Bassirou Diomaye Faye débarque à Paris avec l’ambition de remodeler l’héritage postcolonial encombrant avec l’ancienne métropole. Son face-à-face avec Macron s’annonce tendu, sur fond de vieilles rancœurs à dissiper
Le nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Faye effectue sa première visite en France depuis son élection. Une visite hautement attendue, dans un contexte de relations tendues avec l’ancien allié français, selon l’expert Pape Ibrahima Kane interrogé par RFI.
Pour Kane, cette rencontre avec Emmanuel Macron est cruciale car « ils ont quand même beaucoup de choses à se dire ».
D’autant que le président français « traverse quelques difficultés politiques » tandis que le Sénégal connaît « une situation économique pas du tout bonne ».
Avant d’envisager l’avenir, il faudra d’abord « purger le passé », estime Kane.
Un mois plus tôt, le Premier ministre Ousmane Sonko avait violemment chargé Macron, l’accusant d’avoir « fait le jeu du régime répressif » de l’ex-président Macky Sall. Pour l’expert, « cela doit servir de leçon » afin que les dirigeants occidentaux traitent l’opposition « avec déférence ».
Malgré ces récriminations, Kane assure que « les relations ne vont pas être compliquées ».
Car si Sonko, en tant que chef de parti, peut s’exprimer, « celui qui est aux manettes, c’est Diomaye Faye ». Un président réputé posé qui « ne parle pas trop », qualité appréciable « en diplomatie ».
Plusieurs dossiers brûlants attendent les deux hommes, à commencer par la base militaire française à Dakar qui fait tousser l’opposition.
« La souveraineté du Sénégal est incompatible avec la présence de bases étrangères », martèle Sonko. Une position que partage Kane : « Un État revendique une certaine façon de tisser des rapports avec l’extérieur ».
La fermeture de cette base pourrait donc être actée rapidement selon l’expert.
« S’ils s’entendent demain, la procédure peut s’accélérer », affirme-t-il, tout en soulignant la complexité logistique d’une telle opération.
Autre épine dans le pied : le franc CFA, hérité de la colonisation. « Le Sénégal est dans une démarche de réforme dans le cadre de la CEDAO », explique Kane, visant à créer une monnaie unique régionale. Mais si cette option échoue, « le Sénégal va revoir sa position ».
Enfin, la situation au Sahel et les régimes militaires malien et burkinabè seront abordés.
Profitant de ses bonnes relations avec ces juntes, Diomaye Faye pourrait « avoir le point de vue français » et faciliter un dialogue, estime l’expert.
Si Kane écarte un rôle de médiateur, le président sénégalais devra composer avec ces dossiers sensibles.
Son objectif : recadrer une relation française jugée à sens unique, mais sans rompre des liens séculaires.
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