Le foncier est un levier essentiel pour les politiques de logements. A Dakar, capitale du Sénégal, le prix du foncier peut atteindre plus de 50% du prix de production du logement dans les zones tendues comme la côte-Ouest qui commence du Centre-ville à Yoff. Il est donc devenu essentiel de trouver des solutions pour faire baisser cette charge excessive et retrouver des marges de manœuvre pour un logement plus qualitatif et réellement accessible à tous.
La région de Dakar, occupant un peu plus de 4% de la superficie totale du pays, concentre 45% de la population totale du Sénégal. Un phénomène de sur-urbanisation qui taraude les meilleurs experts dans le domaine. Seul le Brésil, avec Rio, abrite un panorama urbain et démographique semblable à la capitale sénégalaise. Et encore, la densité de Dakar dépasse de 3 fois celle de Rio, la populeuse ville brésilienne s’étend sur 1200 km2. Dakar est victime de son climat particulier, de sa position géographique de choix, d’une économie le long du littoral et d’un patrimoine infrastructurel à nul autre pareil en Afrique de l’Ouest, même par rapport à Abidjan.
Autant de facteurs qui contribuent à une convoitise effrénée sur le foncier de la capitale sénégalaise. Le domaine privé immobilier et mobilier de l’Etat n’y fait pas exception, malgré les verrous du législateur public qui affirme et consacre le caractère inaliénable des biens et actifs publics.
On comprend ainsi les réactions des Sénégalais sur la cession des 3ha de l’hôpital Le Dantec et aujourd’hui, la distraction de 8000 m2 de l’assiette de l’université sur l’avenue Cheikh Anta Diop pour les besoins d’un projet immobilier, par un investisseur sénégalais. Le groupe en question, qui a pignon sur rue, est un constructeur sérieux et bien connu dans le milieu, car ayant été parmi les rares entreprises sénégalaises à être sélectionnées pour les gares du Ter et plus récemment pour un méga-projet de la Cdc.
Cependant, il serait judicieux pour ces cas de figure, d’opter pour des procédures d’appel à concurrence transparentes et équitables car d’autres investisseurs sénégalais éligibles seraient peut-être intéressés par les assiettes foncières en jeu. D’ailleurs, la Sicap et les Hlm seraient de bonnes candidates pour la reprise et l’exploitation de cette assiette. Ils ont une expérience de l’habitat social.
Osons le dire, je préfère une cession au profit d’investisseurs et promoteurs sénégalais qu’une rétrocession du foncier public aux étrangers comme Senegindia et les Taïwanais avec Daktower. Le parc foncier et immobilier de l’Etat, constitué de terrains nus, vierges et d’immeubles souvent amortis ou mal entretenus, coûte excessivement cher au Trésor public pour son entretien. Un arbitrage s’impose donc entre les coûts d’entretien d’un patrimoine vétuste, souvent en ruine, et une mise en exploitation par des investisseurs et promoteurs privés, moyennant le versement de location annuelle au Trésor public. J’ose croire que la cession d’une partie du terrain de l’Enea entre dans ce cadre. Une rationalisation des coûts et charges de l’Etat, l’université en étant un démembrement, avec son budget versé par l’Etat.
La mobilisation et la valorisation du foncier public doivent s’orienter principalement et urgemment vers la production de logements sociaux dans un contexte économique tendu pour les ménages urbains. Toutes les études montrent que plus des 2/3 du revenu des ménages de moins de 350 000-400 000 Cfa, sont affectés à la location, au paiement de l’électricité et de l’eau, d’où le soulagement que peuvent représenter des appartements à loyers modérés pour les Sénégalais qui subissent sans armes le diktat des bailleurs et l’inflation galopante sur les denrées.
L’Etat doit impérativement inscrire son action pour ce cas précis, dans le cadre de la loi d’orientation sur l’habitat social. Les lois sont là, il faut les appliquer, en attendant la réforme foncière promise depuis 2012.
Moustapha DIAKHATE
Expert en Infrastructures
lequotodien