L’ancien athlète français Ladji Doucouré était de passage à Dakar en qualité de parrain du Marathon Eiffage. Le double champion du monde du 110m haies et du relais 4×100 aux championnats du monde d’Helsinki en 2005 a accordé une interview exclusive à Sport News Africa.

Entretien au cours duquel il s’est exprimé sur le hurdler sénégalais Louis-François qu’il espère voir accéder en finale des JO 2024. Il s’est également épanché sur le niveau de l’athlétisme africain, et sénégalais. Mais aussi son nouveau regard d’entraîneur.

Ladji Doucouré vous êtes français d’origine sénégalo-malienne. Avec un certain attachement au continent africain. Comment jugez-vous le niveau actuel de l’athlétisme africain, sénégalais en particulier ?

Je trouve que ça commence à se densifier. Il y a eu de grands champions, notamment au niveau du Sénégal. Aujourd’hui on voit plusieurs pays performants dans plusieurs épreuves. Sur le plan mondial, c’est compliqué même pour certaines grandes nations qui avaient la suprématie, de figurer parce qu’il n’y a plus de petites nations.

Et le Sénégal fait partie de ces nations qui aiment bien titiller et envoyer beaucoup de demi-finalistes. Maintenant il faut perdurer, il faut qu’ils s’exportent, partent à l’extérieur pour qu’ils rehaussent leur niveau. Ça devrait aller. Ce que je souhaite c’est qu’après les jeux olympiques de la jeunesse en 2026, ça donne envie à plein de sénégalais et d’africains à représenter fièrement leur patrie et les performances suivront.

Vous qui avez de meilleures installations en France, que faudrait-il aux pays africains pour cultiver les champions sur place ?

Malheureusement ça ne marche que comme ça pour l’instant, il faut les soutenir et les envoyer à l’extérieur. Quand ils viennent à l’extérieur, ils ramènent tout ici. C’est seulement ainsi qu’ils feront comprendre à leurs autorités la portée de leurs performances, leur quête de médailles internationales et qu’il faut qu’ils soient soutenus chez eux.

«Louis François Mendy doit être soutenu sur tous les aspects»

Parlons des haies, vôtre spécialité. Quel est votre regard de technicien sur la progression de Louis-François Mendy, avec peu de moyens ?

Il a réalisé de supers chronos cette année. Il a fait une bonne série aux championnats du monde d’athlétisme. Malheureusement il n’a pas l’expérience parce qu’il n’a pas encore l’habitude de courir avec les meilleurs mondiaux. Il s’est mis beaucoup de pression en demi-finale et c’est tout à fait normal. C’est pour cela qu’il faut qu’il soit soutenu sur tous les aspects pour l’aider à être performant.

On est à 8 mois des Jeux. Vous entraînez la pépite française Sasha Zhoya…

Sasha est performant, il a le même âge que Louis-François Mendy. Il est d’ailleurs d’une maman qui a des origines sénégalaises. Cela fait plusieurs fois qu’on essaye de faire des entraînements ensemble avec Louis. Nous, les coachs sommes tous d’accord pour. On s’est même croisés aux championnats du monde.

Les deux se sont même échauffés ensemble. Ce serait génial que Sacha et Mendy accèdent en finale. Et seulement en finale, que chacun fasse la vraie guerre sportive. Je souhaite le meilleur aux deux athlètes. Il y a ces Jeux olympiques à Paris. Ça va être la première pour les deux (les 2èmes pour Louis-François Mendy, ndlr). Il faudra performer.

«Tobi Amusan a certainement été perturbée par cette histoire d’antidopage»

Aujourd’hui vous êtes devenu entraîneur d’athlétisme. Zhoya a confié récemment dans une interview que vous êtes un excellent coach. Qu’est-ce qui change entre l’athlète et le coach ?

On a plus de pression que quand on était athlète. Après il y a toujours cette comparaison avec ses athlètes. Ce n’est pas forcément parce qu’un tel a été un grand athlète, qu’il sera un bon entraîneur. Mais comme je suis encore passionné, j’arrive à m’adapter au contexte de l’athlète. J’essaye de lui faire comprendre certaines choses.

Je n’ai pas l’avantage de la durée du métier de coach, cela ne fait que 5 ans. Ce qui est bien et c’est là où j’ai un avantage, c’est que ces événements, je les ai déjà vécus plusieurs fois. Je peux parler en amont des choses qu’il va subir, des détails à chercher. C’est peut-être pour cela que Sacha a aimé ma façon de coacher. Chaque fois je lui ai prédit des choses, parce que j’ai eu cette expérience-là. J’arrive à l’exporter comme ça. Mais un jour, il va dépasser le maître.

Parlons de la hurdleuse nigériane, Tobi Amusan. Brillante aux championnats du monde d’athlétisme à Eugene en 2022 et moins bien aux Mondiaux de Budapest l’été dernier…

Je pense qu’ils l’ont totalement perturbée avec cette histoire de no-show (manquements à ses obligations de localisation) d’antidopage. Elle est arrivée et n’a eu droit à participer qu’une semaine avant la compétition (suspension levée à deux jours de l’événement, ndlr). Elle reste un être humain, ce n’est pas une machine.

Je pense qu’elle a subi cette montée d’adrénaline. Il faudra quand même la surveiller parce qu’elle est capable de rebondir. Le Nigeria a toujours eu cette image de grosse nation africaine et mondiale de l’athlétisme. J’espère que cela pourrait inspirer des pays francophones comme le Sénégal et le Mali pour s’inscrire dans cette même dynamique.

sportnewsafrica

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