Dans un pays où plus de 75% de la population ont moins de 35 ans, la question de l’emploi et de l’employabilité des jeunes est un défi de taille. En dépit des efforts du gouvernement, qui y a investi ces quatre dernières années 188 milliards de FCFA, pour des besoins estimés à 300 milliards de FCFA d’ici à 2029. C’est énorme pour atteindre l’objectif d’orienter 30 % des sortants du cycle fondamental vers la formation professionnelle technique à l’horizon 2030.

L’un des piliers du nouveau référentiel des politiques publiques, Sénégal 2050, repose sur le capital humain, notamment la formation et l’insertion professionnelle.

Or, selon le Bureau international du travail (BIT), seuls 3% des travailleurs accèdent à la formation professionnelle au Sénégal ; ce qui est loin des standards internationaux. Pour le Pr Abdoulaye Diagne, directeur exécutif du Consortium pour la recherche économique et sociale (CRES), les indicateurs ne sont pas assez flatteurs pour le Sénégal en matière de capital humain au regard de son classement à l’indice de développement humain du PNUD.

Cette situation s’explique par plusieurs facteurs.

Parmi lesquels on peut relever, d’une part, la faible diversification de l’offre de formation qui ne couvre pas tous les secteurs, et d’autre part, le manque d’infrastructures adéquates et de formateurs qualifiés, qui tous deux en limitent l’accès. A cela s’ajoute, le manque d’information sur les possibilités de formation et aussi les préjugés associés à certains métiers manuels, qui comme le constate Amadou Moustapha Ndieck Sarré, le ministre de la Formation professionnelle et Porte-parole du gouvernement, réduisent l’intérêt de nombreux jeunes.

Enfin, la faible implication du secteur privé dans la formation continue des travailleurs contribue également à cette situation.

« Nous devons améliorer notre système de formation professionnelle et l’élargir pour constituer un pourcentage beaucoup plus élevé de jeunes formés », estime le Pr Abdoulaye Diagne, directeur exécutif du CRES.

Des besoins de financements de 300 milliards de FCFA d’ici 2029

Pourtant, l’Etat du Sénégal a beaucoup investi dans le secteur de la formation professionnelle ces dernières années, estime Ismaïla Sangharé du Bureau opérationnel de coordination et de suivi des projets à la Primature. En effet, plus de 188 milliards de FCfa ont été consacrés au secteur ces quatre dernières années.

Toutefois, les besoins de financement pour le secteur restent importants, notamment pour atteindre l’objectif que s’est fixé le gouvernement d’orienter 30 % des sortants du cycle fondamental vers la formation professionnelle technique à l’horizon 2030.

Pour prendre en charge les défis futurs – notamment la modernisation des infrastructures, la formation des formateurs et la révision des curricula – les autorités évaluent les besoins de financement à environ 300 milliards de FCFA pour les cinq prochaines années. « Même si le plan d’actions prioritaires 2025-2029 sera financé par l’État du Sénégal et le secteur privé, nous attendons de nos partenaires au développement un soutien non seulement sous forme de financements, mais aussi de transfert de compétences, d’équipements et de technologies », indique le ministre Sarré.

En effet, selon lui, l’orientation stratégique du ministère de la Formation professionnelle est d’arrimer les formations aux besoins de l’économie, car constate-t-il, les formations actuelles ne répondent pas toujours aux besoins du marché du travail en évolution rapide. « Bien que des efforts soient faits pour adapter les curricula, il existe un décalage entre les compétences acquises dans certaines formations et les attentes des entreprises, notamment dans des secteurs porteurs comme les technologies de l’information et la transformation numérique.

Il est donc crucial d’instaurer une collaboration plus étroite avec les entreprises afin d’adapter régulièrement les programmes de formation en fonction des nouvelles demandes du marché », expliquait-il dans un entretien accordé au Soleil le 9 octobre 2024. Ainsi, il estime que la formation professionnelle doit être orientée vers l’entrepreneuriat pour permettre aux jeunes de créer leurs propres opportunités économiques. A cet effet, des modules sur la gestion d’entreprise, le financement des projets ainsi que l’accompagnement post-formation sont délivrés au Centre sectoriel de formation aux métiers de l’entrepreneuriat de Diamniadio pour encourager et soutenir les initiatives d’auto-emploi.

