, le gouvernement a souligné que «l’exploitation des ressources minières dans plusieurs localités du pays ne participe pas activement au développement territorial et ne profite pas aux populations locales».

Voilà pourquoi, a informé le communiqué de ce Conseil des ministres, «le Président de la République a demandé aux ministres en charge des Mines, des Collectivités territoriales, des Finances, de l’Économie et de l’Environnement de procéder, sous la supervision du Premier ministre, à l’évaluation nationale de l’impact économique, social et environnemental de l’exploitation minière sur le développement des localités polarisées».

Mieux, le président de la République avait indiqué, «l’urgence de faire le point sur le Fonds d’Appui au Développement des Collectivités territoriales et les investissements en infrastructures sociales de base issus des prescriptions du Code minier ».

Par ailleurs, le président Bassirou Diomaye Faye a demandé au gouvernement, «de définir avec les acteurs territoriaux un mécanisme consensuel d’amélioration des relations entre les sociétés minières et les populations à travers la préservation de l’environnement et du cadre de vie, la promotion des emplois locaux et un meilleur encadrement de la Responsabilité sociétale d’Entreprise (RSE)».

L’impact de l’exploitation des ressources extractives sur l’environnement est aussi revenu dans les discussions du Conseil des ministres du 12 mars 2025.

Tout en soulignant que la transparence dans la gouvernance des ressources naturelles demeure une exigence prioritaire de l’Etat, le président de la République a rappelé «son attachement au bon fonctionnement du Comité national de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries extractives (ITIE Sénégal) et au renforcement permanent de ses moyens d’intervention dans le cadre de l’exécution de ses missions».

Le président Diomaye Faye a demandé à son gouvernement «de prendre toutes les mesures requises, en relation avec ITIE Sénégal, en vue de satisfaire aux nouvelles exigences de la norme ITIE 2023 en perspective de la prochaine validation du Sénégal dont le démarrage est prévu en juillet 2025 ».

Mieux, le Chef de l’Etat est revenu sur «l’importance de veiller à la gestion optimale des impacts environnementaux et sociaux de l’exploitation minière et pétrolière sur le bien-être des populations».

Il a, à ce sujet, requis un bilan des Fonds miniers d’appui et de péréquation des Collectivités territoriales, ainsi que du Fonds de réhabilitation des sites miniers.

Il a chargé les ministres impliqués de tenir, sous leur présidence effective, des revues sectorielles avec le Comité national ITIE afin de mieux préparer le processus de validation du Sénégal et d’informer les citoyens et l’ensemble des parties prenantes sur la gouvernance du secteur extractif.

484 demandes d’autorisation d’exploitation enregistrées non conformes et 71 demandes de renouvellement sur 77 déposees hors-la-loi

En attendant, le ministre de l’Énergie, du Pétrole et des Mines, Biram Soulèye Diop, a révélé jeudi dernier, 20 mars 2025, qu’aucune des 484 nouvelles demandes d’exploitation minière soumises entre décembre 2023 et septembre 2024 ne respecte la réglementation en vigueur.

S’exprimant lors d’un atelier consacré à la relance du hub minier régional, dans le cadre de son alignement avec l’Agenda de transformation 2050, le ministre a, par ailleurs, précisé que sur les 77 demandes de renouvellement déposées, seules 06 répondent aux exigences légales.

«Tout le reste est hors la loi», a-t-il affirmé, enjoignant les entreprises concernées à se conformer aux règles en vigueur.

Évoquant la répartition des titres miniers, Biram Soulèye Diop a informé que «41% des titres et autorisations sont délivrés entre la région Est et Dakar». Le même taux est octroyé dans la région de Thiès

Dès lors, il a annoncé une démarche de transparence et de réorganisation du secteur, pour une meilleure connaissance et maîtrise des activités minières par ses équipes, tout en identifiant l’ensemble des détenteurs de titres, la «mise en place des commissions chargées de collecter et d’analyser les informations nécessaires afin de permettre à l’État de disposer de données fiables sur le secteur».

Cela suppose une revue exhaustive de l’intégralité des titres miniers depuis 1959.

«Le rapport a été transmis au président de la République et au Premier ministre», a-t-il conclu.

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