Notre consommation croissante de produits industriels, en particulier ultra-transformés, peut nous exposer à des niveaux accrus d’acrylamide. Ce composé organique, qui se forme lors de la cuisson des aliments, a été classé cancérigène probable pour l’homme. Sciences et Avenir fait le point sur le sujet.
L’acrylamide est un exemple d’élément néo-formé : il n’est pas présent dans un aliment à l’origine, mais se forme lors de sa préparation. Ce composé se développe lorsque des aliments riches en sucre, comme l’amidon, sont soumis à des températures élevées, dans des conditions de faible humidité.
Ils entrent en réaction avec des molécules appelées « acides aminés » (en particulier l’asparagine). Ce processus chimique est connu sous le nom de « réaction de Maillard », responsable de la coloration, de certains arômes et de certaines saveurs, présents dans ces denrées. L’acrylamide se trouve ainsi dans les chips, les pommes de terre frites, les céréales du petit-déjeuner, le café, le pain toasté, les biscuits…
La présence d’acrylamide dans notre alimentation a été découverte il y a 20 ans, mais sa toxicité était déjà bien établie avant. En 1994, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) avait déjà classé ce composé dans le groupe 2A.
Selon cette classification, cette molécule était considérée comme cancérigène, avérée pour les animaux, et potentielle pour les êtres humains. À cette époque, l’acrylamide était principalement associée à la fumée de cigarette et aux risques encourus par les professionnels des industries produisant de la peinture, des vernis, du textile et des cosmétiques…
Les enfants sont particulièrement exposés au risque acrylamide
En avril 2002, l’Agence alimentaire suédoise (SNFA) et des scientifiques de l’Université de Stockholm ont annoncé avoir découvert que de l’acrylamide pouvait se former dans de nombreux produits alimentaires préparés ou cuisinés à plus de 120°C.
Cette annonce, à l’effet retentissant, a conduit l’OMS (Organisation mondiale de la Santé) et la FAO (Organisation pour l’alimentation et l’agriculture) à émettre des recommandations dès fin juin 2002 et à demander la réalisation d’études complémentaires.
En juin 2015, après plusieurs années de recherche, l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) a publié un avis scientifique sur cette molécule. Elle a confirmé les évaluations antérieures selon lesquelles l’acrylamide présent dans les produits alimentaires augmente potentiellement le risque de développer un cancer.
Elle a précisé que les enfants sont les plus exposés, parmi tous les groupes d’âge, du fait de leur faible poids.
En 2017, un règlement de la Commission européenne a demandé aux fabricants, aux chaînes de restauration rapide et aux restaurants d’adopter de nouvelles règles. Elles imposent d’intégrer le risque acrylamide dans leurs cahiers des charges : ceux-ci doivent recenser les étapes de traitement des denrées alimentaires susceptibles d’entraîner la formation du composé néo-formé et prendre des mesures pour réduire sa présence dans ces dernières.
Parallèlement, les teneurs en acrylamide autorisées dans les produits alimentaires ont été abaissées. Cependant, contrôler l’application de ce règlement est difficile. Par le passé, des ONG ont déjà fait état de teneurs importantes d’acrylamide dans des biscuits pour bébé.
Café et succédanés de café
Le café est l’une des principales denrées exposant les adultes à l’acrylamide. La réglementation européenne autorise jusqu’à 400 µg/kg de ce composé organique dans le café torréfié.
Un test réalisé en 2023 par la revue « 60 millions de consommateurs » a analysé 51 marques de café et a montré que toutes étaient contaminées avec de l’acrylamide. Cette contamination pouvait différer beaucoup selon les cafés (de 78 µg/kg à 345 µg/kg) mais se situait toujours en dessous des seuils autorisés.
Les succédanés de café sont, eux aussi, très riches en acrylamide. Ils en contiennent souvent plus que le café torréfié. Ceux qui sont fabriqués à base de chicorée ont une teneur six fois plus riche en acrylamide (3 mg/kg) que ceux qui sont élaborés à base de céréales (0,5 mg/kg).
Depuis la découverte suédoise de 2002, les scientifiques en savent un peu plus sur la façon dont l’acrylamide agit. Une fois consommé, ce composé est rapidement absorbé, et distribué dans tous les tissus de l’organisme, puis transformé en d’autres molécules, dont le glycidamide.
Ce métabolite se fixerait ensuite sur l’ADN des cellules pour former des « adduits à l’ADN ». Ceux-ci occasionneraient des mutations génétiques responsables de l’apparition de cancers.
Aujourd’hui, les scientifiques s’inquiètent aussi de leur présence dans les aliments transformés et ultra-transformés. En effet, ces derniers, de plus en plus consommés, ont souvent subi un traitement thermique favorisant l’apparition de l’acrylamide.
En 2021, une étude espagnole a porté sur les céréales du petit-déjeuner et a montré que la concentration d’acrylamide est d’autant plus élevée que la quantité de sucre est importante. Selon cette enquête, les échantillons de céréales, dont la teneur en acrylamide est supérieure au niveau de référence établi par le règlement européen, étaient tous ultra-transformés.
Les autrices et auteurs de ces travaux soulignent que les denrées alimentaires dont les seuils dépassent les normes devraient être interdites. La Commission européenne prévoit une mise à jour de la réglementation fin 2023 : espérons qu’elle sera plus sévère vis-à-vis de ces produits alimentaires.
À la maison, comment éviter l’acrylamide dans la préparation des repas ?
L’EFSA et la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) ont mis en place une liste de recommandations à adopter chez soi, en sachant que l’exposition aux acrylamides provient aussi de produits non préparés à la maison, comme le café ou les céréales du petit-déjeuner ou de repas pris à l’extérieur du foyer.
Voici les principaux conseils à suivre :
– Trouver un équilibre entre les aliments cuits à l’eau, à la vapeur, et ceux qui sont sautés et frits, ou rôtis.
– Surveiller l’huile de friture ou de cuisson, pour éviter la surchauffe, car cela favorise la formation d’acrylamide.
– Ne pas faire dorer excessivement les aliments car les zones les plus brunies sont les plus riches en acrylamide.
– Préparation des pâtes à base de farine : varier les farines, et laisser bien lever les pâtes.
– Au four, privilégier la préparation de gâteaux de format familial.
– Ne pas toaster à outrance le pain, modérer la température du grille-pain. Éliminer les parties trop foncées du pain grillé .
– Le fait d’équilibrer son régime alimentaire en variant son alimentation et en associant poisson, viande, légumes, fruits, à des aliments riches en amidon, peut aider à réduire les apports en acrylamide.
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