Certains observateurs préconisent aussi une mutualisation des interventions des différentes structures (ONFP, 3FPT, ANAMO, ANPEJ) pour garantir une efficacité accrue des programmes de formation et de soutien à l’emploi.

Le gouvernement envisage également de renforcer la gouvernance et la coordination entre l’ONFP et le 3FPT pour éviter les chevauchements et ainsi, maximiser les résultats. Des mécanismes d’évaluation, à travers des contrats de performance, seront mis en place pour s’assurer que les interventions cadrent avec les orientations stratégiques du ministère.

Convention nationale État-employeurs

Arrimer la formation aux besoins du marché est l’une des priorités du ministère pour les années à venir. D’après une étude du Consortium pour la recherche économique et sociale (CRES), en partenariat avec l’African Economic Research Consortium (AERC) basé à Nairobi au Kenya, les jeunes sénégalais qui bénéficient de la Convention nationale État-employeurs (CNEE) ont plus de chances d’obtenir des contrats à durée indéterminée ou des contrats à court terme avec des employeurs.

Selon les résultats de cette étude, la formation en alternance augmente de 19,27%, la probabilité d’obtenir un emploi avec un contrat à durée indéterminée (CDI) de 24,1% un contrat à durée déterminée (CDD) et de 57,8% pour un emploi régulier. « Je pense que c’est un programme qui a donné de bons résultats et qu’il devrait être élargi pour favoriser l’insertion des jeunes diplômées dans le marché du travail », explique le Pr Abdoulaye Diagne, directeur exécutif du CRES, estimant par ailleurs, qu’il s’agit là d’une bonne indication pour les années à venir sur ce qui doit être fait.

Cette convention a été révisée en octobre 2023 pour mieux prendre en compte les préoccupations des entreprises.

Une autre étude du CRES montre également que l’assurance maladie communautaire améliore de 17% l’utilisation des soins médicaux et la productivité au travail, parce que ses bénéficiaires perdent moins de jours de travail. Pour ce qui est de la participation des femmes au marché du travail, l’étude révèle « une amélioration significative » passant de 36,9% en 2005 à 48,6% en 2020. Le taux d’emploi a également évolué de « manière significative » sur la même période, passant de 25,5% en 2005 à 31,1% en 2020.

Territorialisation des politiques de formation

L’autre enjeu concerne la territorialisation des politiques de formation professionnelle et technique. Pour assurer l’accès de tous à la formation, le ministère de tutelle annonce la construction de centres de formation technique et professionnelle dans chaque département du pays. Ces 38 nouveaux centres dont les premières livraisons sont prévues en 2025, sont conçues pour offrir des formations de qualité adaptées aux réalités locales et aux secteurs en demande dans chaque département.

En parallèle, le ministère a fini d’élaborer et de valider, avec les collectivités locales, des Plans départementaux de développement de la formation professionnelle et technique (PDDFPT) et des études sectorielles qui visent à permettre aux départements de disposer d’un outil de pilotage répondant à leurs réalités socioéconomiques.

La formation à distance et l’utilisation de solutions numériques sont également explorées pour toucher les zones rurales et les communautés éloignées.

En outre, une révision des curricula est en cours en collaboration avec le secteur privé. Ce travail inclut une évaluation des besoins des différents secteurs économiques, et une mise à jour des contenus pédagogiques pour répondre aux exigences du marché. Dans cette perspective, indique M. Sarré, le Guide méthodologique d’élaboration des curricula est en cours de révision, en plus de la mise en place d’un observatoire national de l’emploi et de la formation sera pour assurer la veille stratégique sur les tendances du marché du travail.

Lejecos Magazine

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