Pour Jean-Baptiste Placca, le Pastef qui s’est construit sur la critique du pouvoir précédent ne peut désormais plus se permettre d’invoquer l’héritage difficile pour justifier ses lenteurs. Pour les nouveaux maîtres de Dakar, l’horloge tourne déjà

L’écrasante victoire du Pastef aux législatives du 17 novembre, couronnant celle de mars à la présidentielle, pourrait paradoxalement devenir le plus grand défi du duo Bassirou Diomaye Faye – Ousmane Sonko. C’est l’analyse développée par Jean-Baptiste Placca dans son éditorial sur RFI ce samedi 23 novembre 2024, où il dessine les contours d’une équation politique complexe pour les nouveaux maîtres de Dakar.

Le plébiscite populaire, manifesté d’abord par l’élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidentielle avec plus de 54% des voix, puis confirmé par la majorité écrasante obtenue aux législatives, témoigne d’une confiance sans précédent. « Le peuple sénégalais désire ardemment confier son destin à cette équipe nouvelle », note l’éditorialiste, soulignant que « contrairement à ce que l’on observe dans de plus en plus de démocraties, les électeurs ne se sont pas, ici, servi de leur bulletin de vote comme d’un lance-pierre pour régler des comptes ou se venger. »

Cependant, cette confiance massive pourrait se transformer en piège redoutable.

Jean-Baptiste Placca met en garde contre les attentes pressantes de l’électorat de base du Pastef : « Ils ne vont peut-être pas pouvoir patienter longtemps, sous prétexte que le passif hérité du président Macky Sall serait lourd. » Une situation d’autant plus délicate que le parti au pouvoir s’est lui-même construit sur la critique des « insuffisances réelles ou supposées du pouvoir de Macky Sall. »

L’histoire politique sénégalaise offre d’ailleurs un schéma récurrent que l’éditorialiste détaille avec précision : « Abdoulaye Wade l’a été pour Abdou Diouf quand celui-ci n’était pas rallié, au gouvernement. Abdoulaye Wade a eu les siens, plutôt des dissidents issus du PDS, son propre parti, tel Idrissa Seck ou Macky Sall […] Ousmane Sonko aura été, pour Macky Sall, ce que Wade fut pour Diouf. »

Le risque d’une impopularité croissante n’est pas à écarter, selon l’analyse de Jean-Baptiste Placca.

« Une si écrasante majorité à l’Assemblée nationale peut s’avérer une source d’angoisse », prévient-il, notamment face à des populations qui pourraient « s’agacer des allusions aux difficultés héritées du prédécesseur, trop souvent servies […] comme justification à la lenteur des solutions à leurs propres difficultés. »

Le défi est d’autant plus grand que le Pastef, « arrivé en dernier sur l’échiquier politique », a réussi à éclipser les formations traditionnelles en capitalisant sur les frustrations populaires. Cette stratégie pourrait aujourd’hui se retourner contre lui, le parti ne pouvant « décemment, appeler aujourd’hui les Sénégalais à se montrer raisonnables, ou à modérer leurs exigences pressantes. »

L’avertissement de l’éditorialiste est clair : « À moins que le Sénégal ne devienne en quelques années le paradis terrestre dont rêvent certains, il n’est pas exclu, passée la lune de miel, que surgisse une génération spontanée d’opposants virulents au Pastef. » Une perspective qui pourrait amener Ousmane Sonko à « méditer sur les insomnies qu’il donnait naguère à Macky Sall. »

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